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Je sais que je n'écrirai jamais le français comme l'écrivent les écrivains français de naissance, mais je l'écrirai comme je le peux, du mieux que je le peux.
Cette langue, je ne l'ai pas choisie. Elle m'a été imposée par le sort, par le hasard, par les circonstances.
Écrire en français, j'y suis obligée. C'est un défi.
Le défi d'une analphabète.
Afficher en entierJ'aurai encore deux enfants. Avec eux, j'exercerai la lecture, l'orthographe, les conjugaisons.
Quand ils me demanderont la signification d'un mot, ou son orthographe, je ne dirai jamais:
- Je ne sais pas.
Je dirai:
- Je vais voir.
Et je vais voir dans le dictionnaire, inlassablement, je vais voir. Je deviens une passionnée du dictionnaire.
Afficher en entierJe lis. C'est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main, sous les yeux: journaux, livres d'écoles, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recette de cuisine, livres d'enfant. Tout ce qui est imprimé.
Afficher en entier"Il faut tout d'abord écrire, naturellement.
Ensuite, il faut continuer à écrire. Même quand cela n'intéresse personne. Même quand on a l'impression que cela n'intéressera jamais personne. Même quand les manuscrits s'accumulent dans les tiroirs et qu'on les oublie, tout en en écrivant d'autres."
Afficher en entierA l'usine, tout le monde est gentil avec nous. On nous sourit, on nous parle, mais nous ne comprenons rien.
C'est ici que commence le désert. Désert social, désert culturel. A l'exaltation des jours de la révolution et de la fuite se succèdent le silence, le vide, la nostalgie des jours où nous avions l'impression de participer à quelque chose d'important, d'historique peut-être, le mal du pays, le manque de famille et des amis.
Afficher en entierC'est ainsi que, très jeune, sans m'en apercevoir et tout à fait par hasard, j'attrape la maladie inguérissable de la lecture.
Afficher en entierQuand séparée de mes parents et de mes frères, j'entrerai à l'internat dans une ville inconnue, où, pour supporter la douleur de la séparation, il ne me restera qu'une solution; écrire.
Afficher en entierJ'ai laissé en Hongrie mon journal à l'écriture secrète, et aussi mes premiers poèmes. J'y ai laissé mes frères, mes parents, sans prévenir, sans leur dire adieu ou au revoir. Mais surtout, ce jour-là, ce jour de fin novembre 1956, j'ai perdu définitivement mon appartenance à un peuple.
Afficher en entierPour écrire des poèmes, l'usine est très bien. Le travail est monotone, on peut penser à autre chose, et les machines ont un rythme régulier qui scande les vers.
Afficher en entierJ'ai un peu mauvaise conscience de m'installer à la table de la cuisine pour lire les journaux pendant des heures, au lieu de ... de faire le ménage ou de laver la vaisselle d'hier soir, d'aller faire les courses, de laver et de repasser le linge, de faire de la confiture ou des gâteaux...
Et surtout, surtout! Au lieu d'écrire.
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