Extraits

- Je m'exprime toujours mal quand je suis avec toi. Bon, pouvons nous reprendre au début?

- Au début?

- Oui. Au début. On efface tout et recommence.

- Alors il faut que je me remette à vous détester et à ne pas vous faire confiance.

- Ah, non, pitié, pas ça! Est-ce que ça veut dire que tu m'aimes bien et que tu me fais confiance désormais?

- Je ne vous déteste pas.

- Et la confiance?

- Le débat est en cours.

- Tu ne me fais pas de cadeau. Tu le sais, n'est-ce pas?

J'ai réprimé un sourire, incapable de garder mon sérieux.

-Oui

Il a secoué la tête.

J'ai tourné la tête en entendant des bruits de pas, j'ai eu la surprise de voir arriver Riley. Il avait l'air mal à l'aise, tirant sur sa chemise, regardant partout sauf vers moi. J'ai fermé les yeux pour retenir mes larmes. Combien de fois m'étais-je donc trompée?

- Ella, tout va bien? m'a-t-il demandé.

- Mon nom est Trella! Mes amis...- j'ai dégluti.

Oui, j'avais des amis. Appelle-moi Trell. Depuis combien de temps as-tu planifié tout ceci?

- Le Dr Lamont nous a contactés. Elle nous a dit qu'elle avait besoin de nous pour t'aider à comprendre.

Mais comprendre quoi?

J'ai écarquillais les yeux, ne comprennent pas moi-même.

Riley a poussé un cri.

- Tes yeux!

- Qu'es qu'ils ont mes yeux?

- Ils sont bleus!

Alarmée, j'ai demandé:

- Qu'es qui se passe, ici, bon sang?

- Je n'en sais rien!

- On lui doit une explication à lui aussi, a alors dit Jacob en entrant dans la pièce suivi de Kiana.

- J'espère que tu vas faire quelque chose de tout ça, parce qu'en tant qu'être humain, tu ne vaux rien!

Non. Je refusais de penser à cela. Du moins, pas encore. Le bras de Riley était toujours posé sur mes épaules. J’ai reposé Zippy par terre et me suis tournée vers lui. Un désir soudain de me rapprocher de lui éloignait cette sombre perspective. Nos lèvres se sont unies. Une vague de chaleur a parcouru mon corps, tandis que nous nous embrassions.

Riley pressait son corps contre le mien ; ses mains chaudes me caressaient le dos. Partout où nos corps étaient en contact, ma peau frissonnait. J’ai passé ma main dans ses cheveux.

J’ai ri.

— Penses-tu vraiment que cela soit nécessaire maintenant ?

— Je ne sais peut-être pas tout à ton sujet, mais je sais que s’il y a des ennuis, tu seras impliquée.

Il a coupé court à mon cri de protestation en m’embrassant de nouveau.

« Il a pressé son nez contre celui de sa peluche, comme s’il communiquait par télépathie avec elle. Pinçant ses lèvres, il a ajouté :

— Mouton dit qu’il a faim. Désolé. Ah… attends !

De nouveau, il s’est tourné vers son jouet.

— Mouton dit aussi qu’il ne croit pas que tu sois une Gratteuse stupide. En fait, il pense que tu es plutôt futée et que si tu dis le contraire, il va te mordre le mollet !

Amusée, j’ai haussé les épaules en affectant un air outré.

— Dis à Mouton que s’il me mord le mollet, j’enverrai Zippy à ses trousses.

— Zippy ?

— Mon petit troll de nettoyage. Il a la manie de déchiqueter les moutons de poussière. 

De la lumière bleutée émanait de l’évent qui donnait sur le repère secret de Riley. Après m’être assurée qu’il était bien vide, je me suis laissée tomber sur le canapé. La lumière blanche s’est allumée automatiquement et j’ai bondi sur mes pieds de surprise : cela n’était jamais arrivé auparavant.

J’ai trouvé le minuscule détecteur de mouvements. Son capteur était dirigé vers le canapé, et le simple dispositif avait été relié à l’interrupteur. Le reste de la pièce semblait normal. L’échelle était appuyée contre un mur latéral et le mobilier était en place. Un instant s’est écoulé sans que rien ne se produise. J’ai vérifié sous le canapé : Zippy semblait imperturbable, dans sa cachette.

Je me suis détendue. Riley avait passé du temps à remettre cet endroit en ordre. En traînant dans la pièce, j’ai découvert plusieurs objets à lui. Un clavier cassé avec des câbles qui pendaient dessous, un feutre mâchonné, une ardoise avec un schéma de circuits dessiné dessus et un mouton en peluche. Il n’était pas fabriqué en vraie peau de mouton, mais la laine était bouclée et douce, et le reste était en chiffon. Un jouet d’enfant. D’après son aspect usé et élimé, je devinais qu’il avait été câliné.

J’ai ramassé le mouton et caressé sa laine. La Crèche avait peu de jouets à la disposition des enfants. La majeure partie de notre temps était dévolu à l’apprentissage de nos futurs métiers. Nous avions des trolls de nettoyage au lieu de poupées, et des appareils à déconstruire et remonter. Les Mères Nourricières nous évaluaient et décidaient de nos carrières, en fonction de nos aptitudes.

Le souvenir de Cog faisant la course avec Jacy pour déterminer qui aurait fini de reconstruire un appareil le premier m’a fait sourire. Cog adorait plonger ses mains dans le cambouis, si bien qu’il aurait probablement décroché un boulot dans la maintenance, même s’il n’avait pas été si gros.

Mon goût pour l’exploration des tuyaux a également facilité la tâche de ma Mère Nourricière, quant à mon placement. Je n’avais pas la patience nécessaire pour devenir moi-même MN, ni horticultrice dans les Cultures Hydroponiques.

Les séances d’informatique avaient monopolisé nos heures d’apprentissage. Des histoires pédagogiques à lire, des leçons de mathématiques, connaître les coutumes et les préceptes de notre société ainsi que le fonctionnement élémentaire des machineries et de notre monde avaient constitué le cœur de notre apprentissage. D’après Riley, toutes ces informations n’étaient que propagande Pop Cop. Je me suis demandé dans quelle proportion.

J’ai entendu un petit bruit sec derrière moi. J’ai fait volte-face, la main sur ma ceinture porte-outils. Riley est entré dans la pièce et a refermé la porte derrière lui tout doucement. Il portait son casque et un uniforme de travail.

Il a levé un sourcil devant ma posture défensive.

— Je vois que tu as trouvé Mouton.

— Mouton ? ai-je dit, en replaçant le jouet. Ce n’est pas un nom très original.

Il a haussé les épaules.

— J’avais 300 semaines quand on me l’a offert, avec sa maman.

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Maman Mouton, a-t-il répondu avec un sourire.

J’ai ri.

— Ah, tu sais rire et sourire ! Je commençais à être inquiet.

— Inquiet à propos de quoi ?

— Du fait que tu n’aies pas de joie dans le cœur.

Quelle étrange déclaration…

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— J’ai pris de grands risques pour t’aider et ça fait du bien de voir que tu peux… que tu n’es pas… que tu as…

Il a enfoui son visage dans ses mains, puis les a laissées retomber en signe de renoncement.

— Je m’exprime toujours mal quand je suis avec toi. Bon, pouvons-nous reprendre au début ?

— Au début ?

— Oui. Au début. On efface tout et on recommence.

— Alors il faut que je me remette à vous détester et à ne pas vous faire confiance.

— Ah, non, pitié, pas ça ! Est-ce que ça veut dire que tu m’aimes bien et que tu me fais confiance, désormais ?

— Je ne vous déteste pas.

— Et la confiance ?

— Le débat est en cours.

— Tu ne me fais pas de cadeau. Tu le sais, n’est-ce pas ?

J’ai réprimé un sourire, incapable de garder mon sérieux.

— Oui. 

« Il a secoué la tête.

— Très bien. N’effaçons rien, dans ce cas, mais pourquoi ne pas ignorer tous nos préjugés antérieurs et nous aborder comme deux personnes ordinaires, qui ne se détestent pas ? Nous pourrions d’ailleurs commencer par nous tutoyer. D’accord ?

— Entendu.

— Formidable. Bonjour, je m’appelle Riley Narelle Ashon et voici Mouton Narelle Ashon.

Il a attrapé son mouton en peluche et a agité sa patte dans ma direction. Puis il m’a tendu la main.

— Et tu es… ?

J’ai serré sa main, émerveillée par le contact de sa peau douce.

— Trella Garrard Sanchia. 

– Tu veux dire « non, il ne peut pas le faire » ? ai-je demandé à Anne-Jade, me mettant à trier, moi aussi.

– Je veux dire « non, je ne suis pas d’accord ». C’est trop dangereux. Il va se faire prendre.

– Nous finirons tous par nous faire prendre, de toute façon. Autant que ce soit avec panache, dit Logan.

Anne-Jade s’est renfrognée, malgré les efforts de son frère pour l’amadouer. Mais à la raideur de ses épaules, je savais qu’elle ne changerait pas d’avis. Un Pop Cop s’est approché de nous et nous nous sommes concentrés sur notre tâche.

Elle pesait le même poids que Zippy, mon petit troll de nettoyage. Je scrutais son visage en me demandant quel nom la femme allait lui donner. Dans les Niveaux Inférieurs, les Gratteurs confiaient leurs bébés aux Mères Nourricières, qui se chargeaient de leur donner un nom.

Voici le premier chapitre de Inside Out en français :

http://fr.calameo.com/read/000680467be830277bc8f