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On tombe toujours malade le dimanche, quand les pharmacies sont fermées et les médecins en vadrouille. On a toujours besoin de conseils d’affaires urgents en août, quand Paris est vide. Horrible août 1927. Dans le Jardin des Plantes – une des hontes françaises, – l’ours va à droite et à gauche, sans jamais de répit ; le lion, sur place, l’œil mort, oscille d’une patte sur l’autre. Pareil à ces bêtes que la claustration et l’idée fixe ont rendues névropathes, Costals, enfermé dans cette cage qu’est un amour qu’il n’éprouve pas, balance d’un côté puis de l’autre. Notre fier-à-bras, disons-le tout net, c’est maintenant un pauvre type qui a besoin d’un conseil, qui a besoin d’être influencé. Voilà ce qu’a fait de lui l’idée de mariage ! Mais pourquoi accuser Paris désert, s’il ne trouve pas les gens qui pourraient lui être utiles ? Qu’on n’en accuse que son orgueil. Paris serait plein, il ne trouverait pas davantage. Aller exposer sa situation ridicule à un ami, un parent, jamais ! Qu’on le voie dans cet état, lui toujours si maître de sa vie, jamais ! Par orgueil, il préfère commettre une bêtise, peut-être irréparable, sans y mêler personne, à se l’épargner en prenant conseil de quelqu’un de sûr. Ce mariage n’est possible que sous une forme le mariage-surprise. D’un coup, comme on avale une purge.
Afficher en entierLes femmes disaient de Maître Dubouchet qu’il avait l’air désagréable. C’est ce qu’elles disent d’un homme lorsqu’il a l’air grave, ou digne, ou seulement l’air sérieux. Maître Dubouchet était un pyrrhonien, qui se donnait un mal extrême pour avoir l’air sérieux ; un tel effort est une nécessité au Palais : sans lui, tout le monde éclaterait de rire. Dubouchet se dédommageait de cet effort par les voluptés spéciales du prétoire. Pouvoir rougir, bramer, s’étrangler, s’éponger, insulter, pleurer, avoir la danse de Saint-Guy, en vue de prouver l’innocence d’un individu qui vous a avoué être coupable, dénaturer les faits, fausser les textes, se payer la tête de la victime, faire de l’esprit sur le dos des témoins, le tout soutenu par l’approbation, que dis-je ! (mouvement de manches) que dis-je ! par l’enthousiasme de la société, cela vaut bien quelques sacrifices, pour un homme dont toute la philosophie tient dans l’esprit de dérision. Chauve, glabre, avec des bajoues nobles, des lunettes d’or, Dubouchet avait l’air d’un penseur qui ne penserait pas, grande trahison à l’égard du pyrrhonisme, qui vaut mieux que cela. C’est dire cependant que son apparence était des plus respectables, sauf, bien entendu, lorsqu’il se promenait boulevard du Palais, au milieu des tramways, vêtu d’un peplum noir, et une bavette au cou, sans parler de ses ordres. Dubouchet n’était pas aimé, parce qu’il avait un peu trop d’argent, et le montrait. Et quiconque a de l’argent est un gorille pour qui n’en a pas.
Afficher en entier4 août. – Elle est venue. Elle m’a rendu le journal de Tolstoï et celui de Mme Tolstoï, sans un mot. La phrase d’Aurel : « Il y a des femmes à qui on prête un livre admirable, et qui vous le rendent sans un mot, comme on vous rend une pince à sucre. » Si Dante réapparaissait, et lisait en public un chant inédit de La Divine Comédie, il y aurait des femmes, et des intellectuelles, qui ne trouveraient rien d’autre à dire, sinon que son pantalon n’est pas dans son pli. À toutes mes questions, elle ne répond que par de pauvres variantes du :
— Pourquoi voulez-vous que ce qui s’est passé pour Tolstoï se passe pour vous ? Rien ne prouve que cela ne marcherait pas bien…
Tout est rendu plus difficile parce que ces gens ne sont pas des gens d’esprit.
En quelques jours elle a salopé le Tolstoï, recollé la couverture avec du papier gommé. Elle doit être sans soin.
Rien au monde ne peut faire que j’aie besoin de sa présence.
Il n’y a absolument aucune raison pour que je l’épouse.
Je ne l’aime pas. Je voudrais trouver davantage de raisons de l’aimer, mais je ne les trouve pas. Je ne l’aime pas, et je suis prêt à faire cette folie, pour elle.
La peur que j’avais, enfant, quand on m’emmenait sur l’eau. L’impression de quelqu’un qui embarque.
Afficher en entierDepuis leur première étreinte, au Bois, jusqu’à ce jour de Bagatelle où nous venons de voir Costals, pour la première fois, admettre que dans certaines circonstances il pourrait l’épouser – guerre ou révolution, – en passant par le jour où il l’avait rendue demi-vierge (25 mai), et le jour où il l’avait rendue femme (24 juin), Solange s’était tenue à sa politique, de ne parler jamais mariage à son ami. Son habileté avait été de lui accorder sans chichis tout ce que lui eût accordé une femme facile, et pour le reste d’être ce qu’elle était : une petite un peu vieux jeu. Ainsi elle avait satisfait Costals, à la fois dans sa fringale charnelle et dans son « rigorisme ». Elle s’était montrée à lui double, grue et fille du monde, et on ne l’intéressait que lorsqu’on était double (double étant un minimum) ; elle s’était présentée à lui comme une contradiction, ce qui était la meilleure façon de l’allumer : il l’avait crue de son espèce.
Afficher en entierLes baisers des amants sont des bouses qui tombent.
La ressemblance ne m’avait jamais frappé. Eh bien oui ! mon cher confrère. C’est tout à fait ça.
Laissons-les. Les armes contre lui, elles sont dans son œuvre. Je reconnais qu’il a du talent. Mais il m’agace, rien à faire contre cela. En fin de compte, mes sentiments à son égard ? J’attends qu’il meure.
Afficher en entierL’amour est gâché non seulement par le mariage, mais par la seule possibilité du mariage. Le spectre du mariage, agitant ses chaînes - les chaînes du mariage, il va sans dire ! - empoisonne tout amour avec une jeune fille.
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