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Extrait ajouté par Pixie-Girl 2017-04-15T15:30:27+02:00

Les livres occultes ressemblent à des forêts vierges, et désespèrent ceux qui s'y engagent sans guide.

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Extrait ajouté par Pixie-Girl 2017-04-15T15:30:15+02:00

Le savoir magique est à la portée de tous par les livres, mais il n'est nullement opérant pour qui n'a pas la qualité à l'exercer.

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Extrait ajouté par Pixie-Girl 2017-04-15T15:26:39+02:00

Ceux qui nient ces faits irrécusablement constatés sont ignorants, ou illogiques, ou de mauvaise foi. Ne vaut-il pas mieux avouer que nous n'y comprenons rien, mais qu'il y a là "quelque chose", et que notre devoir est de reconnaître les faits?

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Extrait ajouté par Aelyshan 2013-07-30T16:22:45+02:00

Juin 1659

La fièvre s'est communiquée à la foule venue de tous les comtés environnants ; masse de citoyens respectables et vertueux, excités par la perspective d'un châtiment public qui vient rompre la monotonie de leur vie quotidienne.

Les étroites ruelles de ce village de Franche-Comté sont noires de monde. Les cloches sonnent un glas lugubre au-dessus d'une marée étrangement silencieuse qui se presse, piétine, envahit les maisons, débordant aux fenêtres ou grimpant jusque sur les toits.

La pluie, qui tombait depuis deux jours, s'est enfin arrêtée. La nature toilettée resplendit et le soleil reprend possession d'un ciel uni.

Sur la place Saint-Jean, les sergents ont incliné la pointe de leurs piques pour dégager un espace devant le portail de l'église.

Un peu avant midi, un cortège précédé d'une compagnie d'archers franchit la porte nord de l'enceinte. Viennent ensuite les confrères de la Croix, revêtus de leur funèbre cagoule et ceints d'une corde de chanvre où pend un chapelet. Ceux-ci sont suivis du maître de la haute justice et de plusieurs magistrats. Derrière eux, les pieds nus et ensanglantés, se traîne une loque humaine, une femme aux yeux fous, le crâne rasé, la lèvre pendante, la respiration bloquée. On lui a passé une corde autour du cou. Enveloppant son corps maigre, les pans trop longs d'une chemise informe et sale traînent dans les dernières flaques boueuses. Elle ignore un grand diable de moine énervé qui l'exhorte au repentir. Le bourreau et ses valets ferment la marche.

Dès que la foule a aperçu la sorcière, une sourde clameur est montée vers le ciel limpide de juin. Tous les regards sont fixés sur la condamnée ; on lui jette des pierres et des immondices, on l'injurie. Même ceux qui, en un temps, ont eu recours à sa magie.

— Regardez ! Le signe ! Là, sur son crâne ! jette une commère à la vue perçante.

— N'est-ce pas un H ? ajoute une autre qui a réussi à bousculer les gardes pour se rapprocher.

— Non, un M ! C'est un M ! crie la première.

— Ça veut dire quoi, sorcière ? hurlent plusieurs voix excitées.

— M comme maudit ?

— Comme Malin ! Avec qui elle fait commerce !

À travers les cris et la cohue, les femmes sont repoussées durement par les gardes, tandis que la procession fait halte devant l'église.

Le bourreau pousse la malheureuse et la fait tomber à genoux. Elle reste ainsi, la tête basse, devant le curé qui lui impose un lourd cierge entre les mains et lui commande de demander pardon à Dieu pour ses crimes. Dans un murmure indistinct, elle répète les paroles que lui souffle l'ecclésiastique, puis, relevant la tête, avoue, d'une voix étonnamment forte, presque fière, avoir vendu son âme à Satan, abjuré la Sainte Religion, assisté au sabbat et commis les sacrilèges les plus abominables. La rumeur de la foule se mue en une protestation menaçante.

Après quoi on lui présente un crucifix, qu'elle repousse, tout en refusant de prononcer en latin le confiteor.

L'amende honorable ne sera pas dite.

Sous les lazzis et les vociférations de la foule, le cortège reprend sa marche dans le même ordre et se dirige vers le lieu du supplice.

Le peuple, avide de l'affreux spectacle, l'accompagne en braillant, couvrant le chœur des confrères de la Croix qui psalmodient.

Au champ du Jacquou se dresse le poteau, planté au centre d'un haut bûcher. Là, l'exécuteur et ses aides hissent la sorcière qui se débat et ne peut, durant un instant, dominer sa terreur. Ils la lient solidement au pieu, le visage tourné vers les magistrats impassibles.

Accompagné de quolibets, le moine lui présente à nouveau le crucifix, mais dans un dernier sursaut de révolte, elle tourne la tête vers l'endroit où elle sait se tenir ses filles, et hurle, tandis qu'on tente de la faire taire :

— Ma mort ne sera rien si vous me vengez, mes petites ! Nous sommes de la même race ! Nous avons le don ! Le don ! Utilisez-le contre ces ignares ! Rappelez-vous notre loi ! Rappelez-vous la lettre !

Un bref silence s'abat sur la foule possédée, que la condamnée met à profit pour ajouter d'une terrible voix rocailleuse, qui roule au-dessus des têtes figées, comme une malédiction :

— Je vous prédis une descendance vengeresse ! Tous ces imbéciles ne comprennent rien ! Qu'ils soient maudits ! Nos générations futures leur démontreront notre force ! Je vous le promets !

Les cris et les huées explosent de nouveau, ponctués de poings levés et de gestes obscènes.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire de lettre ?

— Faisons leur sort à ses filles !

— Sus à ses rejetons !

À ces mots, dont elle sent tout le péril et qui font enfler le grondement sinistre, Marcelline ferme les yeux. On pourrait croire qu'elle refuse d'assister au mouvement malveillant qui ondule vers sa progéniture. Mais Marcelline n'a nul besoin de voir pour que la réalité s'imprime en elle ; un jeune homme pâle et déterminé faisant rempart de son corps à une jeune fille terrorisée et en pleurs, tandis qu'il en repousse violemment une autre, copie conforme de la première.

Marcelline sait qu'elle ne surestime pas l'amour et la force d'Eugène. Il sauvera au moins l'une de ses jumelles.

Là-bas, les mots du jeune homme, engloutis au milieu des grondements qui n'ont cessé de s'amplifier, atteignent sa conscience, bien que soufflés à voix basse. « Fuis ! l'entend-elle ordonner à Madeleine. Loin ! Le plus loin possible ! Oublie-nous. Que Dieu te garde ! » Et il sort une dague de sa redingote, la pointe en tous sens sur la marée humaine qui l'encercle et se rapproche.

— Laissez ces jeunes filles ! hurle-t-il à la ronde. Dieu m'est témoin que je n'hésiterai pas une seconde à vous trouer la peau, bande de sauvages !

Derrière les paupières de Marcelline, dont les yeux clos irritent la foule, des images défilent. Peut-être la vision des lendemains à venir, qu'elle escompte effroyables. Ses lèvres desséchées s'étirent en un sourire figé. La foule clame et brandit encore le poing, refusant au démon de s'octroyer un air de madone.

À cet instant, le bourreau passe un nœud coulant autour de son cou et, d'un mouvement sec, tire violemment en arrière. Au même moment, les premières flammes s'élèvent. L'homme relâche la corde, et la tête de la suppliciée retombe en avant, inerte.

La multitude s'est subitement tue. On n'entend plus que la voix criarde du moine qui récite ses formules en aspergeant le bûcher d'eau bénite : « Exorciso te, creatura ignis... »

Maintenant, tout s'enflamme. Les bûches crépitent, la fumée monte, enveloppant le corps que le feu a dénudé. La chaleur force les assistants à reculer, tandis qu'une atroce odeur de chair grillée s'impose sur la place, s'attarde sur la masse à présent perplexe. Le mot « succube », prononcé à voix basse par le moine, affole plus d'une des commères, qui se signent et commencent à reculer. Il ne manquerait plus que le démon femelle revienne la nuit pour s'unir à leurs hommes.

Le poteau lui-même brûle comme une torche, longtemps, avant que tout ne s'écroule dans un grand jaillissement d'étincelles.

Dès que le feu s'éteindra, le bourreau ramassera quatre pelletées de cendres et les dispersera vers chacun des points cardinaux.

Des femmes fouilleront la poudre brûlante, à la recherche de dents ou de fragments d'os...

Eugène éponge son front moite et revient au centre de la pièce.

Les coups ont cessé contre la porte et les volets clos, les cris ont décru dans sa rue.

Mais ils ne sont pas sortis d'affaire pour autant. La populace ne lui pardonnera pas de s'être opposé à sa vindicte. Le goût pour le sang et le macabre de ses compatriotes a trouvé aujourd'hui matière à exulter, et il faudra plus que les heures à venir pour que ceux-ci recouvrent tout contrôle.

Le jeune homme jette un bref coup d'œil à sa montre de gousset, puis s'élance vers le lit aux rideaux ouverts d'où s'échappent des pleurs violents.

Mélina, couchée à plat ventre sur une courtepointe de laine, tressaute à chaque sanglot. Eugène s'émeut du spectacle éclairé par un vieux candélabre à deux branches. La nuque dégage un long cou gracile et blanc, que le jeune homme ne peut s'empêcher d'effleurer de la main. D'abord timidement, tout frémissant de ce premier toucher – caresse ô combien imaginée lors de ses rêves les plus fous d'elle ! Et puis ses doigts se font plus lourds, plus précis. Protecteurs. Définition du sentiment qui l'envahit devant la détresse infinie de la jeune fille.

Sans n'avoir jamais échangé un mot avec elle, il avait aimé attendre ses passages dans la rue. Il l'avait suivie parfois, toujours accompagnée de sa jumelle, et l'avait découverte vive et enjouée. Il avait croisé les regards effrontés et rieurs des deux sœurs, avait entendu leurs prénoms, et s'était amouraché de la plus frêle des deux. Il n'avait aucunement écouté les commérages, des ragots colportés sous le manteau, qui évoquaient le danger à les fréquenter de trop près.

Il n'avait écouté que son cœur.

Aujourd'hui, il a risqué sa vie pour elle. Son geste lui apparaît comme un engagement total. Il évacue toute pensée qui définirait sa défense comme la pire idiotie de sa vie, face à la folie des hommes. Mais il a défendu la femme qu'il aime. En aucun cas, il ne laissera quiconque lui faire du mal.

Sa main s'appesantit sur la douce épaule.

Elle n'a pas émis un mot depuis qu'il l'a retrouvée dans la foule.

— Tu n'es pas seule, Mélina, dit-il, tout chamboulé de prononcer pour la première fois, à voix haute, le nom de la jeune fille. Tant que je serai là, tu ne risqueras rien.

Elle crispe ses doigts sur le sac de toile qu'elle serre tout contre elle depuis le matin. « Sa fortune », se dit Eugène, attendri.

Enfin, les sanglots s'espacent, faute de larmes et de forces.

À la douleur d'avoir vu brûler sa mère et à celle d'avoir perdu sa sœur dans la cohue criminelle s'ajoutent l'usure de l'attente et des craintes pour le procès, la révélation de la haine insoupçonnée d'un peuple apeuré. Depuis des jours, elle et Madeleine étaient restées tapies dans leur maison, à l'abri de toute vindicte. Avaient-elles été bien folles de vouloir assister aux adieux de leur mère.

Un gémissement à fendre le cœur la fait replonger dans son abattement. Eugène entrevoit alors une tache sombre, asymétrique, de la grosseur d'un sou, à la base de l'implantation des cheveux. Troublé, il glisse un doigt timide à travers les racines afin de tâter le cuir chevelu...

Son cœur se met à battre plus fort.

— Mon Dieu, Mélina, chuchote-t-il, ce signe, là... Est-ce le... signe qu'on a vu sur ta mère ?

Deux mains viennent prestement se croiser sur la nuque pour cacher la marque. Puis Mélina se retourne vers Eugène et le fixe, sans rien dire, de ses prunelles mouillées, le souffle court.

Il a la certitude qu'elle devine ce qu'il pense. Le silence entre eux s'éternise.

Que voit Eugène dans ce regard pénétrant, d'où jaillit un éclair, un scintillement étrange ?... Ne dirait-on pas comme un éclat de diamant au centre de la pupille ? Une étincelle qui irradie le brun de l'iris jusqu'à le dorer et qui, de près, lui donne un regard de fauve... Que perçoit-il du message que Mélina lui transmet, à travers son mutisme ?

« Une sorcière... », ne peut-il s'empêcher de penser, assailli de sentiments divergents.

Il détourne son regard pour masquer son embarras, et s'écarte pour se diriger vers la porte du fond qui donne sur un étroit couloir. Avant de l'ouvrir et de la franchir, il se retourne vers elle et pose un doigt en travers de ses lèvres.

Il a besoin d'une courte pause. C'est cela, d'un instant de répit. Histoire de retrouver tout son bon sens.

Le silence règne dans l'immeuble, il s'avance vers l'escalier aux marches usées qui mène à l'étage, chez ses logeurs, le père et la mère Martin qui – rares sont ceux qui n'ont pas suivi les imprécations de la foule – sont restés chez eux.

Il gratte à leur porte. Une tête chenue lui ouvre, une main le tire vivement à l'intérieur.

— Ils viennent de mettre le feu à sa maison ! Regardez !

Eugène s'approche de la fenêtre ouverte pour assister au châtiment ultime; après sa mort, la disparition des biens de Marcelline Potier.

L'air est empli de minuscules particules noires et charrie une âcre odeur de brûlé.

Eugène regarde d'un œil morne les flammes, à deux rues d'ici, qui lèchent déjà le toit de l'habitation et se dressent vers les cieux, doigts de feu dansant la gigue à travers une épaisse fumée noire, faisant encourir grand danger aux maisons voisines.

— Ils ont perdu tout entendement, dit le vieil homme en secouant la tête. Pourtant, parmi eux, il y en a qui l'ont souvent sollicitée, la sorcière.

— Ce sont ceux-là, les pires, acquiesce lentement son épouse. Et s'ils mettent la main sur les petites... c'en est fini d'elles.

Des cris et des exclamations fusent, entre villageois avides de représailles et sauveteurs qui se précipitent. La rue est le théâtre d'une seconde immolation à la démence humaine.

Eugène sait que son temps est compté dans le village, puisqu'il a pris la décision de ne pas abandonner Mélina et que sa survie dépend de leur fuite.

— Monsieur Eugène ! Vous ne deviez partir qu'au printemps prochain !

— J'ai une proposition chez Maître Tournier, à Besançon.

Les Martin sont pris au dépourvu. Ils aiment bien cet étudiant discret et serviable.

Quand Eugène les quitte, après avoir réglé son loyer, ils ne le soupçonnent pas d'attendre la faveur de la nuit pour s'éloigner du village.

Les pas du jeune homme leur semblent juste plus lourds que d'habitude dans l'escalier de bois.

Tout en descendant les marches, ce dernier se passe les mains sur le visage.

S'il craint encore, pour Mélina, une pendaison ou une lapidation sauvage, il n'ose penser à ce qu'il a pu advenir de Madeleine qu'il a abandonnée, encerclée de loups sanguinaires.

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Extrait ajouté par feedesneige 2015-07-05T16:02:24+02:00

chapitre 1

Quelque deux cent cinquante années plus tard

Marie s’engagea prudemment dans le vieil escalier de pierres délabré qui menait à la cave de la maison.

Charles ne reviendrait que ce soir, après avoir cheminé à dos de mulet sur les cinq lieues qui les séparaient de Saint-Rémy-de-Provence. Il reviendrait gai, empli de sa nouvelle importance, après avoir signé la vente de leur petite maison chez le notaire.

Il était temps de commencer à préparer leur déménagement.

Depuis que son mari avait appris le décès de son frère aîné, passé l’effet de surprise et de tristesse issue de souvenirs d’enfants, il ne se départait plus d’un air satisfait.

Voilà deux semaines qu’il se délectait à l’idée de sa promotion sociale. Finis le travail ingrat à la ferme Groud dès le chant du coq, les fenaisons exténuantes, les labourages, les semailles, les traites, et tout le reste que lui laissait le fermier pour seulement quelques sous, trois vaches du pauvre – des chèvres laitières –, un cochon et des poules.

– Retour à la case départ, disait-il avec ravissement, les yeux partis loin à travers la fenêtre aux carreaux dépolis, tandis que Marie servait la soupe. Retour à la source.

Une source qu’il n’aurait jamais quittée si Étienne ne l’avait privé de son bien. À ce moment précis de ses réflexions, il lui arrivait de frapper du poing sur la table. Marie se gardait bien d’intervenir, occupée à sa gamelle sur le feu.

Allons, tout était bien. Les événements se déroulaient comme ils avaient été pressentis par mémé Mariette, en ce qui concernait Charles. Le décès de son frère avait seulement réveillé de sourdes rancœurs, que le présent allait aplanir.

Ils allaient bientôt quitter ces lieux pour s’envoler vers une famille dont Marie n’avait quasiment jamais entendu parler.

Une odeur de moisi la saisit à la gorge. Instinctivement, sa main vint en soutien de son ventre rond, comme si elle voulait protéger le fœtus lové en elle de cette atmosphère polluée.

La cave faisait la superficie de la maison. Des bruits furtifs, des couinements lui parvinrent, mais les rats ne lui avaient jamais fait peur. Elle résista d’ailleurs à l’envie d’en attraper un pour remplacer celui que Charles avait méchamment écrabouillé. Il faut dire, à sa décharge, qu’il avait découvert l’animal dans leurs draps, et ne pouvait soupçonner sa femme d’héberger un tel locataire.

Elle alluma une chandelle pour se faufiler à travers des cartons et des paquets jusqu’à un soupirail barricadé de l’intérieur d’où filtraient quelques minuscules rais de lumière. Elle arracha une planche vermoulue et aussitôt une pâle lumière apporta sa contribution sur les murs et la terre grasse du sol.

La ferme Groud était mitoyenne à leur maison. Marie entendit le rire des enfants et la voix de leur mère qui les semonçait. Elle s’immobilisa, le cœur battant, à l’affût d’autres bruits… refoulant au fond d’elle ce qu’elle savait de la femme et de ses enfants, là, dehors, chassant les visions horribles qui la hantaient depuis plusieurs jours.

À l’évocation des images sanglantes, Marie sentit à nouveau la terreur l’envahir, puis refluer après qu’elle l’eut difficilement muselée, une fois de plus.

Non, elle n’interviendrait pas, se dit-elle pour répondre à sa conscience mise à mal. On n’assenait pas à une femme de but en blanc que son mari allait les abattre à coups de fusil, elle et ses enfants. Quelle crédibilité accorder à un rêve, même si celui-ci se répétait ?

Charles, à qui elle avait à contrecœur dévoilé son cauchemar alors qu’il la secouait dans leur alcôve pour la réveiller, avait raison. Elle passerait pour folle aux yeux de la communauté.

– Déjà qu’on nous regarde bizarrement, à cause de la vieille, l’avait-il durement avertie. On n’a pas besoin de ça. On rêve tous à des bêtises, toi comme d’autres. La mort de la mémé t’a tourneboulée, c’est sûr. Maintenant, ça suffit.

Marie écarquilla les yeux, tentant de se repérer parmi les ombres, et se dirigea vers un amas d’objets hétéroclites, entassés contre un enchevêtrement de cageots et de gravats. La terre collait à ses chaussures. Des toiles d’araignées s’agrippaient à ses longs cheveux. L’air était épais, l’atmosphère gluante.

La chandelle haut levée, elle examina le tout et avisa une forme qui semblait correspondre à ce qu’elle cherchait, enveloppée d’une vilaine toile cirée.

En disant « la vieille », Charles parlait de sa grand-mère maternelle, sa mémé Mariette, qui lui avait servi de mère à la mort de la sienne en couches.

Marie ne put retenir un sanglot.

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