Extraits

il me sembla entendre quelque chose avant de sortir dans l'aube .Je crois que c'étaient les genoux de Justin heurtant le sol. J'écartai le rideau et un éclair de lumière matinale me frappa en pleine face. Je levai les mains sur les côtés .

Je voudrais vous dire que je ressentis le feu, et l'enfer et la douleur. Ce serait la seule punition juste pour toutes les vies que j'avais prises sans vergogne au cours de mon existence .

Mais ce n'est pas ce qui arriva.

tout se que je ressentis, c'est un éblouissement d'or et de diamants de lumière.

Elenah et Rhode: La rencontre

-On cherche l'aventure? me demanda-t'il tranquillement, comme en passant.

Rhode Lewin s'accroupit sur ses talons. Il avait les cheveux en bataille à l'époque. Comme toujours, sa bouche était fière et ses sourcils froncés. J'avais presque seize ans, je n'avais jamais quitté le verger de mes parents, et le plus bel homme du monde se tenait devant moi. Du moins avait-il l'air d'un homme, mais c'était peut-être un adolescent. Peut-être même avait-il mon âge. Quelque chose, dans son regard, me disait que ce garçon, malgré ses joues lisses et son expression juvénile, était bien plus mûr que moi. Comme s'il avait vu le vaste monde et connaissait ses multiples secrets. Rhode était tout de noire vêtu, ce qui faisait ressirtir la couleur de ses iris dans la nuit impénétrable.

J'en tombai à la renverse. La terre était moullée, et moi j'étais trempée. La boue émit des bruits de succion sous mes talons quand je m'appuyai au sol pour m'éloigner de l'inconnu.

-Vous êtes sur une propriété privée, balbutiai-je.

Rhode se releva, posa les mains sur ses hanches, tourna la tête à droite et à gauche.

-Ca alors, dit-il en affectant d'ignorer où il se trouvait.

Je me rejetai en arrière, appuyée sur mes paumes, et levai la tête vers lui.

-Que voulez-vous?

Il se rapprocha, jusqu'à un pied de moi, et me tendit la main. Je remarquai la bague en onyx qu'il portait au majeur. Elle était différente de toutes les pières que j'avais déjà vues. Noire, unie, terne, sans la moindre éteincelle de lumière. Il ouvrit les doigts et, au centre de sa paume, je découvris la boucle d'oreille de ma mère. Je contemplai le bijou, puis les yeux de Rhode. Son sourire éveilla immédiatement un sentiment inconnu en moi. Un chatouillis du côté du coeur.

Je me relevai vivement, sans cesser de scruter l'homme qui me faisait face. La pluie clapotait sur le sol mouillé. Je tendis la main vers la boucle d'oreille, les doigts tremblants. J'allais toucher l'or lorsque j'eus la certitude qu'il refermerait ses doigts autour de miens. L'averse tombait sur sa main, sur moi, et sa paume était glissante. Je saisis la boucle d'un geste vif du poignet, et laissai retomber ma main le long de mon corps.

-Merci, soufflai-je avant de me retourner vers ma maison.

Au loin, je discernais le contour plat de la toiture, même dans cette nuit noire et pluvieuse.

-Il faut que je rentre. Et vous devriez faire de même, ajoutai-je en m'éloignant de lui.

Rhode, posant une main sur mon épaule, me retourna vers lui.

-Je t'observe depuis un moment, me dit-il.

-Je ne vous ai jamais vu.

Je relevai le menton d'un air de défi. Je n'avais pas conscience de lui présenter mon cou.

-Le problème, pour toi... c'est que je suis tombé amoureux, reprit Rhode sur ton de la confession.

-Vous ne pouvez pas m'aimez, protestai-je sottement. Vous ne me connaissais pas.

-Ah non? Je t'ai vue prendre soin du verger de ton père. Je t'ai vue tresses tes cheveux par la fenêtre de ta chambre. Je sais que quand tu marches, tu rayonnes, lumineuse comme la flamme d'une chandelle. Je sais depuis un moment déjà que j'ai besoin de toi auprès de moi. Je te connais, Lenah. Je te connais jusqu'au dernier souffle.

-Moi, je ne vous aime pas, objectai-je sans savoir du tout pourquoi.

Ma poitrine palpitait à chaque respiration.

-Allons, le répondit Rhode en inclinant le tête sur le côté. Vraiment?

Si, je l'aimais. J'aimais sa rudesse contredite par une peau sans défaut et absolument lisse. Il aurait pu me raconter qu'il avait vaincu un dragon les mains liées derrière le dos, je l'aurais cru. Peut-être était-ce l'attraction spécifique aux vampires. J'ignorais, à ce moment-là, ce qu'était Rhode, mais plus le temps passe, plus je suis certaine d'être tombée sous son charme à cet instant même.

Rhode me toisa se la tête aux pieds, et je me rendis compte qu'il voyait mon corps à travers ma chemise de nuit. Il fit glisser un de ses doigt sur ma gorge, le passa entre mes seins et s'arrêta à mon nombril. Je frissonnais. Soudain il passa une main autour de ma taille et m'attira contre lui. Tous ses gestes étaient fluides, comme chorégraphiés. Le claquement de nos corps moulliés et le contacte de sa main sur mon front lorsqu'il en chassa une mèche de cheveux... Il gémit en plongeant ses yeux dans les miens. Et à cet instant précis, Rhode enfonça ses dents dans mon cou, si prestement que je ne perçus même pas le petit craquement de ma peau cédant sous ses crocs.

A l'instant où le soleil se lève, il commence aussi à se coucher. Au moment de notre naissance, nous commençons à mourir. Toute la vie est un cycle. Quand tu auras compris que les vampires sont exclus du domaine de la vie naturelle, tout sera clair.

Une voix masculine m'apostropha de loin.

- Ça te prend souvent ?

J'essuyai mes yeux du dos de la main. Au dernier étage d'un bâtiment, en face de moi, Justin Enos me souriait par une fenêtre ouverte. Sans m'en rendre compte, je m'étais retrouvée juste à côté du dortoir des garçons, le bâtiment Quartz. Il me fallut une seconde pour trouver une réplique.

-Peut-être.

-Content de voir que tu as retrouvé ton pantalon, me lança-t-il en posant un bras sur l'appui de la fenêtre. Qu'est-ce que tu fais ?

-À ton avis ?

La chair de poule s'étendait sur mes bras. Je remarquai deux ou trois garçons qui m'observaient aussi, à d'autres fenêtres.

-Ça ne m'a pas l'air bien raisonnable.

-Ça ne vaut pas une course de bateaux à une vitesse meurtrière, mais ça fait du bien quand même.

Je souris et un roulement de tonnerre gronda dans le ciel noir. Je ne cil ai pas. Justin arborait un sourire narquois.

-OK. Pigé.

Il referma la fenêtre. L'avais-je vexé ? Je coulai un regard discret derrière moi. Le foyer se trouvait à une trentaine de mètres. Puis je tournai de nouveau la tête vers le bâtiment Quartz. Une arche de pierre encadrait une allée sombre qui menait à l'entrée. Au bout d'une minute, Justin franchit cette arche, torse nu, vêtu d'un short de sport estampillé WICKHAM en lettres blanches. Pieds nus, il me rejoignit au milieu de la pelouse.

Les bras le long du corps, je levai le menton vers le ciel. Justin me sourit, puis m'imita. La pluie clapotait dans l'allée et tambourinait légèrement sur l'herbe, autour de nous.

-Décidément, ça ne vaut pas la course de bateaux, commenta-t-il au bout d'un moment.

Je veux sentir le soleil sur ma peau et savoir ce que c'est qu'être amoureuse

À mon réveil, je clignai des yeux. J'ignorais où je me trouvais, mais j'étais couchée sur le dos. Je pensais me retrouver dans la chambre, avec Vicken, mais le ciel était au-dessus de moi. Il était trop bleu, presque comme s'il était peint, de la couleur d'un océan très profond. Il n'y avait pas de soleil, et pourtant c'était le jour. J'avais les mains le long du corps. De l'herbe tout autour de moi. Mais elle était d'un vert dur, trop vif. Je regardai mes jambes. Je portais la robe verte, celle de la dernière Nuit Rouge.

Je me redressai d'un coup. J'avais retrouvé ma vue vampirique. J'étais dans les prés, chez moi, en Angle- terre, mais il y avait quelque chose de changé. C'était comme dans un rêve. J'étais au pied de la colline, à Hathersage. Devant moi, à un kilomètre ou deux, un troupeau de biches s'ébattait. Si les biches étaient là, et la robe verte... était-il possible que...

Mon cœur, à cet instant, vola en éclats. Je fis volte- face.

Rhode était là, au sommet de la colline. Je souris, à m'en faire mal aux joues. Les larmes me montèrent aux yeux mais, comme je pouvais m'y attendre, elles ne coulèrent pas. Aucune douleur : j'étais peut-être au paradis.

Il était là. Il portait un long manteau et ses cheveux étaient courts et ébouriffés, comme la dernière fois que je l'avais vu à Wickham. Il semblait plein de vie et de santé.

Remontant mes jupes, je gravis la colline en courant. Mon château aurait dû être derrière lui, mais il n'y avait qu'une étendue d'herbe, à perte de vue. Très semblable à celle qui s'étendait devant le dortoir Quartz.

J'étais fascinée. Je ne le quittais pas des yeux. La joie que j'éprouvais, le pur étonnement de le voir devant moi formaient tout un univers que je ne comprenais pas. Pourrais-je rester là à jamais ? Oui, sûrement, je ne voulais pas en douter.

- Prête pour l'aventure ? me demanda Rhode lorsque je l'eus rejoint.

Quelques centimètres nous séparaient.

- Tu es vraiment là ? dis-je dans un souffle.

Il posa une main tiède sur ma joue. Soudain, la honte m'envahit.

- Je dois te décevoir, déclarai-je sans le quitter des yeux.

- Me décevoir ? s'étonna-t-il avec un regard rieur. C'est tout le contraire.

- J'ai échoué. Vicken m'a retransformée en vampire. J'en suis presque sûre.

- Nous n'avons pas beaucoup de temps, je serai bref.

Il se mit à marcher et je lui emboîtai le pas, le long de la crête où se rejoignaient les prés et la pelouse qui ressemblait à celle de Wickham.

- Dis-moi. À quoi as-tu pensé pendant que Vicken te reprenait ?

- Je ne sais pas. Je ne veux pas en parler. Tu es là...

Je lui pris la main. Je ne voulais plus jamais la lâcher.

- Il le faut, Lenah. Réfléchis.

Je fermai les yeux et tentai de me remémorer mes pensées. Le visage de Justin m'était apparu brièvement, son sourire le soir du bal, Tony dansant comme un fou. Fuis j'avais pensé à la famille de Vicken, à sa maison en Écosse et, bien sûr, à Rhode, dans le verger de mes parents. Je n'envisageais pas d'évoquer Justin. C'était étrange d'imaginer lui parler d'un autre amour.

- J'ai pensé à toi. Où que tu sois... j'espérais que tu étais en sécurité.

Du regard, il m'encouragea à continuer.

- Ensuite, j'ai pensé à Vicken. J'ai regretté de ne pas l'avoir laissé libre ce soir-là. Il aurait dû vivre sa vie.

De nouveau, je m'interrompis. Le léger sourire de Rhode m'indiquait qu'il était déjà au courant pour Justin.

- En fait, j'ai d'abord pensé à Justin. J'ai regretté la peine que je lui imposais. Comme à tous mes amis. Pourquoi ces questions ?

Rhode poussa un soupir de soulagement.

- Parce que tu as réussi. Et que cela fait toute la différence.

- Je ne comprends pas. Où sommes-nous ? Tous les vampires finissent-ils ici ?

- Non. Je t'ai envoyé chercher. Mais je savais que tu ne pourrais pas venir si tu n'étais pas en mesure de réussir cette épreuve. Et tu as réussi, même mieux que je ne pouvais l'imaginer.

Puis il se tut. Il me contemplait avec une telle intensité que le monde se brouilla. Rien d'autre n'existait, à cet instant, que le bleu de ses yeux.

- Je suis venu pour te mettre en garde, reprit-il. Les mois qui viennent vont te poser des défis incroyables. Tu vas recevoir certains... pouvoirs. L'un d'entre eux sera puissant et dangereux. Ne crains pas de l'utiliser, quoi que tu fasses. Il te sauvera la vie.

- Quand je reviendrai à moi, je serai un vampire. Je serai de nouveau maléfique. (J'eus un instant le souffle coupé.) Vais-je tuer ceux que j'aime ? Justin ? Tony ?

À cette idée, je serrai les mains sur mon cœur.

- Tu dois te rappeler ce que je t'ai dit. Quoi qu'il arrive, tout est dans l'intention.

- Mais le mal sera en moi. Ça n'aura pas d'importance.

- Je pense que tu t'apercevras que c'est différent cette fois.

Il passa une main sur ma joue, visiblement absorbé par une nouvelle idée.

- Tu m'as manqué, me confia-t-il tout bas.

Il regarda de nouveau mes yeux, puis le ciel, où il vit quelque chose qui m'échappait.

- À ton avis, pourquoi t'ai-je demandé à quoi tu avais pensé pendant le rituel de Vicken ?

De nouveau, il me sondait.

Je secouai la tête. Du coin de l'œil, je constatai que les biches étaient revenues, tout près de nous, à quelques mètres.

-Vicken te prenait ta vie, et pourtant tu pensais à son malheur. Tu le pleurais. Ensuite, tu as pensé à moi, non pas pour me faire des reproches mais en espérant que j'étais en paix. Et Justin, ce garçon ? Tu voulais lui épargner la peine et le chagrin. Tu n'as pas pensé à toi.

- Ça, je l'ai assez fait.

- Tout est dans l'intention. Ne l'oublie jamais.

Il déposa un baiser sur mon front. Je fermai les yeux un instant. Lorsque je les rouvris, Rhode reculait vers la pelouse.

- Resterai-je humaine ?

Il s'arrêta.

- Non, mon amour. Même moi, je ne peux pas contrôler une magie si ancienne.

Il pointa le doigt dans la direction des prés.

- Regarde. Des biches.

Je tournai la tête : l'une des bêtes était si près de moi que j'aurais pu lui caresser le museau. Quand je me retournai vers Rhode, il était bien plus loin, mais je distinguais encore ses traits.

Les yeux écarquillés, je fis un pas en avant.

- Tu t'en vas ?

- Au contraire. C'est toi qui t'en vas.

Il s'éloigna encore. Je courus vers lui, mais curieusement, il était bien trop loin pour que je puisse l'atteindre. Je m'arrêtai au bout de quelques pas.

- J'ai tant de choses à te dire ! Tu me manques.

Il eut un petit sourire malicieux. Il était presque hors de vue.

- Te reverrai-je ? demandai-je d'une voix rauque.

- Que ta grandeur ne t'étonne pas, Lenah Beaudonte. Ce qui doit t'étonner, c'est que personne ne s'y attende.

Que Dieu me vienne en aide, Rhode, parce que si tu ne le fais pas, je m'avancerai dans le soleil jusqu'à ce qu'il me consume.

J’avais conscience que mon aura vampirique avait le pouvoir d’envoûter les humains, de les ensorceler de telle sorte qu’ils croient avoir trouvé l’amour ou la paix. Justin Enos m’aimait-il contre toute raison ? Était-ce l’un des « effets secondaires » que je conservais malgré la transformation ? Je le contemplais, impatiente d’entendre ce qu’il allait me dire. Enfin, il se décida à parler.

— La prochaine fois que tu sortiras de chez toi, n’oublie pas de mettre un pantalon !

Et avec un clin d’œil, il partit dans l’escalier.

Je baissai les yeux. Le pull trop long de Rhode donnait l’impression que je ne portais rien en bas. Les filles s’éloignèrent en jacassant, surtout la blonde.

- Je t'observe depuis un moment, me dit-il.

- Je ne vous ai jamais vu.

Je relevai le menton d'un air de défi. Je n'avais pas conscience de lui présenter mon cou.

- Le problème, pour toi... c'est que je suis tombé amoureux, reprit Rhode sur le ton de la confession.

- Vous ne pouvez pas m'aimer, protestai-je sottement. Vous ne me connaissez pas.

- Ah non ? Je t'ai vu prendre soin du verger de ton père. Je t'ai vu tresser tes cheveux par la fenêtre de ta chambre. Je sais que quand tu marches, tu rayonnes, lumineuse comme la flamme d'une chandelle. Je sais depuis un moment déjà que j'ai besoin de toi auprès de moi. Je te connais, Lenah. Je te connais jusqu'au dernier souffle.

- Moi, je ne vous aime pas, objectai-je sans savoir du tout pourquoi.

Ma poitrine palpitait à chaque respiration.

- Allons, me répondit Rhode en inclinant la tête sur le côté. Vraiment ?

Si, je l'aimais. J'aimais sa rudesse contredite par une peau sans défaut et absolument lisse. Il aurait pu me raconter qu'il avait vaincu un dragon les mains liées derrière le dos, je l'aurai cru. Peut-être était-ce l'attraction spécifique aux vampires. J'ignorais, à ce moment-là, ce qu'était Rhode, mais plus le temps passe, plus je suis certaine d'être tombée sous le charme à cet instant même.

Rhode me toisa de la tête aux pieds, et je me rendis compte qu'il voyait mon corps à travers ma chemise de nuit. Il fit glisser un de ses doigts sur ma gorge, le passa entre mes seins et s'arrêta à mon nombril. Je frissonnai. Soudain, il passa une main autour de ma taille et m'attira contre lui. Tous ses gestes étaient fluides, comme chorégraphiés. Le claquement de nos corps mouillés et le contact de sa main sur mon front lorsqu'il en chassa une mèche de cheveux... Il gémit en plongeant ses yeux dans les miens. Et à cet instant précis, Rhode enfonça ses dents dans mon cou, si prestement que je ne perçus même pas le petit craquement de ma peau cédant sous ses crocs.

De nouveau, Rhode porta mes doigts à ses lèvres. Il baissa les paupières pour laisser l'aria nous envelopper.

- Partons, me dit-il soudain.

Il se leva.

- Où ?

- N'importe où.

Son regard se vrilla dans ce qui aurait été mon âme, si j'en avais eu une.

- Partout où tu iras, j'irai.

Nous sortîmes de la loge en laissant derrière nous la seule trace de notre présence : un carnage.