Descrip­tions

Marcel Schwob (1867-1905) est l'une des figures les plus originales et attachantes de la fin du XIXe siècle. Ami de Mallarmé, de Jules Renard, il fut celui que se choisirent pour maître les jeunes Paul Valéry et Alfred Jarry. Son Oeuvre protéiforme se compose aussi bien d'essais critiques nourris de son immense érudition (ses études sur l'argot et sur Villon font toujours autorité), que de contes fantastiques. Le livre de Monelle, publié en 1894, donne les clefs de cette oeuvre et peut être regardé comme le testament spirituel de Marcel Schwob. Monelle, "celle qui est seule", petite prostituée sortie de la nuit, est la soeur lointaine de la pauvre Anne de Thomas de Quincey. Ses paroles initiatiques sont un appel à jouir du moment, à épouser le mouvement de la vie. Tout détruire, tout oublier, sont les conditions d'une vie nouvelle. Dans de brefs contes de fées amers et cruels, Schwob retrace la vie des soeurs de Monelle, l'égoïste, la voluptueuse, la rêveuse, la perverse, etc. Ces femmes-enfants éclairent de leur grâce intemporelle ce récit allégorique, transparent et grave, qui tend sans cesse vers le poème en prose.

Et Monelle dit encore : Je te parlerai des moments. Regarde toutes choses sous l'aspect du moment. Pense dans le moment. Toute pensée qui dure est contradiction. Aime le moment. Tout amour qui dure est haine. Sois sincère avec le moment. Toute sincérité qui dure est mensonge. Soit juste envers le moment. Toute justice qui dure est injustice.

Agis envers le moment. Toute action qui dure est un règne défunt. Sois heureux avec le moment. Tout bonheur qui dure est malheur. Vois : tout moment est un berceau et un cercueil : que toute vie et toute mort te semblent étranges et nouvelles.