Extraits

« Assis dans sa chambre, Connor siphonnait du whisky irlandais d’un air maussade tout en regardant un marathon de l’extrême à la télévision. Il avait d’abord décidé de ne pas répondre à celui ou celle qui frappait à la porte, mais la voix impérieuse de Roz lui ordonnant : « Connor, je sais que tu es là. Ouvre la porte et arrête de bouder » le fit changer d’avis.

Il avala prestement son scotch et se dirigea d’un pas lourd vers la porte pour l’ouvrir sans ménagement.

— Un Irlandais, ça ne boude jamais, déclara-t-il d’un air boudeur. Nous, on broie du noir, on souffre de profonde mélancolie ou on devient fou, mais on ne boude pas. »

Mes romans à l'eau de rose s'éparpillèrent sur le trottoir, aux pieds d'un trentenaire séduisant, le visage anguleux, les yeux masqués par des lunettes de soleil de marque. Il avait une pilosité brune aux reflets auburn exubérante et omniprésente, mais le tout était bien entretenu. Toutefois, il n'avait pas l'air d'avoir déjà mis les pieds chez un barbier.

Il ramassa un livre, regarda le titre et afficha un sourire.

Le visage de Val se figea en une expression de stupéfaction et elle me regarda avec des yeux ronds. Honteuse, je reposai l’assiette… mais en prélevant d’abord le roulé à la cannelle.

— Cassandra, s’est-il passé quelque chose après mon départ hier soir ? s’enquit-elle.

Puisqu’elle le voulait… je lui fis part de ma fin de soirée, exagérant à peine.

— J’ai été humiliée ! Déçue, détruite et anéantie ! m’écriai-je.

Ma colère fondit comme neige au soleil à son contact. Mes tétons se mirent au garde-à-vous sans crier gare. Je les entendais presque implorer les mains et la bouche de Connor de jouer avec eux. Les coquins ! À l’insu de mon plein gré, mon corps se collait contre celui de Connor sans que je puisse contrôler quoi que ce soit. Mes mains ne tentaient plus de le repousser ; au lieu de cela, elles s’enroulaient autour de son cou pour le faire s’approcher encore plus.

— Je me languis déjà de vous, poursuivit Connor. N’oubliez pas Troublant prodige et L’Amour en cascade, ajouta-t-il en me tendant mes livres, un sourire aux lèvres.

Je regardai ce dernier livre avec circonspection ; sa couverture comportait des traces de morsures et il avait l’air un peu ramolli sur les bords.

— Tendre objet du désir, lut Val d’une voix blanche, laissant tomber le seul livre qu’elle portait sur le lit.

Les lames s’entrechoquèrent maintes fois tandis que les combattants portaient des coups, paraient et ripostaient, les sifflements et commentaires de l’équipage ponctuant le duel qui faisait rage. Après une passe d’armes particulièrement difficile au cours de laquelle les gardes de leurs épées se heurtèrent dans un fracas assourdissant, les adversaires s’interrompirent quelque temps, pour retrouver leur souffle.

Raph tapota l’épaule de Cassandra.

— Maudit soyez-vous, Raph ! Vous m’avez tué, gémit-il avant de tomber face contre terre.

Lord Dumas retira ensuite son épée pour l’essuyer sur la cape de son adversaire.

Cassandra se leva lentement et se drapa dans sa pèlerine afin de préserver sa pudeur.

— Lord Dumas… Raph…, s’illumina-t-elle en chancelant, échappant de peu à la chute grâce à la prompte intervention de lord Dumas qui la prit dans ses bras.

— Il n’a pas pu… Il ne vous a fait aucun mal, mon amour…, balbutia-t-il.

— J’ai croisé cette demoiselle sur la plage et on s’est retrouvés pris dans une grosse vague, répondit-il.

Je pense qu’elle aura bien besoin d’une douche brûlante avant d’aller se coucher.

Il me guida vers Val qui le regardait d’un air très surpris.

— On se voit demain matin, lança-t-il en s’arrêtant à la porte. Un bon bol de chocolat chaud devrait lui faire le plus grand bien, ajouta-t-il.

Connor avait eu pour seule intention de chatouiller Cassandra et de se venger de la baignade forcée qu’elle lui avait imposée. C’est vrai, il l’avait fait sursauter, et à vrai dire, il savait qu’il aurait mieux fait de ne pas la surprendre. Mais il avait ignoré ce que lui dictait sa raison pour céder au plaisir de voir bondir Cassandra. Bon, elle avait eu une peur bleue et elle s’était vengée avec la célérité et la ruse d’une véritable Irlandaise. Cassandra l’avait bien puni et lui avait fait payer cher sa mauvaise plaisanterie. Sa bouche picotait encore à l’endroit où la peste l’avait giflé avec l’algue. Le jean mouillé était loin d’être la tenue idéale pour Connor et des tonnes de sable s’étaient insinuées dans ses vêtements. Quant à ses mocassins hors de prix, ils étaient certainement anéantis. Bon, les dommages collatéraux valaient bien ce moment de franche rigolade.

— Pas du tout, protesta Connor. En tant qu’irlandais, je viens d’un peuple d’opprimés. Ils peuvent jurer comme des charretiers avec toutes les expressions gaéliques qu’ils veulent, mais moi, j’ai le droit de faire remarquer que quelqu’un vient de se prendre un vent en disant « cassé ! ».

— Les femmes aussi disent ça, mon chou, intervint Val.

— Une autre minorité, souligna Roz.

Trish bouillait de rage sur son siège, tandis que j’affichais un sourire serein en entamant une autre truffe.