Extraits

Chapitre 1

Entravée par mon collant opaque, gainant, qui me coupait littéralement la respiration, j'essayais, tant bien que mal, de ramasser le USA Today déposé devant la porte de ma chambre d'hôtel quand j'ai entendu la sonnerie du téléphone retentir à l'intérieur.

En d'autres, circonstances;, j'aurais vite saisi le journal avant de filer vers l'ascenseur. En effet, un coup de fil à 3 h 55 du matin ne peut signifier qu'une chose : le chef de cabine exige de vous voir dans le hall de l'hôtel, bien que vous disposiez encore de trente-deux bonnes secondes avant l'appel.

Mais aujourd'hui c'était mon anniversaire, j'avais cinq minutes d'avance sur l'horaire, et ce soir, à vingt-huit ans, je serais officiellement fiancée à Michael, mon colocataire et amant depuis quatre ans.

Je le savais depuis la veille, avant mon départ pour ce vol. Je faisais le ménage dans la chambre, en reprenant en cœur le dernier album de U2. Et au moment où Bono s'est mis à entonner : « Un dos, très... Catorce!», ma hanche droite a heurté le sac de voyage de Michael posé sur le bord de la commode, l'envoyant valser au sol.

Maintenant je peux l'admettre, jusqu'à ce moment précis, son sac n'avait jamais eu le moindre intérêt pour moi. Il s'agissait ni plus ni moins d'une serviette, d'une sorte de sac à main d'homme. Mais, ainsi éparpillé sur la moquette, son contenu éveillait ma curiosité. Je me suis aussitôt mise à genoux, et j'ai entrepris & examiner chaque objet, comme s'il s'agissait d'un sésame ouvrant sur un monde secret dont j'aurais jusqu'alors ignoré l'existence.

Oh, bien sûr, j'ai trouvé là des cartes de navigation usagées, des barres protéinées entamées, sa carte d'identité professionnelle, et une grosse lampe de poche pour les urgences. Mais aussi des choses plus surprenantes, telles qu'un tube de Rogaine, destiné à lutter contre la calvitie, et une boîte à moitié vide de Levitra, pour traiter les troubles de l'érection, qui avait atterri sur une cane d'abonnement à un vidéoclub réservé de toute évidence aux adultes.

À la seconde où il a franchi la porte, j'ai réalisé que je me sentais déjà beaucoup mieux. Sans toutefois me faire d'illusions : trois bloody mary et un litre de crème glacée ne suffiraient pas à me faire oublier mes malheurs. Cela dit, si je devais régresser : redevenir célibataire, sans projet d'avenir, je ne serais pas seule cette fois. J'avais des amis sur qui compter, et la liberté de mener la vie que je voulais.

N'étant plus prisonnière des choix de Michael, j'allais enfin pouvoir me consacrer à mes rêves (lesquels, je déteste l'avouer, s'étaient vus supplantés par ses rêves à lui). Je pourrais même terminer ce roman, resté en plan, comme le reste, sans craindre de voir Michael se pencher par-dessus mon épaule et me souffler : « La fiction est une perte de temps, Hailey. »

Tout est relatif, dans la vie. Se retrouver seul n'a rien d'insurmontable. Mieux : c'est l'occasion rêvée de prendre un nouveau départ.

Je suis retournée dans le salon, ai sorti mon portable de mon sac, et l'ai allumé. Autant affronter dès maintenant la multitude de messages que ma rupture n'aurait pas manqué de susciter. New York sert de base à mille cinq cents agents navigants. Et, dans ce milieu, les nouvelles vont vite : mes amis - et mes ennemis - savaient sans doute déjà que Michael m'avait trompée.

En effet, l'appareil s'est aussitôt mis à sonner, une enveloppe apparut sur l'écran.