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On ne mesure pas la chance qu’on a. On ne mesure pas que tout peut basculer soudainement et qu’on ne maîtrise rien. On croit qu’on maîtrise, ça nous rassure, même si l'on se leurre profondément.
Lorsqu’il nous arrive des drames, on en prend conscience quelques jours et puis vite, notre vie se remet au galop et nos vieilles habitudes reprennent le dessus, comme pour mieux guérir, enfouir, oublier.
Et maintenant que tu viens de partir, je revis cette scène dans ma tête comme si c’était hier. Pourtant, quatre années se sont écoulées.
Ma vie ne s’est pas encore remise au galop, je n’y arrive pas. Mon cheval est couché sur le flanc et refuse de se relever. Il paraît que justement, ce n’est pas bon signe un cheval allongé, c’est même inquiétant. Ces jours-ci, je dors debout la plupart du temps comme eux, je suis un zombie. C’est pour ça que j’ai prétexté cette nouvelle mission à l’autre bout du monde, parce que je ne suis pas capable de m’occuper d’Ellyn. J’ai déniché cette porte dérobée et j’ai menti, ce n’est pas la première fois de toute façon. Il faut que je trouve d’urgence un moyen de me remettre en selle, et c’est pour ça que je suis là. »
Afficher en entierLorène
Quelque part dans le sud de l’Italie
« Je me rappellerai toute ma vie de ce coup de fil ce matin-là. C’était un jour de juillet, chaud, ensoleillé, prometteur.
Je me revois déposer ma brindille à l’école, l’année scolaire allait toucher à
sa fin d’ici quelques jours. Je venais de rentrer d’un séjour de trois mois en
Norvège pour ma dernière exposition et Ellyn se faisait une joie que je l’emmène.
J’entends encore le babillage de tous ces enfants franchir le portail et s’élancer dans la cour, heureux de retrouver leurs camarades. Je me souviens du va-et-vient de ces parents, venus déposer leur progéniture avant d’aller au travail. Je perçois toujours les sons, les odeurs, la chaleur du soleil sur ma peau, le chant des oiseaux et la légèreté des vêtements que je portais en cette matinée d’été.
C’est fou comme un souvenir n’est parfois pas qu’une simple image. Il peut se composer de tant d’autres choses, de tant de sensations. Des éléments, qui séparément, feront leur réapparition plus tard tout au long de votre vie, et qui lorsque vous les apercevrez, vous ramèneront toujours à cet instant-là, celui où
tout a basculé.
Je me remémore la sonnerie du téléphone, coincé au fond du sac à main, et ce soupçon d’étonnement en voyant ton prénom s’af icher. Nous avions pour habitude de nous écrire des lettres régulièrement, puis à l’ère moderne, des courriels et beaucoup de SMS. En revanche, nous nous appelions uniquement en cas d’évènements importants. Je devais venir quelques semaines plus tard pour les vacances. Tu souhaitais sans doute évoquer le programme des réjouissances.
J’ai décroché sans m’inquiéter, sans penser une seconde à ce que tu allais m’annoncer. C’est ce genre de moment, celui qui précède l’apocalypse dans une vie. L’instant d’avant, tu es heureuse, uniquement préoccupée par des broutilles, disputant ta fille sur le chemin de l’école parce qu’elle ne marche pas assez vite.
L’instant d’après, tu t’ef ondres, parce que la vie est une vraie salope parfois et que c’est ton amie qu’elle a choisie pour exercer son rôle le plus sadique. Entre ces deux moments, quelques millièmes de seconde, un flottement, une bulle de tranquillité sur le point d’exploser.
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