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Mignonne, allons voir si la rose
A Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
Afficher en entierQuand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre et fantaume sans os :
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.
Afficher en entierQuand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant ;
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de nom ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os,
Par les ombres Myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Afficher en entierJe vous envoye un bouquet que ma main
Je vous envoye un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies,
Qui ne les eust à ce vespre cuillies,
Cheutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de tems cherront toutes flétries,
Et comme fleurs, periront tout soudain.
Le tems s'en va, le tems s'en va, ma Dame,
Las ! le tems non, mais nous nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame :
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle :
Pour-ce aimés moy, ce-pendant qu'estes belle.
Afficher en entierPoème divers, XVI
Amour tu me fis voir pour trois grandes merveilles
Trois soeurs allant aui soir se promener sur l'eau,
Qui croissent à l'envie, ainsi qu'au renouveau
Croissent en l'orangés trois oranges pareilles.
Toutes les trois avaient trois beautés non pareilles:
Mais la plus jeune avait le visage plus beau,
Et semblait une fleur voisine d'un ruisseau, qui mire dans ses eaux ses richesses vermeilles.
Ores je souhaitais la plus vielle en mes voeux, ores la moyenne, et, ores toutes les deux:
Mais toujours la plus jeune était en pensée,
Et priais le soleil de n'emmener le jour:
car ma vue en trois ans ne su été lassée
De voir ses trois soleil qui m'enflammaient d'amour.
Afficher en entierOdelette à sa maistresse
Je veux aymer ardentement,
Aussi veus-je qu'egallement
On m'ayme d'une amour ardente :
Toute amitié froidement lente
Qui peut dissimuler son bien
Ou taire son mal, ne vaut rien,
Car faire en amours bonne mine
De n'aymer point c'est le vray sine*.
Les amans si frois en esté
Admirateurs de chasteté,
Et qui morfondus petrarquisent,
Sont toujours sots, car ils meprisent
Amour, qui de sa nature est
Ardent et pront, et à qui plest
De faire qu'une amitié dure
Quand elle tient de sa nature.
Afficher en entierMon ame vit en servage arrestee
Mon ame vit en servage arrestee:
Il adviendra, Dame, ce qu'il pourra:
Le cœur vivra te servant, et mourra:
Ce m'est tout un, la chance en est jettee.
Je suis joyeux dequoy tu m'as ostee
La liberté, et mon esprit sera
D'autant heureux, que serf il se verra
De ta beauté, des Astres empruntee.
Il est bien vray que de nuict et de jour
Je me complains des embusches d'Amour,
Qui d'un penser un autre fait renaistre.
C'est mon seigneur, je ne le puis hayr:
Vueille ou non vueille, il faut luy obeyr.
Le serviteur est moindre que le maistre.
Afficher en entierA Cupidon
Le jour pousse la nuit,
Et la nuit sombre
Pousse le jour qui luit
D'une obscure ombre.
L'Autonne suit l'Esté,
Et l'aspre rage
Des vents n'a point esté
Apres l'orage.
Mais la fièvre d'amours
Qui me tourmente,
Demeure en moy tousjours,
Et ne s'alente.
Ce n'estoit pas moy, Dieu,
Qu'il falloit poindre,
Ta fleche en autre lieu
Se devoit joindre.
Poursuy les paresseux
Et les amuse,
Mais non pas moy, ne ceux
Qu'aime la Muse.
Helas, delivre moy
De ceste dure,
Qui plus rit, quand d'esmoy
Voit que j'endure.
Redonne la clarté
A mes tenebres,
Remets en liberté
Mes jours funebres.
Amour sois le support
De ma pensée,
Et guide à meilleur port
Ma nef cassée.
Tant plus je suis criant
Plus me reboute,
Plus je la suis priant
Et moins m'escoute.
Ne ma palle couleur
D'amour blesmie
N'a esmeu à douleur
Mon ennemie.
Ne sonner à son huis
De ma guiterre,
Ny pour elle les nuis
Dormir à terre.
Plus cruel n'est l'effort
De l'eau mutine
Qu'elle, lors que plus fort
Le vent s'obstine.
Ell' s'arme en sa beauté,
Et si ne pense
Voir de sa cruauté
La récompense.
Monstre toy le veinqueur,
Et d'elle enflame
Pour exemple le coeur
De telle flame,
Qui la soeur alluma
Trop indiscrete,
Et d'ardeur consuma
La Royne en Crete.
Afficher en entierBien que les champs, les fleuves et les lieux
Bien que les champs, les fleuves et les lieux,
Les monts, les bois, que j'ai laissés derrière,
Me tiennent loin de ma douce guerrière,
Astre fatal d'où s'écoule mon mieux,
Quelque Démon par le congé des Cieux,
Qui présidait à mon ardeur première,
Conduit toujours d'une aile coutumière
Sa belle image au séjour de mes yeux.
Toutes les nuits, impatient de hâte,
Entre mes bras je rembrasse et retâte
Son vain portrait en cent formes trompeur.
Mais quand il voit que content je sommeille.
Moquant mes bras il s'enfuit, et m'éveille,
Seul en mon lit, plein de honte et de peur.
Afficher en entierComme un chevreuil, quand le printemps destruit
Comme un chevreuil, quand le printemps destruit
L'oyseux crystal de la morne gelée,
Pour mieulx brouster l'herbette emmielée
Hors de son boys avec l'Aube s'en fuit,
Et seul, et seur, loing de chiens et de bruit,
Or sur un mont, or dans une vallée,
Or pres d'une onde à l'escart recelée,
Libre follastre où son pied le conduit ;
De retz ne d'arc sa liberté n'a crainte,
Sinon alors que sa vie est attainte,
D'un trait meurtrier empourpré de son sang :
Ainsi j'alloy sans espoyr de dommage,
Le jour qu'un oeil sur l'avril de mon age
Tira d'un coup mille traitz dans mon flanc.
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