Extraits

-Excusez-moi , souffle Honey en se levant, enroulée dans le drap, pour courir se réfugier dans la salle de bain .

Dès lors que la porte se referme derrière elle, mon pote enchaine :

-Merde, Linc...

- ça va! le coupé-je brusquement. J'ai sorti un joint et les choses ont dérapé. C'était une erreur qui ne se reproduira plus et que te demande d'oublier, s'il te plaît !

- Oublier que vous avez souillé mes draps ? Impossible. Et on svait, toi comme moi , que ça allait arriver. Ce n'était qu'une question de temps!

Ouais ! De toute façon, y a Julien qui m’attend. Si tu savais comme les médecins sont chauds quand ils prennent le soleil ! Tu aurais vraiment dû venir avec moi ! St-Martin, c’est le pied bébé !

— Fais-moi plaisir Ho, arrête de boire et va dormir.

— J’aurai tout le temps de dormir demain dans l’avion ! Ce soir, c’est la fête !

— Pas demain, après-demain ! Tu vois que tu as déjà trop bu !

— Non, je rentre demain. Les autres réunions ne m’intéressent pas. Enfin, je crois… Bon, à plus frangine ! Sea, sex and sun{2} pour moi ! Enfin, y a plus de sun ce soir, mais t’as compris, hein ?

— Euh… ouais. À demain.

— Ciao !

Et elle raccroche. Bon, ce n’est pas elle qui va m’aider ce soir.

Si au moins, je pouvais me bourrer la gueule comme elle, ça m’aiderait un peu à oublier tout ce bordel, mais même ça, je ne peux pas ! Je suis impuissante, malheureuse, seule et surtout très très très fatiguée. Bon, je vais attendre demain que Honey rentre et, pour le moment, je vais essayer de penser à autre chose.

Je tourne en rond dans tout l’appart, à la recherche d’une idée brillante afin de ne pas devenir folle. Qu’est-ce qu’on peut bien faire pour s’occuper l’esprit quand on a découvert, la veille, que l’homme que l’on fréquente depuis presque deux ans et que l’on croyait aimer plus que tout est fiancé depuis bien plus longtemps encore et qu’il va bientôt passer à l’étape supérieure (c’est-à-dire le mariage) ?

En plus, je l’ai appris dans la presse !

Et qu’est-ce qu’on fait quand le lendemain après-midi, on se rend chez le médecin pour récupérer les analyses qu’il nous a données à faire pour renouveler notre pilule contraceptive et qu’au final, il nous dit : « ce n’est plus la peine, vous êtes enceinte » ? Rien. On s’assied sur le canapé et on pleure jusqu’à épuisement.

J’ai d’ailleurs passé ma journée du lendemain à faire ça : séance mouchoirs entrecoupée de pauses pipi et de repas légers.

Je suis réveillée dans la soirée par un cri strident.

— Putain de merde ! s’exclame Honey en laissant tomber sa valise à ses pieds. C’est quoi ça ? demande-t-elle en désignant mon ventre. Tu t’es déguisée ?

Je me relève tant bien que mal en position assise sur le canapé. Il y a trois jours, je faisais des exercices de musculation dans la salle de gym du quartier, et j’étais plate, enfin mon ventre était aussi plat que d’habitude (bien qu’il ne le soit jamais totalement étant donné que j’ai un gros penchant pour les pâtisseries). Et là, c’est comme si je devais faire un des douze travaux d’hercules rien que pour me mettre en position assise.

— Ne panique pas Ho, je la rassure en levant la main. Tu es médecin, tu sais ce que ça veut dire.

— Oh mon Dieu, Sara…, gémit-elle en tombant à genoux devant moi. C’est, c’est, c’est…

— C’est mon ventre, ton futur neveu ou ta future nièce.

— Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Je suis partie y a pas une semaine et tu étais normale ! Je veux dire, pas enceinte, et là tu, tu… Je ne trouve pas les mots !

— Eh bien, je te rassure, c’est normal. Je suis aussi stupéfaite que toi, crois-moi.

— Tu as fait un déni ? Si tu me dis que tu m’as caché ça pendant tout ce temps, je te jure que je te tue !

— Jamais je ne t’aurais caché une chose pareil ! Et puis, c’est toi mon médecin, tu l’aurais su, non ?

— Tu aurais pu aller voir quelqu’un d’autre.

— Jamais je ne t’aurais caché ça, je te promets !

— Je te crois Sara, souffle-t-elle doucement. Pardon d’avoir crié, mais…

— Il y a de quoi, t’inquiète pas. J’aurais eu peur aussi si ça avait été toi.

— Mais, que dit le médecin ? Tu es enceinte de combien ? C’est un garçon ?

— Attends, Ho…

— Putain Sara ! Tu vas avoir un bébé ! Je vais être tata !

Puis, elle se met à rire et à danser dans le salon. Oui, je vais être maman, je vais avoir un petit bébé à moi. Un bébé ! Un grand sourire illumine alors mon visage. Je le savais, je savais que c’était Honey qu’il me fallait pour aller mieux. Elle vient juste d’arrivée et elle a déjà réussi à me faire prendre conscience de la chose la plus importante à retenir : je vais être maman. Je n’ai vu que le mauvais côté de la situation, mais là, elle fait ressortir le bon. Alors je ris, encore et encore, avec elle.

— Putain, mais pourquoi tu ne m’as rien dit au téléphone ? me réprimande-t-elle. Je serai rentrée avant !

— Je ne l’ai su qu’hier, et quand je t’ai appelée, tu faisais la fête au lieu de t’informer des nouveautés de la médecine !

— Pfff… C’était barbant, je sais déjà tout. Je ne sais pas pourquoi j’insiste à aller dans ce genre de truc.

— Tu auras au moins pris le soleil. Tu es toute bronzée.

— On s’en fout. Parle-moi de ça, demande-t-elle en caressant mon ventre.

— Eh bien, ça a poussé dans la nuit. J’ai l’impression d’avoir un alien dans le ventre. J’ai commencé à le sentir bouger hier soir et ça m’a fait tout bizarre.

— Et le médecin, qu’est-ce qu’il en dit ?

— Déni, c’est tout. Je t’avouerai que je ne me suis pas attardée dans son cabinet, tellement j’étais choquée.

— Il arrive parfois que l’effet de la pilule soit réduit, voire totalement nul, à cause de certains médicaments.

— C’est possible. Mais je m’en fiche, c’est pas comme si j’allais pouvoir revenir en arrière.

— Hum… Et Chad ?

Toute la joie que j’éprouvais alors depuis s’évanouit, laissant place à cette colère qui m’a envahie il y a trois jours.

— Mon Dieu Honey, si tu savais !

— Quoi ? Il ne veut pas du bébé ?

— Il n’est pas au courant. Et je pense que jamais, je ne lui dirai.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Tu penses que sa famille ne voudra pas entendre parler de l’enfant et de toi ?

— Si ce n’était que ça…, je renifle de dégoût.

— Euh, qu’est-ce que tu essaies de faire là ? me demande-t-elle.

— Me lever, saleté ! Aide-moi !

Elle m’assiste afin que je puisse me redresser, tout en se foutant de moi.

— Je crois que ce canapé est trop dangereux pour toi maintenant. C’est dingue ! J’y crois pas ! Tu es enceinte !

— Ouais, enceinte et célibataire…

— Céliba-quoi ?

— Tiens, je dis en lui tendant le magazine people. Voici la réponse à ta question.

Elle l’attrape et le lit en silence. Au fur et à mesure, sa joie semble disparaître. Ses yeux s’écarquillent et elle balance la revue sur la table basse.

— Ce truc est un tissu de mensonges !

— Tu crois ? Pourtant, tout le monde au boulot en parlait comme étant l’évènement de l’année, ironisé-je, amère.

— Ça ne veut rien dire, Sara. Tu en as parlé avec lui ?

— Pourquoi faire ? Je sais que c’est vrai. Pourquoi me demanderait-il de garder le secret sur

Sara

Je tourne en rond dans notre appartement parisien, ne sachant que faire. Putain de merde, dans quel bordel je me suis fourrée, moi ?! Comme si le fait que ma vie ait volé en éclats hier ne suffisait pas, il a fallu que ça me tombe dessus aujourd’hui. Je me mets à rire. C’est impossible, ce genre de chose ne se passe que dans les films, pas dans la réalité. Le médecin s’est peut-être trompé ? Et pourquoi Honey n’est-elle pas là quand j’en ai le plus besoin ?! Qu’est-ce que je dois faire ? À quel moment ma vie est-elle devenue une mascarade ? À quel moment suis-je devenue cette fille ? Si quelqu’un m’avait dit : « Sara, ta vie va devenir un vrai cirque », je ne l’aurais jamais cru.

Je suis une nana calme, pas un cerveau ayant fait de longues études, mais je travaille pour gagner ma croûte. Mon père m’a élevée dans le respect des autres et de moi-même. Jamais je ne serais devenue la maîtresse de quiconque de mon plein gré, jamais je n’aurais été l’autre, celle qui aide un homme fiancé à être infidèle, et pourtant…

Putain, pourquoi Honey n’est-elle pas là ? Il faut que je lui parle, il faut que je parle à quelqu’un !

Je regarde l’heure sur le réveil du salon : il est un peu plus de 20 heures ici et il y a six heures de décalage avec St-Martin. C’est là qu’est partie ma sœur il y a trois jours pour un séminaire de médecins, et elle doit revenir dans deux jours. Donc, il est environ 02 heures du matin là-bas et elle doit sûrement dormir. Non, je ne vais pas la réveiller. Mais à qui vais-je bien pouvoir me confier ? Mon père ? Il serait tellement déçu ! Et puis, même si nous sommes proches, lui et moi, je ne parle jamais de mes problèmes de couple avec lui. Tous les autres amis que je me suis faits depuis que nous sommes à Paris, je les ai rencontrés au boulot, et ce serait trop risqué de leur faire confiance. Manquerait plus qu’un d’entre eux aille moucharder auprès de Chad, et que celui-ci vienne jusqu’à chez moi… Ça fait cinq jours que nous ne nous sommes pas vus, ce qui est tout à fait normal dans notre relation. Il ne sait pas encore que je suis au courant pour Victoria, alors pour l’instant, il vit dans sa petite bulle de bonheur d’homme qui baise deux femmes à la fois. Mais il ne va pas tarder à découvrir que j’ai démissionné (enfin, c’est ce que j’ai prévu de faire), et là, il va péter les plombs et rappliquer ici illico. Mais il est hors de question que je le vois. Je ne sais vraiment pas comment gérer cette situation…

Bon, tant pis, j’appelle Honey. Je prends mon téléphone portable et compose son numéro.

— Hey sister {1}! me répond-elle à la deuxième sonnerie.

OK, elle ne dormait pas et elle a bu. J’entends du bruit et de la musique derrière elle. Elle n’est pas censée être à un séminaire important ? Un truc super chiant ? On dirait qu’elle est à la soirée de l’année.

— Euh… Salut. T’es en état de parler ?

— Sûrement ! Mais je ne te promets pas de m’en rappeler demain ! m’avoue-t-elle sur un ton léger.

— T’es pas censée être à une réunion de médecins ?

— Pas à cette heure ! Alors, quoi de neuf Paris ? s’exclame-t-elle d’une voix trop joyeuse à mon goût.

— Euh… je vais attendre que tu rentres pour en discuter avec toi.

— Ouais ! De toute façon, y a Julien qui m’attend. Si tu savais comme les médecins sont chauds quand ils prennent le soleil ! Tu aurais vraiment dû venir avec moi ! St-Martin, c’est le pied bébé !