Extraits

— Êtes-vous certaine de vouloir le faire ? dis-je en montrant la ligne ennemie.

— C’est-à-dire ? J’adore rencontrer des gens qui souhaitent ma mort, réplique-t-elle avec sarcasme.

Mais toute trace d’humour disparaît quand elle ajoute :

— Au moins, ils ont une bonne raison de m’assassiner maintenant. Je ne peux pas accuser la princesse Romeria pour ce que j’ai fait.

Je me contrains à sourire à mon élève en la croisant dans le couloir, mais je ne ralentis pas et serre le parchemin dans mon poing encore plus fort. Je devrais cacher la lettre que j’ai reçue – par tous les sorts, je devrais la brûler – avant que quelqu’un me trouve en sa possession, mais Allegra en aura besoin. Et puis, la connaissant, elle demandera certainement à voir les mots de Gesine pour y croire.

Moi-même je peine à réaliser ce qui se passe.

Une jeteuse clé venue d’un autre royaume à Islor, par la volonté de Malachi ? Jamais je n’ai entendu une chose pareille en presque quatrevingts ans de vie. Les archives n’y font pas allusion, j’en suis persuadée.

J’ai passé ma vie à étudier les mémoires des voyantes et des scribes, et à connaître leur savoir considérable sur le bout de mes doigts. Et pourtant…

Je dois décider comment procéder.

J’aimerais ne pas avoir à impliquer Allegra. La Seconde de la Guilde est trop jeune et trop ambitieuse, et sa capacité à changer de masque avec aisance est troublante. Sa fourberie pourrait rivaliser avec celle de la reine Neilina, et parfois je crains de me retrouver prise au piège d’une toile qu’elle a tissée. Ce n’est pas un secret qu’Allegra souhaite un jour s’élever au rôle de Première de la Guilde. Mais jusqu’où ira-t-elle ira pour ce faire, je l’ignore.

Je passe des nuits entières à fixer mon plafond en y réfléchissant.