Ajouter un extrait
Liste des extraits
« Guilhem Arnal, appuyé à l’étroite fenêtre de sa chambre, regarda longtemps le paysage qui s’étendait sous ses yeux. Ce n’était partout que ruine et que tristesse,murs calcinés et cette mélancolie que l’automne donnait aux bois, aux haies, aux chemins.
Les meules avaient brûlé, les chaumières aussi. Mais le château avait résisté, le château aux greniers débordants de blé, aux barriques pleines de vin.
– Je ferai distribuer du pain, voilà tout !
Il était en paix avec lui-même. Il avait risqué sa vie, il l’avait jetée dans la bataille pour sauver son honneur, ses biens, ses paysans. Sa tâche était remplie.
Le jeune homme laissa errer son regard avec reconnaissance sur les murailles crénelées et sur les tours.
Elles avaient soutenu les sièges, les bonnes murailles que lui avaient léguées ses pères.
– Moi aussi, je les transmettrai aussi fortes que je les ai reçues ! se promit-il. »
Le Faucon déniché, chapitre 7, p.113-114.
Afficher en entier"La forêt sortait de la nuit avec une joie paisible. Les oiseaux s'ébrouaient avant de chanter le matin retrouvé. Dans les taillis et sur les mousses, tout un peuple de petits animaux se signalait par des frôlements, des herbes froissées, des basses branches un moment agitées qui se refermaient ensuite sur une queue blanche ou un plumage gris.
Martin ne partageait pas cette allégresse. Il avançait, l'oreille aux aguets, le cœur battant de crainte et aussi d'excitation. Il savait son chemin : la corne de bois à traverser et, de nouveau, la lisière avec une grande flaque d'eau dormante au creux de l'argile.
Là s'élevait un pin qu'il avait repéré huit jours auparavant. Sur une branche presque inaccessible, un ancien nid de pie était accroché.
Martin, au pied de l'arbre, se dit que, s'il hésitait maintenant, il n'oserait plus jamais courir un tel risque. Un dernier regard, l'oreille encore une fois tendue :
« en. »
Le vent du matin dans les feuilles.
« Personne.
Le sort était jeté. Tant pis. L'aventure de Martin commençait.
Il saisit le tronc à pleins bras, à pleines jambes et se hissa en s'écorchant aux écorces couleur de sang séché. La résine engluait ses doigts, ses pieds nus, comme pour le retenir en un piège, mais il montait toujours. Une branche, enfin ! Une autre. La longue escalade vers le sommet devenait presque aisée.
Et puis les branches se firent plus minces. Elles ployèrent sous la charge, pourtant légère, du petit gardeur d'oies décidé à aller jusqu'au bout. "
Afficher en entier"Seule, une poule s'agitait sous la table et grattait le sol à la recherche d'un grain de blé qu'elle n'avait aucune chance de trouver.
Dans la maison de Brichot, le bûcheron, un grain de blé était un grain de blé. On se serait baissé trois fois pour le ramasser plutôt que de le laisser se perdre.
Aucun bruit ne venait du dehors. Les chaumières étaient encore fermées à cette heure matinale. L'enfant quitta sa paillasse et traversa la salle sur la pointe des pieds. Le regard fixé sur ses parents dont il guettait le moindre signe de réveil, il retenait son souffle pour se faire plus silencieux. Il allait sortir, il avait déjà ouvert la vieille porte de bois noirci quand une voix l'appela de l'intérieur.
Martin !
Oui, mère.
N'y va pas !
La femme s'était levée. Elle rejoignit son fils, toute maigre dans sa camisole de toile bise qui tombait sur ses pieds nus.
Tu le sais bien. Ne parlons pas de cela. On pourrait nous entendre et nous en aurions du malheur, dit-elle à voix plus basse.
Mais...
Tais-toi ! C'est interdit aux manants. Pense à ton père, Martin, à
tes frères. Notre seigneur est bon que Dieu l'ait en sa sainte garde ! —
mais cela, il ne le pardonnerait pas.
Mère, je vais les voir, simplement. Rien que les voir.
Martin sentait bien qu'il n'était pas sûr de tenir sa promesse. Il partit en courant. Sa mère le regarda s'éloigner, puis elle rentra et ne se recoucha pas. A quoi bon puisque le sommeil l'avait fuie ?
« Pourquoi s'est-il mis une telle idée en tête ? Dans sa mauvaise tête qui ne veut rien comprendre ! "
Afficher en entierCette grande envie qu’il avait, lui, pauvre petit paysan, de posséder un oiseau qui lui appartiendrait, un oiseau magnifique qui ne tuerait que pour vivre et qui ne se poserait sur le poing que pour obéir à l’amitié.
Afficher en entierLe petit garçon se réveilla aux premières lueurs de l'aube qui pénétraient à travers le volet mal rabattu. Il se redressa sur un coude et inspecta la pénombre. Autour dde lui, toute la famille dormait couchée sur des grabats. Près de la cheminéé aux tisons étouffés sous la cendre, la père ronflait,tourné vers le mur. La mère, etendue sur le coté, semblait se reposer à peine un instant, entre deux travaux. Dans les autres coins, les frères sommeillaient, les plus jeunes dans les paniers, les ainés sur une jonchée de paille. Seule, une poule s'agitait sous la table et grattait le sol à la recherche d'un grain de blé qu'elle n'avait aucune chance de trouver. Dans la maison de brichot, le bucheron, un grain de blé etait un grain de blé. On se serait baissé trois fois pour le rammasser plutot que de le laisser se perdre. Aucun bruit ne venait du dehors. Les chaumières etaient encore fermées à cette heure matinale. L'enfant quitta sa paillasse et traversa la salle sur la pointe des pieds. Le regard fixé sur ses parents dont il guettait le moindre signe de reveil, il retenait son souffle pour se faire plus silencieux. Il allait sortir, il avait dèja ouvert la vielle porte de bois noirci quand une voix l'appela de l'interieur.
- Martin !
- Oui, mère.
- N'y va pas !
- Ou ?
La femme s'etait levéé. Elle rejoignit son fils, toute maigre dans sa camisole de toikle bise qui tombait sur ses pieds nus.
- Tu le sais bien. Ne parlons pas de cela; On pourrait nous entendre et nous aurions du maklheur, dit elle à voix plus basse.
- Mais...
- Tais toi ! C'est interdit au manants. Pense à ton père, Martin, à tes frères. Notre seigneur est bon-que dieu l'ait en sa sainte garde!-mais cela, il ne le pardonnerait pas.
Afficher en entierMieux valent galettes de farine de glands mangées en famille que bon pain de blé qu’on ne partage pas avec les absents.
Afficher en entierMartin étouffa un cri. Son cœur lui faisait si mal qu'il ne sentait pas la brulure d'une longue estafilade rouge sur son bras. Il se jeta à plat ventre au milieu du sentier et pleura jusqu'à l'épuisement de ses forces.
Afficher en entier« Le fauconnier traversa la cour d’un pas rapide. C’était l’heure qu’il préférait, celle où les premiers rayons du soleil venaient frapper les murailles.
Les chiens s’impatientaient dans le chenil, excités par la faim et les senteurs de l’aube. Les oiseaux, immobiles sur leurs perchoirs, attendaient avec une royale indifférence que l’on disposât d’eux. »
Afficher en entierD’un doigt, il lissa les plumes de la tête, sur cette traînée plus claire, au-dessus de l'oeil qui ressemblait à un sourcil froncé. L’oiseau se laissa caresser. Il avait mangé à satiété, il était repu, et cette amitié qu’il donnait, il l’avait librement consentie. »
Afficher en entier
« « S’il n’y était plus ? se disait martin. Si on l’avait découvert ? »
En général, cette pensée emportait ses dernières hésitations. Il se jetait à l’intérieur, écartait les branches du sureau qui cachait, dans un creux de la muraille, son trésor interdit : une cage en verges de saule tressées.
Dans cette cage, le plus beau faucon hobereau que seigneur pût désirer : une tête fine ornée de deux moustaches noires ; un ventre ivoire rayé de sombre ; des pattes jaune vif dont les serres égratignaient l’écorce du perchoir ; des ailes, surtout, magnifiques, longues, pointues, bordées d’encre.
« Tu es brave, mon faucon ! »
Martin ne pouvait contenir sa fierté. Lui, le petit serf aux pieds nus, il enlevait son surcot, l’enroulait autour de sa main, ouvrait la cage et recevait sur son poing le rapace dompté.
« Viens, mon doux, viens, tu vas manger. »
Afficher en entier