Extraits

Et en silence, il trace mentalement une nouvelle constellation qu'il est le seul à connaître. Une constellation dont Noémie occupe le cœur.

Génésis, Chapitre 42

Le plus grand péché de Burton Mansfield, c'est d'avoir créé un âme et de l'avoir emprisonnée dans une machine.

Arrête de renifler le robot, s'exhorte-t-elle, s'arrachant à sa transe.

Incrédule, il regarde le visage de la jeune fille approcher jusqu'à ce que leurs lèvres se touchent.

C'est son premier baiser. Et embrasser quelqu'un se révèle beaucoup plus compliqué que ça en a l'air. Il faut tenir compte de nombreuses variables. Donc, après l'excitant contact initial, Abel décide de ne pas prêter attention à ses fonctionnalités supérieures mais de s'abandonner à son instinct une fois de plus.

- Informe la mine que le Perséphone accepte le contrat.

Il a rebaptisé son vaisseau une dernière fois. Bien entendu, il a été obligé pour dissimuler ses traces, mais il a choisi très soigneusement. Dans la mythologie grecque, Perséphone était l'épouse d'Hadès, sauvée du monde souterrain par sa mère, Déméter, mais toujours liées à son mari par des graines de grenade qu'elle mangeait -et, dans certaines versions de l'histoire, par l'amour. Abel considère Noémi comme appartenant à la fois à Génésis et aux étoiles, comme quelqu'un qui aura toujours sa place sur plus d'un monde.

Et puis, songe-t-il, elle est allée en enfer et elle en est revenue

Chapitre 42, page 436

-Abel, je t'ordonne de revenir ici et de te soumettre à la procédure de transfert. Viens immédiatement. Rentre à la maison.

Horrifié, Noémi regarde Abel glisser à bas de son siège et se lever pour partir.

-Non! (Elle se précipite vers lui et le saisit par le bras.) Tu n'es pas obligé d'obéir.

Le méca tremble de tout son corps, et c'est d'une voix brisée qu'il répond:

- Si, je suis obligé.

Noémi s'accroche à lui alors même qu'il se dirige vers la porte.

-Tu as une âme. Une volonté propre. tu peux lui résister, je sais que tu peux...

[...]

- ça suffit, prends un blaster, ordonne Mansfield.

[...]

- Voilà, approuve Mansfield d'une voix apaisante. On y est presque. Souviens-toi qui tu es et ce que tu es, Abel. Conforme-toi à ta prime directive. Obéis-moi. tue-la.

La main d'Abel se crispe sur le blaster, mais il ne presse pas la détente. Il ne le fera pas, il ne le fera pas, il ne le fera pas. Il veut reposer son arme, mais il n'y parvient pas. Il est pris dans une boucle récursive, partagé entre les directives qui hurlent depuis chacun de ses circuits et sa peur atroce de faire du mal à Noémi.

Chapitre 37-38, page 393-396

je croyais qu'il m'aimait comme un père, songe Able. Mansfield l'a-t-il trompé, ou Abel s'est-il trompé tout seul? Les deux, peut-être. Les pères aimants ne détruisent pas leurs enfants juste pour prolonger leur espérance de vie au-delà des limites naturelles. Mansfield éprouvait sûrement de l'amour quand il regardait Abel, mais cet amour n'avait rien à voir avec Abel lui-même. Mansfield aimait son propre génie, sa capacité à duper la mort, et la preuve qu'il allait peut-être devenir le premier homme immortel.

Chapitre 36, page 380

-Un transfert de conscience, explique Mansfield. Nous maîtrisons la théorie depuis un moment déjà; le problème, c'est que nous n'avions rien dans quoi transférer une conscience humaine. On ne pas superposer un esprit humain à un autre: quelques personne sont essayé, au début, et les résultats ont été catastrophiques. Et les autres mécas ne possèdent pas la capacité d'abriter quelque chose de si... complexe. Si subtil. Mais toi, oui, Abel. Une fois que j'aurai complètement effacé ta conscience actuelle, je pourrai me transférer en toi et reprendre là où tu t'es arrêté. Mais, cette fois, je serai jeune, fort et quasiment invincible. J'ai hâte!

Abel demeure immobile, les traits figés, en assimilant ce qu'il vient d'entendre.

Il est... une coquille. Une vulgaire coquille. Rien de ce qu'il a pu penser ou ressentir un jour n'a d'importance. ça n'en a jamais eu. Pas pour Burton Mansfield.

Tel est son extraordinaire dessein. Tout ce qu'il est, tout ce qu'il a accompli, sera effacé en un clin d’œil. Ou peut-être pas; peut-être que ce sera beaucoup plus long et qu'il aura le temps de sentir sa conscience s'évanouir petit à petit.

- J'ai bien réfléchi, reprend Mansfield. J'ai fait en sorte que ça ne te dérange pas. Ta prime directive t'ordonne de prendre soin de moi, n'est-ce pas?

- Oui, monsieur (Aurait-il dû dire "père"? il ne peut pas, il ne peut plus.) Je veux toujours vous protéger.

[...]

Ses pensées ont évolué ces trentes dernières années. Il a développé des sentiments sans rapport aucun avec sa programmation. Il a vécu des expériences que Mansfield ne peut même pas imaginer. Il se souvient de Noémi lui disant ces mots si important pour lui : "tu as une âme"

Et aussi : "Le plus grand péché de Burton Mansfield, c'est d'avoir créé une âme et de l'avoir emprisonnée dans une machine"

Son corps n'est pas une prison. C'est un véhicule. Mansfield va en extraire l'âme d'Abel pour la remplacer par la sienne.

Chapitre 34, page 366-367

-Je sais qu'il faut qu'on en face quelque chose, mais je ne peux pas laisser Esther dériver dans l'espace. Je ne peux pas la laisser seule dans le froid. Tout mais pas ça.

- C'est le froid qui te gêne?

Tu ignore ce qu'est le froid, voudrait répliquer Noémi. Il lui balancerait sans doute le point de congélation de divers éléments en degrés Celsius, Fahrenheit et Kelvin. Alors, elle lui explique ce qui la hante.

[...]

- Alors dans l'étoile. On pourrait enfouir Esther dans l'étoile de Kismet. Il n'existe rien de plus brillant ni de plus chaud. Bien sûr, elle serait incinérée, mais tu aurais quand même une sorte de tombe où la pleurer. Tu arriverais toujours à la localiser cette étoile dans le ciel.

Noémi le dévisage, muette de stupeur.

- Elle est visible depuis l'hémisphère nord de Génésis, quand les conditions météo sont favorables, insiste Abel

Chapitre 11, page 95-97

Abel devrait trouver cette cacophonie insupportable, mais il s'en délecte: c'est le bruit de l'action, de la vie. Il note ça dans un coin pour y revenir plus tard. Même les choses ordinaires acquièrent un grand pouvoir quand nous en avons été privés trop longtemps.

chapitre 14, page 121