Extraits

Et la nature de l'homme n'est pas de ramper devant les tyrans, murmure Robert. Sans quoi nos genoux seraient couverts d'écailles ...

« Quand les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières. » À ces mots d’Oscar Wilde, j’ajouterai : ils exaucent nos prières, puis ils se ravisent et nous foudroient.

Quand on permet à ceux qui en sont exclus d'accéder à l'art et à la connaissance, on sème une graine de liberté qui peut les soustraire à la toute-puissance des tyrans.

Il songe que les corps sont faits pour aimer, et qu'on ne devrait pas avoir à choisir entre la liberté et l'amour.

Comme Jacques Prévert, il est révolutionnaire depuis l'enfance. C'est un sentiment viscéral, une révolte devant les injustices, une méfiance envers ce pouvoir politique qui escroque les faibles pour conforter ceux qui thésaurisent, pour qui les crises ou les guerres sont un jeu excitant, une opportunité de conquérir de nouveaux marchés.

La cour qui jouxte l'atelier est devenue le quartier général de tous les chats du voisinage. Il a adopté le tigré, Jules, et aussi la petite noiraude à gorge blanche et délicate. Il leur donne à manger quand il peut. Quand il n'a plus un sou, c'est la disette pour tout le monde, mais allez raisonner des chats. Ils miaulent toute la nuit à la porte.

" J'ai rêvé tellement fort de toi,

J'ai tellement marché, tellement parlé,

Tellement aimé ton ombre,

Qu'il ne me reste plus rien de toi.

Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres

D'être cent fois plus ombre que l'ombre

D'être l'ombre qui viendra et reviendra

Dans ta vie ensoleillée ....

"Une fourmi de dix-huit mètres,

Avec un chapeau sur la tête,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi trainant un char,

Plein de pingouins et de canards,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Une fourmi parlant français,

Parlant latin et javanais,

Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Eh! Pourquoi pas?"

Robert mesure la justesse de ces paroles. Il n’a jamais senti avec plus d’acuité que la vie et l’œuvre ne font qu’un, que c’est en s’alimentant l’une l’autre qu’elles deviennent fécondes.

Une maison magique appelle un rituel. Robert décide que le samedi sera dédié aux amis, qui viendront aussi nombreux qu’ils le souhaitent. Dans la grande salle à manger carrelée en noir et blanc, une longue table les attend, couverte de bouteilles de vin. Les invités apporteront quelques victuailles, et Youki et Robert se chargeront de concocter un plat roboratif. Robert, qui passe une grande partie de son temps à inventer des slogans, en a déjà trouvé un pour les samedis de la rue Mazarine: « Un samedi sans les Desnos ? ça gaze pas, y a un os! »