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"Auguste Saint-Clair n’était point aimé dans ce qu’on appelle le monde ; la principale raison, c’est qu’il ne cherchait à plaire qu’aux gens qui lui plaisaient à lui-même. Il recherchait les uns et fuyait les autres. D’ailleurs il était distrait et indolent. — Un soir, comme il sortait du Théâtre-Italien, la marquise A*** lui demanda comment avait chanté mademoiselle Sontag. « Oui, madame, » répondit Saint-Clair en souriant agréablement et pensant à tout autre chose. On ne pouvait attribuer cette réponse ridicule à la timidité, car il parlait à un grand seigneur, à un grand homme, et même à une femme à la mode, avec autant d’aplomb que s’il eût entretenu son égal. — La marquise décida que Saint-Clair était un prodige d’impertinence et de fatuité.
Madame B*** l’invita à dîner un lundi. Elle lui parla souvent ; et, en sortant de chez elle, il déclara que jamais il n’avait rencontré de femme plus aimable. Madame B*** amassait de l’esprit chez les autres pendant un mois, et le dépensait chez elle en une soirée. Saint-Clair la revit le jeudi de la même semaine. Cette fois, il s’ennuya quelque peu. Une autre visite le détermina à ne plus reparaître dans son salon. Madame B *** publia que Saint-Clair était un jeune homme sans manières et du plus mauvais ton.
Il était né avec un cœur tendre et aimant ; mais, à un âge où l’on prend trop facilement des impressions qui durent toute la vie, sa sensibilité trop expansive lui avait attiré les railleries de ses camarades. Il était fier, ambitieux ; il tenait à l’opinion comme y tiennent les enfants. Dès lors, il se fit une étude de supprimer tous les dehors de ce qu’il regardait comme une faiblesse déshonorante. Il atteignit son but, mais sa victoire lui coûta cher. Il put cacher aux autres les émotions de son âme trop tendre ; mais, en les renfermant en lui-même, il se les rendit cent fois plus cruelles. Dans le monde il obtint la triste réputation d’insensible et d’insouciant ; et, dans la solitude, son imagination inquiète lui créait des tourments d’autant plus affreux qu’il n’aurait voulu en confier le secret à personne.
Il est vrai qu’il est difficile de trouver un ami !"
Afficher en entierPage 33: Saint-Clair: "-Les bijoux ne sont bons que pour cacher des défauts. Vous êtes trop jolie, Mathilde, pour en porter."
Afficher en entierPage 31: "Je crois fermement que le diable est aux écoutes, invisible auprès d'un malheureux qui se torture ainsi lui-même. Le spectacle est amusant pour l'ennemi des hommes; et quand la victime sent ses blessures se fermer, le diable est là pour les rouvrir."
Afficher en entierPage 32 : "Quand une passion nous emporte, nous éprouvons quelque consolation d'amour-propre à contempler notre faiblesse du haut de notre orgueil."
Afficher en entierPage 32: Saint-Clair: "- Je ne puis m'empêcher de l'aimer, s'écria-t-il en grinçant des dents et en frappant du pied, elle me domine, et je suis son esclave, comme Massigny l'a été avant moi ! Eh bien, misérable, obéis, puisque tu n'as pas assez de cœur pour briser une chaîne que tu hais !"
Afficher en entierLe même soir, Jules Lambert perdit son argent à l'écarté. Il se mit à danser. En dansant, il coudoya un homme qui, ayant aussi perdu tout son argent, était de fort mauvaise humeur. De là quelques mots piquants :
rendez-vous pris. Jules pria Saint-Clair de lui servir de second et, par la même occasion, lui emprunta de l'argent, qu'il a toujours oublié de lui rendre.
Après tout, Saint-Clair était un homme assez facile à vivre. Ses défauts ne nuisaient qu'à lui seul. Il était obligeant, souvent aimable, rarement ennuyeux. Il avait beaucoup voyagé, beaucoup lu, et ne parlait de ses voyages et de ses lectures que lorsqu'on l'exigeait.
D'ailleurs, il était grand, bien fait ; sa physionomie était noble et spirituelle, presque toujours trop grave ; mais son sourire était plein de grâce.
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