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Ma ville, ce paysage, pour je ne sais quelle raison, me déprimaient profondément. Une fois de plus j’étais accablé par ce syndrome de noirceur mentale, commun à tous les citadins, cette espèce de gelée au café vaseuse qui revient régulièrement m’assaillir.
Afficher en entierÇa n’a aucune sens une relation sans compréhension, sans affection et sans compassion mutuelles. C’est de la masturbation, c’est tout.
Afficher en entierLa mort était peut-être un état complètement différent du sommeil ? C’était peut-être des ténèbres éveillées et sans fin comme celles que je contemplais en ce moment derrière mes paupières closes. La mort, c’était peut-être rester éternellement éveillé dans les ténèbres ?
Afficher en entier– On dirait que tu es douée, dis donc.
– Non, c’est facile, tu sais, pas besoin d’être doué. Ce qu’il faut, ce n’est pas imaginer qu’on tient une mandarine, mais plutôt oublier qu’il n’y en a pas, tu saisis ? C’est tout.
Afficher en entierJe voudrais avoir le don d'ubiquité. Voilà mon seul et unique souhait. Je ne désire rien d'autre.
Seulement l'individualité, qui fait que chacun de nous est uniquement soi-même, entrave la réalisation de mon souhait. Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit là d'une réalité extrêmement désagréable ? Ne trouvez-vous pas que c'est une pression qui irrationnelle qui pèse sur nous ?
Mon souhait n'a pourtant rien d'extravagant. Je ne veux pas être le maître du monde, devenir un artiste de génie, me mettre à voler. Non, tout ce que je demande, c'est de pouvoir me trouver à deux endroits en même temps. Vous comprenez ? Pas trois, ni quatre, non, deux seulement.
Ecouter un orchestre dans une salle de concert, et en même temps faire du roller-skate. Etre employé au service de contrôle des marchandises d'un grand magasin, et en même temps être un hamburger chez McDonald's. Je veux coucher avec ma petite amie et avec vous en même temps. Je veux être une existence individuelle et en même temps un principe général.
Afficher en entier« - Toi, tu écris des romans, et je me suis dit que tu devais t’intéresser aux modes de comportement des autres. Et aussi, tu vois, pour moi, un écrivain, c’est quelqu’un qui, avant de porter un jugement sur une conduite ou un événement donné, va l’apprécier purement et simplement dans l’intégralité de sa forme. L’accepter, disons, si l’apprécier n’est pas le mot juste. »
Afficher en entier« Lorsque la dernière sonnerie se tut, l’écho s’attarda longuement dans la légère obscurité de la pièce, pareil à une trainée de poussière. De ses ongles durs l’horloge frappait sur une planche invisible flottant dans l’espace. On se croirait vraiment à l’intérieur d’un mécanisme, me dis-je. Une fois par jour l’oiseau à ressort fait son apparition et remonte la pendule du monde. Et moi, seul à l’intérieur de ce monde, je vieillis tandis que la balle de caoutchouc blanche de la mort enfle de plus en plus. »
Afficher en entier« Il y avait trois employés en tout : la fille qui nous avait accueilli, un chef à la tête en forme d’œuf et au teint maladif, et un jeune type à l’expression indéchiffrable, sans doute un étudiant qui s’était trouvé un job en cuisine. Tous trois se rassemblèrent devant la caisse enregistreuse, contemplant le canon de mon révolver comme des touristes un puits inca. »
Afficher en entierLa ville offre un éventail de choix innombrables, de possibilités innombrables, et, en même temps, elle ne donne rien. Nous saisissons tout cela dans nos mains, pour découvrir après qu'elles sont vides. Zéro. C'est ça, la ville.
Afficher en entierL'oiseau à ressort et les femmes du mardi
" Quand cette femme a téléphoné, j'étais debout dans la cuisine, en train de me faire cuire des spaghettis, et je sifflotais en même temps que la radio le prélude de La Pie voleuse de Rossini, musique on ne peut plus appropriée à la cuisson des pâtes.
J'ai d'abord été tenté d'ignorer la sonnerie du téléphone et de continuer à préparer tranquillement mes spaghettis. Ils étaient presque prêts, Claudio Abbado et l'orchestre symphonique de Londres étaient en plein crescendo. Réflexion faite, j'ai baissé le gaz et, mes grandes baguettes de cuisinier dans la main droite, je suis allé au salon et j'ai soulevé le combiné. On ne sait jamais, ça pouvait être un ami qui m'appelait pour me proposer un job.
- Accordez-moi dix minutes, m'a annoncé une voix de femme tout à trac.
- Pardon ? ai-je rétorqué sous le coup de la surprise. Qu'est-ce que vous avez dit, là ?
- J'ai dit : accordez-moi dix minutes, a répété la femme.
Je ne me souvenais pas d'avoir jamais entendu cette voix. J'ai une confiance quasi absolue en ma capacité à reconnaître les voix, je ne pouvais pas me tromper : cette femme m'était totalement inconnue. Elle avait une voix basse, douce et indéfinissable.
- Excusez-moi, mais à qui ai-je l'honneur ? ai-je demandé le plus poliment du monde.
- Ça ne vous regarde pas, tout ce que je veux c'est dix minutes de votre temps. Ça nous permettra de mieux nous comprendre l'un l'autre.
Elle avait un débit rapide et déterminé.
- Nous comprendre ?
- Émotionnellement parlant, a-t-elle répondu succinctement.
J'ai passé la tête par la porte que j'avais laissée ouverte, pour jeter un coup d'oeil dans la cuisine. Une vapeur blanche de bon aloi s'élevait de la casserole, et Abbado conduisait toujours La Pie voleuse de main de maître.
- Écoutez, excusez-moi, mais je suis en train de faire cuire des spaghettis, ils sont presque prêts, et si je parle dix minutes avec vous ils seront fichus. Est-ce que je peux raccrocher maintenant ?
- Des spaghettis ? s'est exclamée la femme d'un ton stupéfait. Mais il est dix heures du matin ! Pourquoi faites-vous des spaghettis à dix heures et demie du matin ? C'est un peu bizarre, non ?
- Bizarre ou pas, ça ne vous regarde pas. J'ai prati quement sauté le petit déjeuner et maintenant j'ai faim. Donc je me fais cuire ces spaghettis dans l'intention de les manger. J'ai le droit de manger ce que je veux à l'heure que je veux, non ?"
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