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— Mon ex-mari. Il s’appelle Terry. Nous nous sommes mariés dans le Connecticut en 2008.
Mr. Miggles se retourna et fit quelques pas en sirotant sa boisson comme s’il ne venait pas de lâcher une bombe.
Ex-mari. Oh mon Dieu, Mr. Miggles avait été marié à un homme.
Je ressentais trois émotions différentes à la fois. J’étais ravi d’avoir la confirmation qu’il jouait dans la même catégorie que moi. Mais j’étais également agacé et un peu blessé. Il savait que j’étais gay. Je lui avais dit pendant mon foutu entretien d’embauche. On aurait pu penser qu’à un moment, pendant ces deux ans, il aurait trouvé le temps de dire :
— Eh, pour ce que ça vaut, je suis gay aussi.
Afficher en entier— Bon Dieu, je crois que j’ai littéralement quitté mon corps pendant un moment, haleta Sean, épuisé.
— Oh, dis-je avec éloquence.
Dès que je réussis à faire bouger mes membres, je me tournai et m’effondrai contre lui, la tête sur son torse. Son cœur battait vite et fort contre mon oreille.
— Tu ne fais pas une crise cardiaque, n’est-ce pas ? demandai-je, épuisé.
— Je pense que je réaménage simplement mon cœur.
— Tu y fais de la place pour moi ? dis-je en tapotant paresseusement son torse.
— C’est un peu tard pour ça, répondit-il doucement.
Ses doigts parcoururent les poils sur mon avant-bras qui était posé sur son ventre.
— Et votre chair sera un grand poème.
Je souris.
— C’est tiré de quoi ?
— Quel païen. C’est Whitman. Quand vas-tu lire Feuilles d’herbe ?
— Bientôt, lui promis-je. Elle est sur mon Kindle.
Afficher en entierMr. Miggles était comme ça lui aussi, ce qui était une bonne chose car sans ça je ne pourrais sûrement pas travailler à la bibliothèque. Ce Mr. Miggles était un grand penseur à l’esprit ouvert. Il n’avait pas sourcillé lorsque je lui avais dit pendant l’entretien d’embauche que j’étais gay. Et il aidait les gens à trouver les livres les plus étranges avec un enthousiasme constant comme lorsqu’il disait « Oui ! Je trouve aussi que les crapauds albanais à cou rouge sont fascinants. Je connais le livre parfait » ou bien « Les mariées russes ! En voilà un sujet intéressant ! » ou bien « Les opérations de changement de sexe ! Fantastique ! Allons voir ça, vous voulez bien ? » ou enfin « Si vous cherchez de l’aide pour la dépression, vous devriez lire la dernière étude de Harvard sur Zoloft. C’est dans le dernier numéro de Scientifique Américain. Laissez-moi vous montrer… ».
C’était l’une des raisons pour lesquelles j’adorais autant mon travail. J’essayais d’être comme ça moi aussi, d’être une girouette qui ne jugeait pas les gens et qui leur indiquait où ils devaient aller. Mais je n’étais pas sûr qu’un jour je serais aussi bon que Mr. Miggles. Il savait vraiment tout. Je jure qu’il devait absorber le contenu de la bibliothèque grâce à une osmose, parce qu’il n’y avait aucun autre moyen qu’il puisse lire tous les livres et les magazines qu’il avait dans sa petite tête pointue.
Pas "littéralement" pointue. Ni "littéralement" petite dans ce domaine. Mais vous voyez ce que je veux dire.
Afficher en entierIl était le bibliothécaire en chef à la chemise boutonnée jusqu'en haut et à la cravate et il était aussi mon patron. Il faisait plus vieux que ce qu'il était en réalité. Il avait probablement la trentaine mais il venait tous les jours au travail avec un costume cravate.
La dénomination honorifique de « Mr. Miggles » le vieillissait également. La bibliothécaire en chef précédente se nommait Mrs. Wisener et occupait ce poste depuis la nuit des temps. Personne ne l'appelait par son prénom. Je ne suis même pas sûr qu'elle en avait un. Alors quand elle est décédée et que son remplaçant a été nommé, tout le monde l'a appelé « Mr. Miggles ».
Ça lui allait bien. Il était toujours sérieux, souvent triste et il avait un côté professoral qui résistait au temps.
Je le considérais comme le ninja socratique de la bibliothèque de Sandy Lake. Il se déplaçait furtivement, se chargeant des missions invisibles.
Et lorsqu'il parlait, on avait l'impression qu'il lisait un passage d'un de ces livres intellectuels qu'il aimait.
Ce qui était plutôt génial.
Afficher en entier— En fait, poursuivis-je, je pense que nous n’avons pas assez d’obstacles. Notre histoire ne peut pas être épique si nous y allons mollo sur les obstacles. Nous en avons besoin de plus. Je suppose que tu n’as pas été touché par une malédiction gitane dans le passé et que ta tête n’est pas mise à prix dans l’Alabama ?
Il me regarda si tendrement que je crus que mon cœur allait exploser.
Afficher en entierIl posa le sac et ouvrit un placard.
— J’ai, hum, j’ai du café instantané ou du thé. À la menthe ou English breakfast.
— Du café instantané, s’il vous plaît.
— Avec du lait et sans sucre ?
Il avait remarqué comment je prenais mon café au travail. Est-ce que ça voulait dire quelque chose ? Probablement pas.
Afficher en entierMon dernier arrêt était toujours la bibliothèque.
Elle était alors, et est encore, un endroit magique. Quand j’étais enfant, la bibliothécaire en chef était l’ancienne et toujours gracieuse Mrs. Wisener. À la bibliothèque, personne ne vous regardait, personne ne vous jugeait.
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