Extraits

Quelques minutes plus tard, elle se retrouva assise devant son ordinateur, tapant « viol » à la rubrique « sujet » du moteur de recherche.

Quand elle vit s’afficher le chiffre de 10 900 000 entrées, elle en éprouva aussitôt un curieux réconfort. La force du chiffre parlait d’elle-même : elle n’était pas la seule mère du monde à endurer cette horreur. Et Trixie n’était pas une victime isolée. Le mo « viol », ignoble entre tous, était relayé par des centaines de sites Web décrivant sans complaisance les traumatismes attachés à ce mal comme des mauvaises herbes.

Elle consulta trois ou quatre sites et la terrible liste des statistiques lui explosa à la figure : une Américaine sur 6 avait été ou serait la victime d’une tentative de viol ou d’un viol avéré. Aux Etats-Unis, le nombre total des femmes concernées s’élevait à 17,7 millions.

20%des viols se déroulaient au foyer de la victime, chez une relation, un voisin, un parent.

Plus de la moitié avaient lieu à moins d’un kilomètre du foyer de la victime.

80% des victimes étaient âgées de moins de trente ans. Les filles entre seize et dix-neuf ans risquaient quatre fois plus de se faire agresser sexuellement que le restant de la population.

61% des viols n’étaient jamais déclarés à la police. Lorsque c’était le cas, le suspect avait 50,8% de chances d’être arrêté. Seulement 69% des violeurs échouaient en prison. Mais puisque seulement 39% des viols étaient déclarés à la police, le pourcentage des coupables condamnés à une peine d’emprisonnement tombé à 16,3%.

Ce qui, en tenant compte du nombre des délits non signalés, menait à une conclusion dévastatrice : 94% des violeurs étaient en liberté.

Les relations humaines ont toujours une dimension physique douloureuse : on tombe amoureux, on a le cœur brisé, on perd la tête.

Ce que l’on pense impossible un jour peut devenir envisageable le lendemain.

Le bon samaritain volant au secours d’un accidenté de la route pouvait très bien se retrouver poursuivi pour coups et blessures s’il avait échoué dans sa manœuvre de sauvetage.

Un vrai cercle vicieux, pensa Laura : si l’on ne réussit pas à se délivrer des effets d’un traumatisme, on ne peut avancer. Mais si l’on y parvient, alors on abandonne la quête de ce que l’on était.

Expliquer l’enfer prenait une toute autre dimension lorsqu’on se retrouvait soi-même en plein chaos.

Trixie regarda les M&M's dans le creux de sa main. Les couleurs des pastilles commençaient à teinter sa peau.

- Pourquoi est-ce que la pub nous répète qu'elles ne fondent pas dans la main alors que c'est faux ?

- Parce que tout le monde ment, répondit Zéphir.

L'espoir était partie intégrante de la puberté, comme l'acné ou le bouillonnement hormonal. On pouvait afficher des airs cyniques mais c'était juste par bravade, une espèce de maquillage pour tromper son monde. Il aurait été bien trop embarrassant d'avouer que, malgré les gamelles que l'on se ramassait, on ne se résignait pas à cesser d'y croire.

Tous les ados savaient cela. Le fait de grandir n'était rien d'autre que d'essayer de se faufiler par des portes qu'on ne leur avait pas encore refermées en pleine figure.

-Tu ne dors pas?

-Je n'y arrive pas.

-Es ce que...est-ce que je peux te demander quelque chose?

Les yeux rivés au plafond,elle murmura :

-Si tu veux.

-Tu as peur?

-De quoi?

- D'oublier.

Elle comprit ce qu'il cherchait à lui dire.Même si parler de ce que venait de subir Trixie était la chose la plus dure au monde,ils devaient s'y obliger...