Extraits

 Toi et toi, fouillez-moi ce tunnel. Sans enthousiasme, les volontaires-désignés-d’office s’avancèrent. Linns voulait récupérer son prisonnier coûte que coûte, mort ou vif. Il s’accrochait à l’hypothèse de la tentative d’évasion comme à une bouée. Flat avait suivi la scène d’un regard empli d’effroi. Il savait, lui. Il avait vu Lennion disparaître. Il l’avait vu s’enfoncer dans le sol comme une torpille. Comme s’il avait été aspiré par une paille géante

Le directeur considéra le trou avec un mélange de froideur logique et d’effroi superstitieux. On aurait dit que le sol, au centre de la pièce, avait cédé sous l’effet d’un engin excavateur. Il braqua sa lampe dans le vide. Mais le puissant faisceau ne parvint à tirer que quelques mètres d’une obscurité presque solide

Ainsi qu’il l’avait demandé, seule la 804 était restée allumée. Mais cela suffisait pour susciter la curiosité de tout l’étage. Les messages codés tintaient sur les grilles. Le téléphone arabe

— Faites éteindre le quartier D. Sauf la 804. Je ne veux pas ameuter les autres taulards. La nouvelle se répandra bien assez tôt. Ils avaient eu assez de peine à étouffer le scandale la première fois. Jenkins transmit l’ordre dans son émetteur. — Je suis prêt, annonça Linns en raflant une puissante torche électrique sur sa commode

Cette lumière n’était pas normale. Tout son être le lui criait. Il décrocha le téléphone, se préparant mentalement à affronter un coup dur. Au même instant, deux coups furent frappés à sa porte. Pas à celle du bureau qui jouxtait sa chambre, non. Mais ici même. Ce qui prouvait assez la gravité de l’incident. Il déverrouilla promptement. Il avait pris l’habitude de s’enfermer à double tour durant son sommeil. Simple mesure de précaution

Et il eut un geste significatif vers les barreaux qui grillageaient maintenant toutes les vitres du compartiment. — Je voudrais rencontrer ces hommes. Depuis combien de temps n’ont-ils pas possédé de vraie femme ? — Longtemps, en effet. Mais il n’est pas dans mes attributions de leur passer leurs caprices. Une femme ? Vous n’imaginez pas

Il se voyait dans le train qui le ramenait chaque week-end chez lui, à New York, où il rejoignait Rosemary, sa femme, et ses deux filles. Bien sûr, cette situation d’éloignement présentait des inconvénients : le voyage était fatigant, le sentiment de séparation accru, mais il voulait leur épargner une trop grande proximité avec son travail, avec les détenus

Tyronne était bien vivant. Il devait même s’en payer une sacrée tranche, comme ce bon vieux Pepsi ; chacun à sa manière. Quelque part, un taulard gémit dans son sommeil. L’écho de sa plainte résonna longuement dans le couloir. Sinistre comme un hululement de hibou. Flat se rendit compte qu’à force de retourner ces choses dans sa tête, il finirait par devenir dingue. Et en plus, il serait crevé demain matin, quand il s’agirait de traîner les pieds jusqu’à l’atelier de travail

Flat avait déjà entendu le dernier en date, selon lequel Tyronne aurait été découvert dévoré au mitard. Un gars complaisant qui le lui avait susurré deux jours plus tôt au réfectoire, avec un air mystérieux et terrifié. Mais quand Flat lui avait demandé d’où venaient ses informations, il avait répondu sur le mode de celui qui sait mais ne veut rien dire 

— T’as qu’à virer Casper et le tour est joué. Lennion y avait manifestement songé. Il jeta un coup d’œil venimeux au ronfleur. Quand il était réveillé, c’était une vraie pile électrique. Un instable qui prenait la mouche pour un rien, capable de vous briser la tête contre un mur à cause un mot de travers