Extraits

— Putain, c’est encore loin ?! demande Titus dans notre dos.

— T’as pas fini de râler ? lui lance Duke.

— Y a des trucs qui sont en train de me bouffer ! continue-t-il. Ça me gratte de partout !

— Des fourmis de feu, sans doute, intervient Andy.

— Hein ?! crie Titus avant de se frotter partout en faisant des bonds.

— T’es vraiment une chochotte, lui dis-je en stoppant et en le regardant. La chaleur est étouffante, la végétation envahissante et nous sommes paumés… Titus arrête de sautiller et me pointe du doigt.

— Je te signale que je n’ai jamais demandé à me paumer dans ce trou perdu ! C’est la faute de Duke.

— J’ai fait quoi encore ? demande ce dernier.

— T’as pas fait le plein avant qu’on parte.

— Si, arrête de me faire chier avec ça, râle La Machine.

— Et comment ça se fait que l’hélico est tombé en panne alors ?

— T’as qu’à voler normalement. Avec des pirouettes et tes acrobaties, tu dépenses trop de carburant. Titus écarquille les yeux avant de lever les bras vers le ciel.

— C’est de l’art !

— Tu parles, dit Andy en faisant une moue et en abattant sa machette pour couper les branches qui ralentissent notre progression.

Cherchant une quelconque connexion, je réessaie de joindre la base. Le téléphone satellite est en rade lui aussi. Je crois qu’on accumule les emmerdes ce coup-ci. Je n’ai aucun moyen de contacter Davy pour le prévenir. Nous avons dû laisser l’hélico deux kilomètres en arrière au milieu d’un champ.

Pas le choix…

— Y a des fois où je me demande vraiment ce que je fous avec vous, râle Duke. Passant un bras sur ses épaules, je lui fais mon plus beau sourire.

— Parce que t’adores ça, Duke. Ne me dis pas le contraire. Te perdre avec trois beaux gosses dans la jungle, c’est ton kiff.

— Dégage, me dit-il en me repoussant. Ce que j’aime est à l’opposé de ça.

Andy se fige et lève une main pour que nous fassions silence. Tous aux aguets, nous tendons l’oreille. Un bruit venant des fourrés se fait entendre.

— Y a quelque chose par-là, dis-je en grimaçant et en reculant. Andy prend sa deuxième machette et fait tourner les deux sur le côté en avançant. Une espèce de bête sort en courant et nous fonce dessus.

— Un pécari ! crie Titus. Il va nous bouffer !

Voyant le machin galoper droit vers moi, j’évalue mes chances qu’il ne me prenne pas pour cible. Deux incisives remontant du bas de sa mâchoire sont des armes redoutables. J’imagine à peine l’effet que ça doit faire de se les prendre dans le cul.

— Eh merde ! crié-je en faisant demi-tour quand je vois qu’il me charge. Le truc me suit et je zigzague entre les arbres.

— Vas-y Parker ! me gueule Duke. Occupe-le pendant qu’on continue !

— Mais non ! dis-je fort en jetant un œil derrière moi. Les cons, ils vont vraiment le laisser me bouffer ? Je sprinte en sautant par-dessus un tronc puis une flaque dans laquelle j’atterris les deux pieds en avant. Le machin pousse des grognements pas très sympathiques. À bout de souffle, je cherche un arbre où monter, mais ils sont tous trop petits. Dos à un tronc, je regarde le pécari foncer, son regard planté dans le mien.

— Je suis pas bon à manger, je t’assure ! tenté-je. Au moment où il saute dans ma direction, il reçoit un couteau sur le flanc. L’animal s’écroule sur le côté en couinant. Les deux mains sur mes genoux pour reprendre mon souffle, j’observe Andy arriver en levant les yeux au ciel.

— Quoi ? T’as vu la taille de ce truc ? me défendis-je en voyant son air désabusé.

— Il n’est pas plus gros qu’un chien, me dit Andy en récupérant sa lame.

— Assassin ! le rouspète Titus en le fusillant du regard.

— C’était lui ou Parker, lui répond La Lame. Titus semble réfléchir à la question.

— Cornélien comme choix…

- Mais, c'est Rita! râlé-je. T'en fais pas, ma mignonne, papa est là!

Les autres se bidonnent, je ne comprends pas pourquoi.

Je vais avoir des mini Rita. Je souris comme un fou. J'ai pas besoin de nanas moi, j'ai tout ce qu'il me faut. Mes potes, ma vie et Rita!

- Et voilà... souffle Titus en baissant la tête. C'est toujours moi qui prends. Rita me manque...

- Qui est Rita? demandé-je.

- Sa chèvre, répond Cole.

- Sa... sa chèvre? répété-je en riant. Tu es zoophile?

Les autres ont un moment de silence avant de tous se mettre à rire.

- Hein? dit Titus avec une grimace de dégoût. C'est dégueulasse! C'est un amour platonique entre Rita et moi.

A cette heure-ci, il y a toujours du monde à Las Vegas. Cette ville ne dort jamais comme ses habitants d'ailleurs.

Pourquoi est-ce que j'ai choisi cette ville? Parce que je peux m'y fondre dans la masse, je peux arnaquer les casinos quand j'ai besoin de plus de pognon ou les touristes trop naïfs en recherche de fortune. Ils croient tous qu'ils vont changer leur vie en misant et en pariant. Sauf que la seule façon de gagner dans un casino, c'est d'en posséder un.

Parker:

"Les trois hommes se lèvent quand je balaye la pièce du regard à la recherche du boss.

— Bonjour, dit June en croisant les bras.

— Où il est ?! demandé-je en criant sans lui répondre.

— Je suis là, La Source, répond Davy en arrivant de la terrasse.

Ni une ni deux, je saute par-dessus le canapé, torse nu, en pantalon et encore trempé de ma douche.

Je n’arrive pas à contrôler la colère qui m’envahit. Mon poing se lève et s’abat sur la joue de Davy. Ce dernier l’avait pourtant vu venir, mais il ne l’a pas évité.

— Parker ! crie June sur le côté, paniquée.

Artie la retient pour ne pas qu’elle s’immisce entre nous. Il a raison, ça ne la concerne pas.

— T’as fini, c’est bon ? demande Davy en essuyant le sang qui perle au coin de sa bouche.

— Tu vas me dire pourquoi tu as fait ça ! crié-je en attrapant son tee-shirt dans mon poing.

Nos visages sont tout près, même s’il est plus grand, ma rage est plus forte.

— Tu sais très bien pourquoi, La Source.

Je fulmine littéralement, il pense que ça va suffire ?

— Tu aurais dû attendre que je rentre avant de prendre une décision !

— Ça n’aurait rien changé. Cela ne nous concerne pas, point barre.

J’éclate de rire de façon ironique avant de lever mon poing à nouveau."

Je commence à comprendre ce qui a plu à Parker en rejoignant ce groupe d'hommes atypiques. Tous ont le sourire aux lèvres, confiants. Celui près de moi qui tient un fusil n'a pas l'air de plaisanter. Malgré ses lunettes de soleil et sa casquette militaire, je vois qu'il est concentré. Un peu effrayé par les armes à feu, je sais qu'elles sont nécessaires à présent.