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"Je pleure jamais. Comme ça, personne peut me faire de mal.
- Que veux-tu dire?
- Si je pleure pas, ils savent pas que j'ai de la peine. Alors ils peuvent pas me faire du mal. Personne peut me faire pleurer non plus. Même mon papa quand il me bat."
Afficher en entierSheila tourna la tête vers mois quand j'entrai. Elle me dévisagea en silence.
- Pleure pas, Torey, dit-elle tout bas. Ca fait pas vraiment mal. Je t'assure.
Remplie d'humilité devant tant de courage, je la regardai dans les yeux.
- POurquoi est-ce qu'on t'a mise dans un petit lit ? demandai-je, l'esprit vide. Tu ne devrais pas être dans un si petit lit.
- Ca m'est égal, tu sais, dit-elle.
Je savais que c'était faux. Je la connaissais assez bien maintenant pour savoir avec quel soin elle sauvegardait toujours son amour-propre. Elle me sourit tendrement, comme pour me consoler.
Afficher en entier- Sheila, je ne te vois jamais pleurer. Tu n'en as pas envie ?
- Je pleure jamais.
- Mais pourquoi ?
- Comme ça, personne peut me faire de mal.
Je la regardai. La froide lucidité de sa remarque était terrifiante.
- Que veux-tu dire ?
- Personne peut me faire de mal. Si je pleure pas, ils savent pas que j'ai de la peine. Alors ils peuvent pas me faire de mal. Même pas mon papa quand il me bat. Même pas Mr Collins. Tu as vu ? Je pleure pas, même quand il me bat avec le bâton. Tu as vu, hein ?
- Oui, j'ai vu. Mais tu n'en avis pas envie ? Ca ne t'a pas fait mal ?
Pendant un long moment, elle ne répondit pas. Elle prit une de mes mains dans les siennes.
- Si, ça me fait mal. (Elle leva vers moi un regard indéchiffrable.) Quelquefois je pleure un peu, la nuit, quelquefois. Mon papa il rentre très tard, quelquefois, et je reste toute seule, et j'ai peur. Des fois, je pleure un petit peu ; ça se mouille, là, dans mes yeux. Mais je l'empêche. Ca sert à rien de pleurer, et ça me fait penser à Jimmie et à maman, si je pleure. Je pense qu'ils me manquent.
- Parfois, cela peut faire du bien.
- Non, pas à moi. Je pleurerai jamais. Jamais.
Afficher en entier- Pourquoi travailles-tu dans cette classe?
Je lui souris.
- Je crois que c'est parce que j'aime les relations très honnêtes. Et les seules personnes vraiment honnêtes que j'ai rencontrées jusque-là sont les enfants et les fous.
Afficher en entierJ'ai lu (1988), p. 171
« — Des fois, je me sens vraiment seule.
Je hochais la tête.
— Ça s'arrêtera un jour, tu crois ?
— Oui. Un jour, je pense.
Sheila soupira, s'écarta de moi et se leva.
— Un jour, ça arrive jamais vraiment, n'est-ce pas ? »
Afficher en entierLe Petit Prince est un récit assez court, et au bout d’une demi-heure, j’en étais presque à la moitié. Lorsque j’abordai l’épisode du renard, elle devint encore plus attentive, et je sentis son petit bassin osseux se tortiller sur mes cuisses, tandis qu’elle recherchait une position plus confortable.
« - Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince, je suis tellement triste…
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais après réflexion, il ajouta :
- Qu’est-ce que signifie ‘apprivoiser’ ?
…
- Que faut-il faire ? dit le petit prince
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… »
Sheila posa sa main sur la page.
- Relis-moi ça, tu veux bien ?
Je lus de nouveau le passage. Elle se tordit sur mes genoux pour me dévisager et pendant un long moment m’emprisonna dans son regard.
- C’est être ce que tu fais, hein ?
- Que veux-tu dire ?
- C’est ce que tu fais avec moi un jour, hein ? M’apprivoiser.
Je lui souris.
- Je être exactement comme le livre raconte, tu te rappelles ? J’ai si peur et je me cache dans le gymnase, et tu viens et tu t’assois par terre. Tu te rappelles ? Et je fais dans ma culotte, tu sais ? J’ai si peur. Je crois que tu vas me battre parce que je fais tellement de bêtises ce jour-là. Mais toi, tu t’assois par terre. Et tu viens plus près, toujours plus près de moi. Tu m’apprivoisais, hein ?
Je lui souris, décontenancée.
- Oui, oui, peut-être.
- Tu m’apprivoises. Comme le petit prince apprivoise le renard. C’est exactement comme ça ? Et maintenant, je être unique pour toi, hein ? Comme le renard.
- Oui, tu es tout à fait unique, Sheil.
Afficher en entier- Pourquoi tu fais ça ?
- Quoi donc ?
- Être gentille avec moi.
Je la regardai, surprise.
- Mais parce que je t’aime bien.
- Pourquoi ? Je être folle ; je fais du mal à tes poissons. Pourquoi tu être gentille avec moi ?
Perplexe à mon tour, je lui souris.
- J’en ai eu envie, Sheila, tout simplement. J’ai pensé que tu aimerais peut-être avoir quelque chose de joli à te mettre dans les cheveux.
Elle continuait à caresser les barrettes dans leur emballage, à palper du bout des doigts les figurines de plastique.
- Personne me donne jamais rien, avant. Personne c’est être gentil avec moi exprès.
Désemparée, je restai là, à la regarder. Je ne trouvais rien, dans mon expérience, à quoi me raccrocher.
Afficher en entierPendant la récréation, le lendemain matin, je rappelai l'hôpital pour avoir des nouvelles de Sheila. La voix du médecin était plus détendue, cette fois. Sheila avait bien supporté l'intervention et l’hémorragie avait cessé au cours de la nuit. Au matin, elle avait retrouvé ses esprits et on l'avait transférée dans le services des enfants. Je pouvais venir la voir quand je voulais. Je demandai si le père était là. Le médecin me dit que non. "Voudriez-vous avoir l'obligeance de lui annoncer que je viendrai la voir dès que l'école sera finie ? " Le docteur promit, d'une voix chaleureuse. "Quelle petite gamine courageuse ! me dit-il. Oui, répondis-je, il n'y a pas plus courageux."
Afficher en entier« Les amis, c’est mieux que les parents : nous nous aimons parce que nous le voulons et non parce que nous sommes obligés. Nous avons choisi d’être amis. »
Afficher en entier« Je m’émerveillai soudain de l’influence que chacun de nous exerçait sur la vie de l’autre, et sans même s’en rendre compte, la plupart du temps. »
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