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Il y a une semaine j'ai entendu des pleurs dans les toilettes de l'Entreprise. Qui duraient. J'ai attendu. Je me suis savonné les mains longuement. Je voulais voir le visage du malheur.
Afficher en entierMa femme bâillait. Ostensiblement. C'est étrange, un être humain qui bâille. Même lorsqu'il s'agit de notre femme. On songe toujours à l'hippopotame. Sa large gueule humide. Son existence indolente. Son corps chaud oint de vase.
Afficher en entierMa femme désormais se brossait les dents. Brognard l'attendait dans notre lit. Il lisait un magasine de pêche au gros. On était mardi. C'était son jour.
Afficher en entierHier matin j’ai acheté trois hommes. Une tocade. C’est Noël. Ma femme n’aime pas les bijoux. Je ne sais jamais quoi lui offrir. La vendeuse me les a emballés. Ce n’était pas simple. Ils résistaient un peu. Sous le sapin, ils prenaient de la place. Nous n’avons pas attendu minuit. Pourquoi trois. Un pour chaque orifice.
Afficher en entier-Bonne nuit.
-Oui bonne nuit.
Leroux a disparu dans l'obscurité chaude.
Mon Dieu que ça fait du bien. Ma femme me rejoignait en remontant sa culotte.
Je crois que je suis heureux.
N'as-tu pas honte de dire ces mots du bonheur.
Comment cela.
Le soir même de la mort de Turpon.
Turpon est mort pas possible.
Tu l'as déjà oublié.
Mais comment.
Un suicide. On était là.
Non. La vache. Turpon est mort. Sans profiter de la vie. Des bonheurs de l'existence. Du tarama. Des étoiles. De sa femme.
Oui.
C'est si court mon Dieu. Turpon tu dis.
Turpon.
On le connaissait bien.
Un peu quand même.
Ça ne me dit rien.
Turpon. Un de tes collègues.
Turpon. Souviens pas.
Afficher en entierParfois des gestes simples nous contentent : faire la vaisselle. Tondre une pelouse. Peindre une porte. Feindre de respirer. La vie devient presque supportable quand on la feinte. Enfin presque.
Afficher en entierLes trottoirs de nos villes sont couverts de vagabonds. Auparavant, il y avait des papiers gras, de vieux journaux… Nous ne jetons plus inconsidérément nos déchets dans les rues. Nous les trions. Sur nos chaussées ne traînent plus que des êtres sales emballés dans de multiples couches de vêtements nauséabonds qu’ils maculent de vomissures, d’urine et d’excréments. Parfois il en meurt. Surtout en hiver. Mais pas assez.
Afficher en entierNous invitons parfois à la maison des philosophes que nous trouvons dans la rue, sous les porches, recroquevillés en boule comme de vieux papiers usagés.
Afficher en entierMa femme n'a pas levé la tête. Elle a continué à appliquer sur ses ongles d'orteils un chatoyant vernis vermillon.
Afficher en entierSoins palliatifs
Rondin a un cancer. Celui du service prospective. Oui. Cancer de quoi. De tout. Depuis quand. Quelques mois. Des années. Je n'en sais rien. Ces choses-là ne surviennent pas du jour au lendemain. Nous allons le voir jeudi. Qui de nous. Dupont et moi. Vous lui apportez un cadeau. Pour quoi faire puisqu'il va mourir. Ça se fait. Ah. Et qu'est-ce qu'on peut bien offrir à un cancéreux. Quelque chose en rapport avec une de ses passions. Rondin n'était pas à proprement parler un être passionné. Tu en parles déjà au passé. Je m'adapte à une situation future. Une plante verte. Oui. C'est un cadeau sans risque. Les hôpitaux sont toujours sinistres. Contempler une plante verte rappelle la joie des vivants. En même temps elle ne sent rien et on n'a pas à la manger, ni à la lire, ni à la boire. Elle requiert du malade aucun effort. Tu as sans doute raison. J'ai sommeil. Moi aussi. J'éteins. Eteinds. Bonne nuit. J'ai fait un drôle de rêve.
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