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« Pourquoi est-ce que la Beauté a créé les Belles ?
— Au commencement du monde, le dieu du Ciel est tombé amoureux de la déesse de la Beauté, ce qui n’était pas étonnant. Elle n’était pas seulement belle, elle était sublime.
— À quoi ressemblait-elle ?
— Elle changeait d’aspect. Un jour, elle pouvait te ressembler, un autre me ressembler à moi. Ça fascinait le Ciel. Il aimait toutes ses incarnations. Ça lui donnait l’impression d’être avec une nouvelle femme chaque soir. Il la voulait exclusivement pour lui, aussi lui a-t-il fait compliments et promesses, il l’a embrassée, et il lui a offert tout ce qu’elle désirait.
— Que voulait-elle ?
Maman me caresse la joue.
— De belles choses. Des nuages, le Soleil, la Lune. Et il a ordonné au dieu de la Terre de produire des fruits délicieux en son honneur.
— Les grenades, dis-je.
— Oui. (Elle enroule une de mes anglaises autour de son doigt.) Forte de son amour, la Beauté a donné naissance à tous les enfants d’Orléans. Elle consacrait ses jours à parfaire leur apparence, à les rendre uniques. Mais elle leur a consacré de plus en plus de temps, abandonnant son bien-aimé dans le ciel « avec lui.
— L’amour n’est pas une cage, ma chérie. Il ressemble davantage à un ballon-poste – lancé dans une direction précise, mais autorisé à emprunter le chemin de son choix.
— Un ballon-poste rouge, dis-je.
— Exactement, ma petite puce. (Elle pose un baiser sur mon nez.) Je continue ?
— Oui, s’il te plaît.
— La Beauté est retournée auprès de son mari, le cœur lourd, et elle s’est aperçue qu’il n’était pas triste : il avait déchaîné les cieux au-dessus d’Orléans pour l’attirer de nouveau à lui. Du coup, elle décida de le quitter. (Maman marque une pause pour donner plus d’impact à ses paroles ; j’écarquille les yeux.) Elle lui dit que son seul et unique amour était la beauté. Furieux, il maudit l’ensemble de leurs enfants. Il leur donna une peau semblable à un ciel sombre, des yeux couleur de sang, des cheveux de la texture du foin, et les condamna à une profonde mélancolie qui s’est changée en folie. Pour leur redonner leur aspect initial, elle aurait eu un sacré travail à effectuer. »
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