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(Prologue)
Aucun nom de bataille n’est inscrit sur le Mur. Pas de Khe Sanh, pas de Quang Tri, pas de Hamburger Hill. Peut-être parce que nous avons gagné toutes les batailles… et perdu la guerre, se dit Keller. Tous ces morts pour un conflit futile. Lors de ses précédentes visites, il avait vu des hommes s’appuyer contre le mur et sangloter comme des enfants.
Afficher en entier« Dans un monde meilleur les films qui passent sur l’écran de ses paupières seraient des oeuvres de fiction, nées de l’imagination d’un scénariste et du style d’un metteur en scène, mais dans le monde de Chuy ce sont des documentaires, des souvenirs, pourrait-on dire, mais les séquences ne coulent pas comme le flot de la mémoire, ce sont des scènes hachées, des flash surréalistes, trop réels malheureusement.
On y voit des corps écorchés et des têtes tranchées.
Des enfants morts.
Des cadavres mutilés, brûlés dans des barils d’essence.
Les souvenirs sont gravés dans les narines autant que dans ses rétines.
Dans ses oreilles aussi, car il entend encore - il ne peut s’en empêcher - les hurlements, les supplications et le rire strident, moqueur, qui sortait parfois de sa propre bouche. »
Afficher en entier« Eddie avait entendu dire que l’amour unissait les gens, mais il savait que la haine était un lien plus puissant.
La haine était la Super Glue des relations sociales. »
Afficher en entierTilde reçoit un appel d’un de ses frères.
— Je suis en ville, dit Zeferino. On a un problème.
— Comme toujours, répond Tilde. C’est quoi, cette fois ?
— Des étudiants ont pris le car.
Tilde ne voit pas en quoi le fait que des étudiants prennent le car est un problème et il le dit.
— Ils ont pris ce car, précise Zeferino.
— Merde. Il fallait les en empêcher !
— Ils étaient une centaine. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Rappliquer en gueulant « Non, non ! Vous ne pouvez pas prendre ce car, il transporte de la chiva » ?
— Tu aurais dû faire quelque chose.
Car en effet c’est un problème.
Afficher en entier— Les opérations spéciales, ce n’est pas le room service. On n’a pas toujours ce qu’on commande. Il y a des imprévus.
Afficher en entier— Nom de Dieu, on vous croyait mort !
— Désolé de vous décevoir.
Afficher en entierEddie et Caro bavardent pendant encore une minute, mais ce n’est pas facile de communiquer à travers la tuyauterie des chiottes. Voilà pourquoi les narcos ont une peur bleue d’être extradés dans une prison de haute sécurité en Amérique : impossible, techniquement, de gérer leurs affaires de l’intérieur de leur cellule comme ils peuvent le faire dans une prison mexicaine. Ici, les visites sont limitées – voire interdites – et surveillées, enregistrées. Idem pour les coups de téléphone.
Afficher en entier— Comment va Ana ? s’enquiert Keller.
— Je m’inquiète pour elle. Elle est dépressive, elle boit trop. Tu la verras à la clinique.
— On fait peine à voir, hein ? Tous autant qu’on est.
— Oui, comme tu dis.
Nous sommes les anciens combattants d’une guerre atroce, pense Marisol. Sans possibilité de tourner la page.
Une guerre sans victoire ni défaite.
Afficher en entierTous les fantômes ne sont pas des morts ; certains sont les ombres de ce qui aurait pu être.
Toi-même, tu es un fantôme, se dit-il.
Un fantôme de toi-même, qui mène une demi-existence.
Tu es revenu au Mexique parce que tu te sens plus chez toi auprès des morts que des vivants.
Afficher en entierKeller ne peut jamais traverser cette place sans voir les restes épars de son ami Pablo.
Pablo Mora, un journaliste qui avait défié les Zetas en persistant à tenir un blog dans lequel il exposait les crimes des narcos. Ceux-ci l’avaient kidnappé, torturé à mort, démembré, après quoi ils avaient disposé les différentes parties de son corps autour de la statue.
Tous ces journalistes assassinés, songe Keller, car les cartels avaient compris qu’ils devaient contrôler l’action, mais aussi la narration.
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