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Je suivis machinalement du regard une jeune femme poussant un landau, qui traversait la rue devant ma voiture. Elle eut un peu de mal à remonter sur le trottoir, juste devant un panneau publicitaire. Et je me figeai, la gorge soudain nouée.
Il me fixait, droit dans les yeux, de son regard d’un bleu intense sous sa longue crinière d’épaisses boucles dorées, plus longue que dans mon souvenir. Dans son visage dix fois plus grand que nature, ses lèvres pleines au pli naturellement moqueur affichaient un sourire indéchiffrable et lointain. La photo ne révélait que ses épaules, laissant deviner qu’il était torse nu. Une chaînette d’or tranchait sur la peau claire de son cou. D’or aussi l’anneau qui brillait à son oreille.
Au-dessus de son épaule gauche, un flacon, sobre et carré. Et deux mots s’étalant en grandes capitales noires : GOLDEN BARON.
Je dus me forcer à respirer, lentement. Son regard magnétique me captivait. Impossible de lui échapper. Et il était partout à travers toute la ville, s’étalant sur les panneaux publicitaires, dans les rues, dans le métro. Sans parler des magazines. Et même d’un spot télévisé. Et c’était le même effet à chaque fois. La sensation de manquer d’air, la douleur sourde dans ma poitrine. Le regret, le chagrin, la frustration. Et la honte de ressentir encore tout cela après tout ce temps.
Presque trois ans.
Et je l’avais toujours dans la peau.
Afficher en entier« Mon démon blond devait vraiment avoir capté ma pensée car je reçus deux jours plus tard un message accompagné d’une pièce jointe :
« Souvenir d’Écosse, rien que pour toi. »
C’était une photo de lui, où il portait effectivement un kilt, ainsi qu’une chemise blanche à jabot de dentelle largement ouverte. Appuyé à un pan de vieux mur en ruines, il affichait une expression lointaine et rêveuse, ses longs cheveux bouclés balayés par le vent. Baigné par la lumière dorée du crépuscule, il semblait surgi d’un autre âge, ou d’une de ces romances historiques qu’adorait ma sœur Lizzie. Il dégageait une telle beauté et une telle mélancolie que j’en eus le cœur serré.
« Rien que pour toi… »
J’aurais pu effacer la photo. Ça aurait été le plus sage. Je la gardai.
Encore quarante-huit heures et je le reverrais. Ce qui m’emplissait à la fois de hâte et d’appréhension. »
Afficher en entier« Machinalement, je ralentis pour regarder le show, curieux de voir qui pouvait ainsi s’imposer à ses pairs.
Et j’eus la sensation d’avoir été percuté de plein fouet par un quinze tonnes.
C’était LUI !
Au centre du cercle dégagé par les autres danseurs, entièrement vêtu de blanc, il attirait tous les regards mais c’était comme s’il avait été seul au monde. Il dansait, sensuel et félin, sans que son regard accroche quiconque, pour son propre plaisir, semblait-il, mais il ne pouvait ignorer la foule autour de lui. Il ne tentait pas de singer John Travolta, non, il laissait son corps suivre la musique. Captivant. Magnétique. Sa crinière d’or volait autour de son visage angélique.
Beau comme un jeune dieu descendu de l’Olympe.
Si beau.
La gorge sèche, je m’immergeai dans cette vision céleste. M’en intoxiquai.
Insolent et confiant, il n’avait plus rien du garçon brisé que j’avais laissé derrière moi trois ans plus tôt au fin fond des Cornouailles. Désormais, il était le roi de ce petit monde insouciant et futile. Et il le savait. »
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