Extraits

Rempli d’une profonde gratitude pour cette bande de mecs aussi cinglés que moi, je rajuste mes lunettes de soleil en admirant le paysage. J’ai laissé une partie de moi à la maison. June le savait depuis le début, depuis le jour où elle a cédé, où elle a accepté cette vie. Le temps nous est compté à tous et je n’aurai pas de regrets quand la grande faucheuse me prendra. Seule la douleur de faire souffrir June viendra perturber mon trépas.

Si Davy ne m’avait jamais tendu la main, s’il n’avait pas été là pour moi, je serais mort depuis longtemps. Il a suffi d’une bonne bagarre entre nous que je fasse partie de sa famille. Je m’en souviens encore, alors que j’étais à bout de souffle, en fin de course, il était là, avec son frère, Duke, Cole, et les autres. Il m’a étudié rapidement quand nous nous sommes croisés dans un bar glauque de Mexico. Assis dans le fond de la salle avec mes habits sales, mes traits remplis de colère, ma rage qui me poussait à me battre contre n’importe qui, j’attendais l’opportunité d’en finir. Je ne voulais pas laisser une chance à ma famille de me tuer. Hors de question de leur faire ce plaisir, j’y serais très bien arrivé tout seul. À moitié saoul, j’ai vu cette drôle de bande entrer dans ce fameux bar. Davy, imposant, s’est installé avec les autres sans me lâcher du regard. Il dégageait quelque chose de spécial, une assurance, un calme que seuls ceux qui n’ont pas peur de la mort peuvent ressentir.

Comme un con, je l’ai provoqué ce jour-là.

— La Lame ?

Je jette un coup d’œil sur le côté pour voir la silhouette de notre boss apparaître dans l’entrée. Il me rejoint et enfonce les mains dans ses poches avant de se placer à mes côtés.

— Je t’ai mis une sacrée branlée cette fois-là… dit-il en riant doucement.

En fronçant les sourcils, je l’observe, comment sait-il que je pensais à ça ? Une fois son sourire effacé, il soupire.

— Je te connais, Andy. Quand tu t’isoles comme ça, c’est pour ressasser ce qui devrait rester enfoui.

Je souris en coin avant de regarder devant moi.

— J’étais saoul…

— Ce n’est pas pour ça que tu m’as cherché à l’époque. Tu étais un jeune con égaré qui essayait de se faire tuer en provoquant tout le monde.

— Ce n’était pas vraiment moi, lui réponds-je.

— Tu es mort pour eux, La Lame. C’est du passé, arrête de t’inquiéter.

— Tu ne connais pas mon père, s’il a, ne serait-ce qu’un doute, il me retrouvera, crois-moi.

- Comment va ton cher mari? lui demandé-je.

- Jib? dit-elle en riant.

Jéjé fait une grimace, on dirait que j'ai mis les pieds dans le plat.

- Toujours aussi con? demande Davy.

- Non, toujours aussi mort, répond Val.

J'écarquille les yeux de stupeur.

- Toutes mes condoléances, intervient Titus avec une mine navrée.

- Pourquoi ça? demande Val. C'est moi qui lui ai troué la peau.

- Tu devrais y aller mollo, lui répond Davy. ton coeur ne suivra pas!

- Mourir en pleine baise, c'est l'objectif de ma vie!

Parfois, la souffrance que l’on ressent nous donne l’impression d’être brisé, d’avoir perdu une part de soi, mais en regardant au loin, on la voit, qui attend. Le moment venu, nous la retrouverons quand nous aurons parcouru assez de chemin seul. Ce jour-là, fort du temps passé, nous serons à nouveau entier, prêt à affronter d’autres obstacles. Ainsi va la vie, faite de séparations, d’épreuves et de retrouvailles…

La rivière descend toujours de la montagne, toujours… (...). Si elle rencontre des obstacles, elle les contourne, elle se scinde en deux pour se retrouver plus loin, plus forte, plus puissante sans jamais regarder en arrière. Il faut accepter de ne jamais pouvoir arrêter son court ni le faire remonter. Seul son objectif compte : rejoindre l’océan.

Quand je vois les enfants plus loin, les hommes déblayer les débris dus à cette nuit, j'ai quand même un sentiment de fierté. Nous attendons rien en retour, aucun remerciement, aucune gratitude, car nous ne les méritons pas. Mais personnellement, je sais que nous faisons ce qui doit être fait, rien de plus. Aujourd'hui, le monde est plus beau qu'hier et moins que demain.

Je serai fort, je serai la lame qui fendra ceux qui se mettront en travers de notre route. Ma détermination est aussi acérée et tranchante que mon katana.

J'ai grandi avec les yakusas, mon âme est aussi froide que l'acier d'un katana, mes sentiments ont été enfouis à force de leçons et de coups de baguette en bois. Ma volonté est féroce et acérée.