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Je puis vous fournir un curieux exemple de cette brièveté féconde et poétique. Vous avez comme moi, sans doute, lu ces jours derniers, dans la Presse, une très curieuse et très belle étude de M. Paul de Saint-Victor sur le plafond de la galerie d’Apollon. Les diverses conceptions du déluge, la manière dont les légendes relatives au déluge doivent être interprétées, le sens moral des épisodes et des actions qui composent l’ensemble de ce merveilleux tableau, rien n’est oublié ; et le tableau lui-même est minutieusement décrit avec ce style charmant, aussi spirituel que coloré, dont l’auteur nous a montré tant d’exemples. Cependant le tout ne laissera dans la mémoire qu’un spectre diffus, quelque chose comme la très vague lumière d’une amplification. Comparez ce vaste morceau aux quelques lignes suivantes, bien plus énergiques, selon moi, et bien plus aptes à faire tableau, en supposant même que le tableau qu’elles résument n’existe pas. Je copie simplement le programme distribué par M. Delacroix à ses amis, quand il les invita à visiter l’œuvre en question : APOLLON VAINQUEUR DU SERPENT PYTHON Le dieu, monté sur son char, a déjà lancé une partie de ses traits ; Diane sa sœur, volant à sa suite, lui présente son carquois. Déjà percé par les flèches du dieu de la chaleur et de la vie, le monstre sanglant se tord en exhalant dans une vapeur enflammée les restes de sa vie et de sa rage impuissante. Les eaux du déluge commencent à tarir, et déposent sur les sommets des montagnes ou entraînent avec elles les cadavres des hommes et des animaux. Les dieux se sont indignés de voir la terre abandonnée à des monstres difformes, produits impurs du limon. Ils se sont armés comme Apollon : Minerve, Mercure, s’élancent pour les exterminer en attendant que la Sagesse éternelle repeuple la solitude de l’univers. Hercule les écrase de sa massue ; Vulcain, le dieu du feu, chasse devant lui la nuit et les vapeurs impures, tandis que Borée et les Zéphyrs sèchent les eaux de leur souffle et achèvent de dissiper les nuages. Les Nymphes des fleuves et des rivières ont retrouvé leur lit de roseaux et leur urne encore souillée par la fange et par les débris. Des divinités plus timides contemplent à l’écart ce combat des dieux et des éléments. Cependant du haut des cieux la Victoire descend pour couronner Apollon vainqueur, et Iris, la messagère des dieux, déploie dans les airs son écharpe, symbole du triomphe de la lumière sur les ténèbres et sur la révolte des eaux.
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