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Par les dieux, sorcier, je me réjouis alors d'être conduit par la haine et non par l'amour, car il me semble que je ne provoque pas la moitié des dommages que causent ceux qui agissent par amour...

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— Lormyr en a fini avec ses années de turbulence lorsqu’elle s’est libérée des liens de Melniboné pour devenir la première une nation indépendante. J’ai de l’affection pour ce paysage. Il calme mon esprit. Nous avons donc maintenant une nouvelle raison de retrouver ce sorcier avant qu’il ne mijote quelque nouveau brouet de corruption.

Tristelune eut un sourire tranquille.

— Soyez prudent, Mon Seigneur, car l’on dirait bien que vous succombez à nouveau à ces émotions tendres que vous méprisez tant…

Elric se raidit.

— Allons. Hâtons-nous vers Iosaz.

— Plus vite nous atteindrons une cité avec une auberge décente et un bon feu, mieux cela vaudra, admit Tristelune en se drapant un peu plus dans sa cape.

— Alors, prie pour que l’âme du sorcier retourne dans les Limbes, Maître Tristelune, car alors je pourrai m’asseoir avec toi devant l’âtre durant tout l’hiver si tu le veux.

Et Elric lança soudain son coursier au galop tandis que le soir tombait sur les collines tranquilles.

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— Je suis tellement las des dieux et de leurs luttes, murmura-t-il en enfourchant sa jument dorée.

Le regard de Tristelune se perdit dans le désert.

— Mais quand donc les dieux se lasseront-ils eux-mêmes, je me le demande ? fit-il. Ce serait un jour de joie pour l’Homme, je pense. Peut-être que nos conflits, nos peines, nos combats ne servent qu’à soulager l’ennui des Seigneurs d’En Haut… Peut-être est-ce pour cela qu’ils nous ont fait imparfaits lorsqu’ils nous ont créés…

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— Je suis Elric de Melniboné, dit l’albinos. Est-ce vous que je dois vous remercier pour m’avoir sauvé de ces créatures invoquées par Theleb K’aarna ?

e personnage secoua la tête.

— C’est moi qui vous ai invoqué, et je n’ai jamais entendu parler d’un Theleb K’aarna. L’on m’a dit que je n’avais qu’une seule chance d’obtenir votre aide et que je devais la saisir en ce lieu même et à un instant précis. Je me nomme Corum Jhaelen Irsei, le Prince à la Robe Écarlate, et je poursuis une Quête de la plus grave importance.

Elric plissa le front. Le nom éveillait en lui des échos familiers, mais il ne parvenait pas à les situer dans son existence. Il se souvenait à demi d’un songe ancien…

— Où se trouve cette forêt ? demanda-t-il en rangeant son épée runique.

— Elle ne se trouve nulle part sur votre plan pas plus que dans votre temps, Prince Elric. Je vous ai convoqué afin que vous me prêtiez aide dans ma bataille contre les Seigneurs du Chaos. Déjà, je suis parvenu à éliminer deux des Maîtres de l’Épée, Arioch et Xiombarg, mais le troisième, le plus puissant, demeure…

— Arioch du Chaos… Et Xiombarg ? Vous avez défait deux des plus puissants entre les membres de la Compagnie du Chaos ? Mais il y a un mois, j’ai parlé à Arioch. Il est mon maître. Il…

— Nombreux sont les plans d’existence, dit tranquillement le Prince Corum. Dans certains, les Seigneurs du Chaos sont puissants, dans d’autres, ils sont faibles. Et dans certains, même, ils n’existent pas, à ce que j’ai entendu dire. Il vous faut admettre que, ici, Arioch et Xiombarg n’existent plus. Seul le troisième des Maîtres de l’Épée nous menace – le plus puissant, le Roi Manebolde.

Le visage d’Elric s’assombrit.

— Dans mon plan, il n’est pas plus puissant qu’Arioch ou Xiombarg… Cela me semble une parodie de tout ce que je connais…

— Je vais faire mon possible pour tenter de vous expliquer. Pour quelque raison, le Destin m’a choisi pour être le héros qui devra bannir le Chaos des Quinze Plans de la Terre. Présentement, je fais route vers une cité que je dois découvrir et qui s’appelle Tanelorn. Là, j’ai l’espoir de trouver de l’aide. Mais mon guide est retenu prisonnier dans un château non loin d’ici et je dois le libérer avant de pouvoir continuer. L’on m’a appris de quelle façon je pouvais me faire prêter main-forte pour ce faire et c’est ainsi que j’ai usé de ce charme pour vous appeler. L’on m’a dit qu’en m’aidant vous vous aideriez vous-même, que si j’étais vainqueur, vous recevriez en retour une chose qui rendra votre tâche plus aisée.

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« Si je suis mort, alors je suis encore le jouet des fantômes et des illusions. »

— Je ne suis pas plus une illusion que tout ce qui vous entoure. Et vous n’êtes pas mort, Mon Seigneur.

— En ce cas, vous êtes bien loin de Château Kaneloon, Ma Dame. Vous êtes de l’autre côté du monde. Sur l’autre Bord…

— Je vous cherchais, Elric.

— Vous avez donc brisé votre serment, Myshella, car, lorsque nous nous sommes séparés, vous m’avez dit que jamais plus vous ne chercheriez à me revoir, que nos destins ne se rencontreraient plus.

— Je pensais alors que Theleb K’aarna avait péri par le Nœud Coulant de Chair…

La sorcière étendit alors les bras et ce fut comme si elle invoquait le soleil qui, à cet instant précis, apparut sur l’horizon.

— Pourquoi marchiez-vous ainsi dans le désert, Mon Seigneur ?

— Je cherchais la mort.

— Pourtant, vous savez que votre destinée n’est point de mourir de la sorte.

— C’est ce que l’on m’a dit, mais je ne le sais pas, Dame Myshella. Pourtant… (il se redressa en titubant et se tint à ses côtés) je commence à soupçonner qu’il en est ainsi.

Elle lui présenta alors une coupe qu’elle venait de prendre sous ses robes. Elle était emplie jusqu’au bord d’un liquide aux reflets d’argent.

— Buvez, dit-elle.

Il ne fit pas un geste et dit simplement : « Je n’éprouve pas de plaisir à vous revoir, Dame Myshella. »

— Pourquoi ? Parce que vous avez peur de m’aimer ?

— Si cela vous flatte de le penser… Eh bien, oui.

— Cela ne me flatte pas. Je sais bien que vous retrouvez le souvenir de Cymoril et que j’ai commis une faute en laissant Kaneloon devenir ce que vous désirez le plus au monde… avant d’avoir compris qu’il était ce que vous redoutiez le plus.

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— Ton pacte de garde est très efficace, remarqua-t-il.

— Mais oui, mon doux Elric, dit le démon en souriant.

Cette voix, maintenant, était familière à l’oreille d’Elric.

— Tu n’es pas ordinaire… commença le Melnibonéen en fixant la créature d’un regard acéré.

— Je l’espère bien, adorable mortel…

À l’instant où la forme du démon commença à se modifier, la monture d’Elric regimba et hennit furieusement. Un bourdonnement s’éleva tandis qu’une fumée noire et dense sortait du trône. Et puis, tout à coup, un être nouveau fut assis là, les jambes croisées. Cet être avait forme humaine mais sa beauté transcendait celle de n’importe quel mortel. Elle était à la fois sublime et majestueuse, étrangère, absolue.

— Arioch !

Elric s’inclina devant le Seigneur du Chaos.

— Ay, Elric ! J’ai pris la place du démon durant ton absence.

— Mais tu m’avais refusé ton aide…

— Comme je te l’ai dit, des affaires plus graves m’appellent. Bientôt, le Chaos affrontera la Loi et Donblas pourrait bien être rejeté dans les Limbes pour l’éternité.

— Sais-tu que Donblas m’a parlé dans le labyrinthe du Dieu Ardent ?

— Certes, je le sais. C’est pour cela que j’ai pris le temps de rendre visite à ton plan. Je ne saurais supporter que tu reçoives le soutien de Donblas le Justicier et de sa race si dépourvue d’humour. J’en ai été offensé. À présent, j’ai prouvé que mes pouvoirs étaient supérieurs à ceux de la Loi.

Arioch, par-delà Elric, regarda Rackhir, Brut, Tristelune et tous ceux qui tentaient de protéger leurs yeux du spectacle de sa beauté.

« Et vous, fous de Tanelorn… Vous aurez peut-être enfin compris qu’il vaut mieux servir le Chaos !

— Je ne sers ni le Chaos ni la Loi ! lança Rackhir d’un ton farouche.

— Tu apprendras un jour que la neutralité est plus dangereuse, renégat !

À présent, il y avait de la méchanceté dans la voix mélodieuse du Seigneur du Chaos.

— Tu ne peux me faire aucun mal, dit Rackhir. Et si Elric s’en retourne avec nous à Tanelorn, il échappera lui aussi à ton joug maudit !

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Elric n’était toujours pas tombé, mais quelque chose se passait en lui.

L’idée se fit jour, dans son esprit ivre de tuerie que, pour quelque raison, la lame runique était repue.

L’énergie vibrait encore dans le métal mais rien ne coulait plus dans les veines de l’albinos. Et son énergie volée semblait diminuer.

— Maudite sois-tu, Stormbringer ! Donne-moi ta force !

Les épées pleuvaient sur lui et sans cesse il parait, frappait, taillait.

— Ta force !

Sa puissance, bien sûr, était encore plus grande que la normale et dépassait celle de tout mortel ordinaire, mais la fureur semblait l’abandonner et, comme de nouveaux guerriers Kelmain s’approchaient, il ressentit presque de l’inquiétude.

Il s’éveillait de son rêve ensanglanté.

Il secoua la tête et respira profondément plusieurs fois. Son dos était douloureux.

— Épée Noire, donne-moi leur force !

Il frappa des visages, des bras, des poitrines et des jambes jusqu’à être couvert du sang de ses assaillants.

— Qu’as-tu donc, épée runique ? Refuserais-tu de m’aider ? Tu ne peux pas combattre ces choses parce que, ainsi que toi, elles viennent du Chaos ?

Non, ce ne pouvait être cela. Il se passait simplement que l’épée n’avait plus soif de vitalité et qu’elle n’en apportait plus à Elric.

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