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Acte IX
Ne t'étonne pas si ma voix se casse et si mes lèvres tremblent
C'est que j'aborde maintenant le tison de mes souvenirs
Et, jusqu'à ma mort, ce fer rouge brûlera ma mémoire.
Afficher en entierJe vais mourir seul
Dans ce feu qui me ronge,
Sans épée, ni cheval,
Sans ami, ni bataille,
Et je te demande d'avoir pitié de moi,
Car je suis celui qui n'a jamais pu se rassasier,
Je suis l'homme qui ne possède rien
Qu'un souvenir de conquêtes."
Afficher en entier"J'ai compris que j'étais un roi que rien ne rassasie.
Et que cette faim qui me rongeait les sangs,
Cette faim de terre
De foule
Et de vitesse,
Rien, jamais, ne l'apaiserait jusqu'à la mort".
Afficher en entier"Sans réveiller personne, me faufilant en silence à travers les tentes, je suis allé retrouver Bucéphale.
Je l'ai sellé et suis parti vers les berges du fleuve.
Il faisait encore frais.
La brume de l'aurore montait de la terre, et c'était comme des nuages qui couraient à mes pieds.
Tout dormait d'un silence de rêve.
Aucun chant d'oiseau encore,
Aucun cri de bête,
Pas même un bruissement de l'eau que la brume semblait étouffer.
Je contemplais ce grand fleuve barbare, la rive ennemie, là-bas, au delà du cours infranchissable,
Et c'est là que je le vis.
A une centaine de pas devant moi, avançant avec précaution dans les hauts roseaux du fleuve,
Un tigre bleu".
Afficher en entier"Regarde mon visage, Alexandre, dit-il.
J'ai vu tes yeux se troubler lorsque je me suis avancé tout à l'heure.
Tu ne m'as pas reconnu et pourtant mes traits t'étaient familiers. Et maintenant que tu sais que je suis Koinos, tu te demandes pourquoi tu as mis tant de temps à me reconnaître.
Je suis un des tiens depuis la première heure,
Et tu n'oublies pas tes soldats.
C'est le temps, Alexandre, le temps qui a grimé mon visage, le temps qui m'a apposé un masque de fatigue qui me colle à la peau et que je ne peux plus enlever.
Nous t'avons suivi partout, Alexandre.
Et là où tu nous menas, aucun autre que toi n'aurait pu nous mener.
Aujourd'hui nous sommes épuisés.
Nous avons mis tant de terres entre nous et notre Grèce natale que nul ne peut savoir si nous ne mourrons pas de vieillesse ou d'épuisement avant d'en revoir le sol.
Je pourrais te dire, Alexandre,
Que je veux veux revoir ma femme et mes enfants,
Revoir les miens, les embrasser, leur raconter nos prouesses et ta grandeur,
Mais ce n'est pas cela.
Ma femme est probablement mariée à un autre homme,
Mes enfants étaient si petits lorsque je suis parti
Qu'ils ne se souviendront pas de moi.
Je sais tout cela.
Je l'ai accepté depuis longtemps.
Ce que tu m'offris en échange, qui peut se vanter de l'avoir connu?
Mais aujourd'hui, Alexandre, ce n'est pas ma femme ou sur mes enfants que je pleure,
C'est sur ma terre,
Sur la douceur de la Grèce,
Sur la chaleur de mes montagnes, plaquées de soleil et surplombant la mer.
Je suis vieux, Alexandre.
Il ne me reste plus longtemps à vivre,
Et c'est sur ma terre que je voudrais mourir.
Combien d'entre nous sont morts sur la route?
Souviens-toi des noyés de Tyr.
Souviens-toi des corps écrasés sous les éléphants de Gaugamèles.
Souviens-toi des chutes dans les montagnes du Caucase
Et des hommes engloutis sous la boue de l'Indus.
Combien d''entre nous ont connu ces morts-là, sans sépulture ni prière?
Combien d'entre eux qui puent aujourd'hui au soleil
Ou qui ont même cessé de puer et que le vent disperse pour qu'on ne sache où ils sont tombés?
Je suis vieux Alexandre.
Et même si je pars maintenant, sans perdre une minute, je ne suis pas sûr d'arriver jusqu'en Grèce.
Ecoute-moi, Alexandre,
Je suis Koinos, je me met à tes genoux et je te demande une tombe en terre Hellène pour mon vieux corps fatigué."
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