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Extrait ajouté par bremond 2019-11-11T10:31:52+01:00

Des pêcheurs de saumons et d’esturgeons s’affairaient sur la jetée du port de Bakou. Autour d’eux, des négociants en bitume surveillaient le chargement de leur produit. La mer s’ouvrait vers l’orient, la terre vers le pays des Azéris, dirigée par les Atabegs.

Après deux ans à se faufiler entre montagnes, plaines et dangers, sans autres biens que ceux mendiés en chemin, Firuze et Alim avaient patienté le rapatriement de Kendal dans son berceau kurde, après qu’il eut abandonné ses ambitions de bâtisseur d’églises en territoire mongol et tibétain. Ils s’étaient séparés peu avant la ville du Caucase ; lui pour le sud, eux pour l’Iran ou l’Arménie. De cette épopée achevée en territoire ouïgour, puisque les frontières, sans cesse redessinées, leur avaient été fermées, ils avaient reçu la certitude que les religions étaient intrinsèquement liées à la politique de revendication territoriale, en quête de reconquérir leurs anciens empires. Combien de hordes sauvages, chassant la poussière de leurs sabots, avaient-ils aperçues sur les cols de l’Altaï et du Tian Shan, des vallons du Khorassan à la Transoxiane ? Des myriades, rivalisant avec les caravanes de marchandises, apparemment peu soucieuses de se faire détrousser. L’existence ne tenait qu’à un fil, qu’un coup de sabre pouvait aisément trancher ; la mort se tenant à chaque carrefour. Un goût de peur dans des paysages de toute beauté : des montagnes d’où coulait le lait, les rivières répandant du miel dans les vallées, des plateaux de beurre où les nomades chauffaient le thé de l’hospitalité. Fuir ? Du Moyen-Orient à l’Occident, les peuples s’entre-déchiraient. Les croisés d’Europe s’étaient cassé les dents lors de leur deuxième guerre sainte, mais, en Anatolie, l’empire seldjoukide s’effritait depuis la défaite de son sultan soumis par Constantinople. Bien que ne partageant la croyance de Kendal, Alim et Firuze comparaient leur ami à l’intelligent décrit par Mahomet : celui qui amendait son âme et œuvrait pour ce qui venait après la mort. Le Kurde leur avait fait don de son courage à affronter les puissants et de son espérance dans l’humanité que témoignaient les petites gens. L’humilité n’était pourtant pas son premier attribut ; toutefois, de dessous son armure d’orgueil, perçait la bonté et l’honnêteté. Le couple cultivait quotidiennement la gratitude de l’avoir rencontré dans la masure tadjike. Depuis lors, leur vie avait radicalement changé, enrichie tant de cultures que de nouveautés. Kendal priait comme les Derviches, en de longues prosternations, sans pour autant s’émouvoir d’avoir une femme dans son cercle. Pour lui, chaque individu avait un chemin propre qui le conduisait à la communion avec le divin, en suivant certaines pratiques : l’ascèse plaçant l’esprit au-dessus de la chair, le jeûne régulier, la prière solitaire plusieurs fois quotidienne. Ces aménagements simples et transportables, puisque ne nécessitant qu’un tapis, menaient à l’illumination prophétique : l’expérience de luminescence, l’ultime arrivée de l’humain dans sa complétude. Kendal, le Chrétien, ne pouvait se douter qu’il transmettait à ses disciples la voie des Soufis de l’Islam.

Firuze laissa ses yeux effleurer les flots, deux iris ébène glissant sur un émail bleu céruléen et strié de vaguelettes sombres. Elle se remémora le cercle soufi fondé par Yazavi, dont les membres pleuraient alors son décès. Les femmes n’y étant pas admises, elle s’était tenue à l’écart pour écouter les chants des frères, certaine que sa place était dans une communauté mixte où elle vivrait avec son époux ; ou bien exclusivement féminine, s’il souhaitait poursuivre sa quête. Alim ne pouvait s’imaginer un instant les projets secrets de sa compagne, tant il était certain qu’elle le suivrait jusqu’à ce qu’il trouvât la paix et y bâtisse leur maison. L’aimant à la folie, Firuze ne se sentait pas d’abîmer son espoir. Seulement, sa féminité ne pouvait se résoudre à vivre dans l’ombre d’un homme, aussi aimant qu’il fût, en répondant à son désir d’avoir des enfants. Les nuits, combattant contre son propre plaisir, elle se fermait au sexe qui voulait la pénétrer, consciente et meurtrie de blesser son prince adoré. Lors de ce passage éclaire dans la confrérie, elle s’était confiée à une dame placée, comme elle, en périphérie de la scène de musiques et de danses. La soufie lui avait partagé connaître l’existence d’un petit couvent en Anatolie. Depuis lors, avec discrétion, elle orientait Alim vers ce pays.

« J’ai le sentiment que tu rechignes à te rendre en Iran, déclara Alim, comme s’il lisait dans les pensées de Firuze. – Je ne suis pas prête.

– Si tu désires vivre dans un cercle soufi. Chez nous, il y en a plusieurs, grands ou petits. Ils se rassemblent autour d’un maître et ne durent pas longtemps. Pourquoi ne pas les essayer, jusqu’à ce que nous nous implantions dans celui que tu choisiras ?

– N’as-tu point de souhaits ! riposta la femme avec acrimonie.

– Celui de te satisfaire ! répliqua avec agressivité Alim.

– Ne le suis-je pas ?

– Tu transpires la contrariété, de jour comme de nuit !

– Pardonne-moi mon chéri.

– Je ne fais que ça !

– Je ne me sens pas de porter un bébé.

– Le voudras-tu un jour ? »

Firuze souffla d’impatience.

« Écoute Alim, je ne peux rien te promettre, car je ne suis pas pleinement libre de mes choix. Quand ce moment arrivera, alors oui, j’enfanterai volontiers. D’avoir une fille ou un garçon de toi serait merveilleux. »

Alim s’emmura dans le silence.

« Tu me fais peur Firuze, lâcha-t-il.

– Je me fais peur à moi-même.

– Tiens ma main afin que je te soutienne.

– Alors conduis-moi vers l’Anatolie. »

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Extrait ajouté par bremond 2019-06-21T21:05:12+02:00

Dans les montagnes d’Iran, à haute altitude, une petite ville subit les assauts du froid. Ses murs sont surélevés au souvenir des invasions mongoles. Les habitants patientent l’hiver devant l’âtre, par divers artisanats et de longues veillées. Les caravanes ne passeront pas ! Le bazar attendra le printemps pour fleurir de marchandises. Malgré la neige abondante, un vieillard, presque nu et la peau virant au violet, se tient au-dehors. Le corps embrasé de la chaleur du présent, après une longue vie d’errance, il revient chez lui pour renaître à nouveau.

Avant de pénétrer l’enceinte de la cité et honorer ce qui lui reste de parenté, il chante au vent du silence le contentement. Il prend son grand tambour, le bat en un son ininterrompu et fredonne un poème d’Al-Jîlânî.

Louable est mon ivresse, licite est le nectar, dont la vigne et son fruit n’ont pas eu de part. À la coupe divine où je portai mes lèvres, l’unique goutte bue, en mon âme soulève une extase dont le feu ne s’éteindra jamais. L’Amour ! lorsqu’il atteint le cœur d’un amoureux, fait que la nuit obscure, pour lui, devient clarté.

***

Sur la route de Bagdad à Ilam, en pays Kurde, un vieil homme, habillé d’une tunique en laine écrue, coiffé d’un turban blanc et torsadé autour d’un couvre-chef vert, dan- sait gracieusement. Les bras levés vers le ciel, en un mou- vement continuel, il tournait sur la terre nue où gisaient son bâton de pèlerin et sa besace en toile tissée de rouille.

Les monts du Zagros s’illuminaient dans le levant ; le voile blême de l’aube s’étirait, au jour naissant, en de longues traînées safran s’estompant peu à peu sous l’effet du soleil incandescent. Alors que la douce brise de l’orient souf- flait dans le matin aride, aucun nuage de pluie ne s’annon-

çait pour rafraîchir l’été torride. La terre avait soif de la rosée qui se faisait languir, les plantes espéraient la pluie.

Tourbillonnant avec douceur, telle une feuille tombant doucement à la fin de sa vie, le danseur envoyait son chant

à la nature en réveil, jusqu’à la cime élevée du pic Kabir

Kuh.

Tout au long de sa longue route solitaire, le Derviche persan, un citoyen de Daskerah (actuellement Arak), dres- sait sa tente d’inspiration. Là, il scandait des versets du

Coran. Dix ans plus tôt, il avait rejoint un cercle soufi. Il avait choisi la voie de la danse pour s’élancer vers l’absolu ;

depuis peu, il avait découvert la pratique du chant pour s’y

évanouir dedans. Sans bagage ni vêtement de rechange, il se rendait à Bagdad pour y rencontrer, dans son école, le cheikh Abdel Qadir Al-Jilani, le faucon gris des cieux, un ascète et savant, le vivificateur de la religion, qu’il savait mourant. On racontait sur ce maître une histoire. Sortie des nuages luminescents, une voix l’avait tenté en lui affir- mant que tout était permis à celui qui était anéanti dans le divin. Abdel avait résisté en demandant à la voix de pro- noncer le nom de Dieu ; le nuage s’était obscurci. Après un long silence, la voix l’avait complimenté sur sa prudence et la science qui sauve du néant.

Firat, tel était le nom du vieillard, cessa de danser. Après avoir scruté la plaine cuivrée, où paissait placidement un troupeau de chèvres brunes, il s’agenouilla sur une plaque d’herbe jaunie et commença à méditer.

En l’année cinq cent quarante et un de l’hégire, soit mille cent soixante-trois de l’ère chrétienne, sur la route marchande de Mandali, dans l’Empire califal abbasside du

Bas Iran, nommé Irak, une caravane se déplaçait en une file colorée de rubis, céladon, opale et turquoise. Chargés de céréales, épices, tissus de soie ou de laine, huile d’olive et thé, les premières bêtes de charge contournèrent non- chalamment l’étrange personnage qui, immobile, entravait avec impertinence leur voie seigneuriale. Le caravanier de tête alla se rendre compte de la raison de ce chaos. En apercevant le mendiant en contemplation face à la vallée ambrée, il pesta dans sa barbe.

« Encore un de ces Soufis exagérant l’ascèse demandée par l’Islam ! Leurs pratiques ésotériques ont une odeur de soufre ! » cracha-t-il à ses coéquipiers.

Outré par le sarcasme du ressortissant de la ville de

Bagdad, un jeune Iranien, du nom d’Alim, se rapprocha.

En apercevant à son tour le Derviche, statique malgré

la présence des centaines de chameaux, dromadaires et encore plus de marchands, il fut attiré par l’audace sereine que dégageait le méditant, planté là tel un vieux cyprès.

Alim n’avait encore jamais rencontré ces mystiques que l’on nommait dans son village : les limpides, les gens du banc, les laineux, les éponges molles, mais que ses parents appelaient en secret les sages. Il se souvint alors des paroles d’un des caravaniers, au départ de sa ville : « ces religieux se laissent connaître par le très Généreux, ils accèdent à

lui par son amour. Le soufisme est la voie du cœur de l’Is- lam. » Ces sages paroles ne venaient-elles pas de la bouche d’un Soufi ?

Les yeux mi-clos, l’homme fixait imperturbablement le désert de sable et de pierres. La rivière d’animaux pour- suivit son cours, en se déversant de part et d’autre du rocher vivant ; en le frôlant, les convoyeurs frémirent de superstition. L’Iranien dit à son voisin : « Nous a-t-il même entendus ? »

Alim laissa passer les bêtes chargées de lourdes jarres d’huile, amphores de musc, balles de soie, bouteilles de camphre, boites de muscade, caisses de safran et poches d’oranges précautionneusement fixées sur leurs flancs.

Parmi les blatèrements des chameaux, rehaussés des cris des caravaniers, il surprit le regard brillant, doux et ébène d’une femme. Il resta paralysé par sa beauté et ses iris de jais. De son côté, Firuze sourit timidement à celui qu’elle avait eu de cesse de dévorer du regard, durant le long voyage depuis Ilam. Alim plongea dans le reflet ambré des deux lunes enflammées.

Plissant les yeux sur la cohue satin, indigo, jade, craie et beige, fondue dans un nuage de poussière, Firat choi- sit de s’accrocher à la proue du vaisseau du désert jusqu’à

Bagdad, la cité fleurissant le bassin de la Mésopotamie, sans se douter un seul instant qu’il influerait la destinée de deux jeunes gens. Il se releva et dévala la pente.

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