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[...] Car l’essence douloureuse du manque ne réside pas dans la souffrance présente – le manque est indolore à l’échelle de l’instant –, mais dans la perspective de la souffrance, dans la richesse de l’avenir qu’on peut lui imaginer. Ce qui est insupportable, alors, dans le manque, c’est la durée, c’est l’horizon vide qu’il laisse ouvert devant soi, c’est de savoir qu’il demeurera aussi loin que l’on puisse imaginer. Quoi que l’on fasse, on est désormais confronté en permanence à un adversaire sur lequel nous n’avons aucune prise, car le manque, par nature, se dérobe au combat et le diffère à l’infini, nous empêchant à jamais de nous délivrer des tensions que nous accumulons en pure perte pour le vaincre.
Afficher en entierMais, si les artistes représentent la réalité dans leurs œuvres, c’est afin d’embrasser le monde et d’en saisir l’essence, tandis que la télévision, si elle la représente, c’est en soi, par mégarde, pourrait-on dire, par simple déterminisme technique, par incontinence
Afficher en entieril est vrai que la représentation apparemment neutre de la réalité que la télévision propose en couleur et en deux dimensions semble à première vue plus fiable, plus authentique et plus crédible que celle, plus raffinée et beaucoup plus indirecte, à laquelle les artistes ont recours pour donner une image de la réalité dans leurs œuvres
Afficher en entierDelon, avec qui je vis, a passé les vacances en Italie, avec les deux enfants, mon fils et le bébé pas encore né que nous attendions, une petite fille, à mon avis. Je supposais en effet que c'était une petite fille car le gynécologue n'avait pas vu de verge à l'échographie (et, souvent, quand il n'y a pas de verge, c'est une petite fille, avais-je expliqué).
Afficher en entierJ'ai arrêté de regarder la télévision. J'ai arrêté d'un coup, définitivement, plus une émission, pas même le sport. J'ai arrêté il y a un peu plus de six mois, fin juillet, juste après la fin du Tour de France. J'ai regardé comme tout le monde la retransmission de la dernière étape du Tour de France dans mon appartement de Berlin, tranquillement, l'étape des Champs-Élysées, qui s'est terminée par un sprint massif remporté par l'Ouzbèke Abdoujaparov, puis je me suis levé et j'ai éteint le téléviseur. Je revois très bien le geste que j'ai accompli alors, un geste très simple, très souple, mille fois répété, mon bras qui s'allonge et qui appuie sur le bouton, l'image qui implose et disparaît de l'écran. C'était fini, je n'ai plus jamais regardé la télévision.
Afficher en entierPeut-être était-il en train d'imaginer que j'avais eu un petit problème avec l'alcool dans le passé, et que, maintenant, ayant arrêté de boire, je m'étais senti en danger quand il avait été question d'ouvrir une bouteille de Sekt, ce qui aurait expliqué la violence maladroite de mon geste de refus. Enfin, je ne sais pas, on se demande parfois ce que les gens vont chercher (la réalité, une fois de plus, était beaucoup plus simple : j'avais tout simplement oublié une fougère dans le frigo de mes voisins du dessus).
Afficher en entierPour le reste, sur l'épineuse petite question du nom qu'il convenait de donner à Titien, il me semblait que les auteurs de la Pléiade n'avaient pas véritablement tranché et avaient adopté dans leurs notes une solution médiane, et plutôt timorée, qui consistait à ne pas désavouer Musset dans une édition consacrée à ses oeuvres, en choisissant, d'une manière générale, quand il ne l'appelaient pas Tiziano Vecellio (page 1129, note 7), d'appeler Titien le Titien. Mais Musset n'était manifestement pas fiable, ne cessais-je de me dire. Même à Léonard de Vinci, il lui donnait du le ! Le Vinci ! peut-on lire, page 449 de la nouvelle (tout nu dans l'herbe, je bouillonais de rage contre Musset
Afficher en entierNe pas écrire est au moins aussi important qu'écrire.
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