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Tous les anciens qu’il avait connus, ses parents comme les autres membres de la bande, lui avaient enseigné la peur de l’homme. Les plus courageux répétaient toujours que c’était une folie que de vouloir affronter cet étrange animal dont toute la force est dans le feu qui tue de loin. Contre cette force-là, nul loup ne peut rien. À plusieurs reprises, au retour de ses chasses nocturnes, alors que le jour se levait, Berg entendit des hommes. Il en vit même deux de très loin, près d’une ferme isolée. Derrière la grange, se trouvait un enclos défendu par une barrière d’épines de métal comme nulle forêt n’en porte jamais.
Afficher en entierEt le père se mit à chasser de plus belle. Il parcourait les tourbières, les prairies, les taillis et les grandes sapinières sans jamais se lasser. Il savait traverser les routes au moment où nulle voiture n’était à redouter. Lui qui n’avait jamais eu peur de rien accomplissait des détours de plusieurs lieues pour passer loin des villages, contourner les fermes et les bergeries. Il ne redoutait pas pour lui, mais il savait que si la mort le frappait, Fulga aurait grand-peine à élever seule leurs trois petits.
Afficher en entierLorsque la louve le rejoignit, il venait de se faufiler à l’intérieur. Ses flancs larges avaient eu du mal à passer mais il ne souhaitait pas agrandir davantage cette porte. À l’intérieur où le jour pénétrait à peine, filtré qu’il était par la broussaille, ils explorèrent une grotte profonde et large, assez haute pour que Berg, qui était très grand, puisse évoluer sans toucher le plafond. Pas une goutte d’eau, pas une trace de coulure, rien de malsain. À présent, ils pouvaient s’aimer, les petits qui naîtraient de leur accouplement grandiraient sans crainte. Berg se chargerait de la chasse, la mère veillerait sur eux
Afficher en entierMais Berg, plein de confiance en sa force et en sa rapidité, Berg qui était doté d’un flair très fin affirmait qu’à vivre assez près des humains, on est certain de ne jamais souffrir de la faim. Comme Fulga tenait absolument à pouvoir nourrir convenablement ses petits, elle accepta de rester en ces lieux où le printemps s’était mis à chanter. Le premier soin de Berg avait été de chercher une bonne tanière. Il voulait que la mère et ses petits ne risquent rien, qu’ils soient très bien abrités de la pluie et des vents les plus froids
Afficher en entierDès qu’ils eurent terminé le repas, ils reprirent leur route. Bien avant le jour, ils découvraient une sorte de grotte ouverte dans un dévers très pentu. Fulga sentit tout de suite que Berg y avait déjà dormi. Ils y entrèrent. L’espace était étroit, mais la roche sèche et très saine. De terribles hivers venteux et neigeux pouvaient passer sans jamais y pénétrer. Ils se glissèrent jusqu’au fond et se couchèrent l’un contre l’autre. Fulga lécha encore la plaie de Berg qui se refermait, cicatrisée par le gel
Afficher en entierDéjà, elle se sentait séparée d’eux. Celui qui, peut-être, lui manquerait le plus, c’était le vieux Strom. Lorsqu’elle eut fini de lécher la plaie dont le sang ne coulait plus, Berg se leva, lui flaira le museau et reprit la direction du nord. Ils marchaient depuis plus de deux heures lorsqu’un gros lièvre presque blanc détala sur leur droite et s’enfonça sous un roncier. Berg bondit
Afficher en entierIls parlèrent de leur enfance et de l’enfance des parents de leurs parents. Ils dirent les grandes peurs de jadis. La terreur des bergers, les troupeaux décimés, les moutons énormes égorgés par les fauves et les carcasses laissées à la lisière des forêts. Les agneaux disparus, emportés au fond des bois pour y être dévorés jusqu’au dernier os. Ils évoquèrent le souvenir des meilleurs chiens tués par les loups. Tout revivait, la fuite des bergers et la détresse des fermiers
Afficher en entierCe fut lui qui saisit la gorge. Brucos chancela, se coucha sur le flanc laissant aller une plainte rauque. L’autre le maintint au sol quelques instants. Lorsque Brucos cessa de remuer, il le lâcha et recula d’un demi-pas. Il se tint prêt à attaquer de nouveau jusqu’à ce que la patte avant du blessé se lève en signe de soumission. Alors, après un regard à Fulga, il se mit à trotter doucement vers les arbres. Sans se retourner, Fulga le suivit. Et le blessé demeura couché jusqu’à ce que le couple disparaisse dans l’obscurité de la forêt
Afficher en entierSi l’assaillant avait pu refermer ses mâchoires sur la gorge du grand solitaire, peut-être le combat n’eut-il duré que quelques instants. Mais il n’avait fait qu’arracher un lambeau de peau. Un peu de sang marquait déjà la neige. Comme un ressort, Berg s’était relevé et les deux combattants se faisaient face. Légèrement en retrait, Fulga les observait. Elle aimait bien son camarade de bande, mais elle ne s’était jamais vraiment sentie amoureuse de lui. Pour Berg qu’elle ne connaissait pas, c’était différent. En quelques instants, elle avait lu dans ses yeux une lueur qui avait fait courir le long de son échine et jusque dans son ventre une sorte de frisson nouveau
Afficher en entierUn long moment passa qu’écrasait un silence presque parfait. La lune avait encore monté, les ombres plus courtes semblaient aussi plus dures, en harmonie avec le froid qui augmentait. Le solitaire finit par se retourner et revint lécher le museau de Fulga. Les autres femelles, comme répondant à un ordre, s’éloignèrent d’un même petit pas rapide, un peu honteux. Et ce fut leur départ qui décida Fulga. Remuant la queue, elle répondit pleinement aux invites de l’inconnu dont le poil très fourni et bien léché luisait sous la lumière glacée
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