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L'été de cette année là garda quelque douceur grâce aux pluies atlantiques. Les feuilles deschênes conservèrent leur couleur jusqu'à la fin septembre, sans ces taverlures qui, d'ordinaire, leur biennent dès les mois d'août, au moment des grosses chaleurs. A force de se partager entre les truffières et les champs de la métairies, Melina était épuisée. Elle avait cherchée un ouvrier agraicole qui pourrait l'aider, mais Antoine Carc=sac lui avait conseillé de se contenter de Gabriel. Il craignait probablement la présence d'un homme en permanence à la métairie, surtout la nuit. Or Gabriel, lui, regagnati Salvignac chaque soir pour y retrouver sa famille.
Afficher en entierElle n'osa pas demander si son père, lui, allait guérir. D'ailleur, l'homme ne lui laissa pas le temps. Il ramassa les miettes de la main, les jeta dans le feu derrière lui, puis il se leva, et, sans un mot, ouvrit la porte et s'en alla. La petite le vit disparaître dans el echemin qui s'enfonçait dans el bois tandis que la nuit tombait déjà sur les collines. Elle trembalit. Elle aurait voulu se trouver à l'école, dans la compagnie des autres, élèves, entrendre les paroles rassurantes de la maîtresse et le ronronnement paisible du poêle au fond de la classe. Mais elle était seule dans les bois et elle n'entendait plus gémir son père. Elle n'entendait que le vent, et la pluie, maintenant, qui giflait les murs et les arbres dont la masse compacte et sombre semblait menacer la masion.
Afficher en entierLes feuilles des chênes s'étaient couvertes de cet or qui leur vient dans le déclin de l'automne et qu'aimait tant Jean Fontanel. Tenant toujours la petite par la main, Mélina s'arrêta devant l'un d'eux et parla à Mathilde de cet or comme l'avait fait son père, un matin d'hiver, sur la route de Sorges.
_ Tu n'oublieras pas? dit-elle. Même si tu en as pour de vrai un jour, tu te souviendras que c'est celui-là le plus beau?
_ Oui, fit la petite.
Dés lors, Mélina sembla considérer que sa tâche en ce monde était achevée.
Afficher en entier- Et comment voulez-vous que nous fassions ? fit la Miette, impatientée, le travail n'attend pas, lui.
- La mort non plus, rassure-toi, fit le médecin.
Afficher en entierIl faut me croire, Lina, c'est moi qu'elle aimait.
Afficher en entier- On ne peut pas élever un enfant sans le secours du Bon Dieu, disait l'homme en noir. Méfiez-vous qu'on ne vous la prenne pas pour la confier aux sœurs de Périgueux.
- Si le Bon Dieu ne m'avait pas enlevé si tôt ma pauvre femme, répondait Jean Fontanel d'une voix qui tremblait, vous ne me parleriez pas comme ça aujourd'hui. Quant à me prendre ma petite, s'il le faut, je la défendrai avec mon fusil.
Afficher en entierMélina tenait son mari par le bras, sur la banquette, tandis que Louis guidait le cheval. Mais, contrairement à ce qu'elle avait cru, Mélina ne reconnaissait rien de ce qu'elle avait découvert de chaque côté de la route lors de son voyage précédent: ni les champs, ni les arbres, ni les villages. c'était comme si le monde avait changé de couleur et de nature.
Afficher en entierMélina s'assoupit d'un mauvais sommeil qui la fit gémir plusieurs fois. Elle entendait le vent se débattre dans les solives du grenier. Elle brûlait de fièvre, ne savait plus où elle se trouvait, n'était que douleur.
Afficher en entierSur la fin de leur vie, ils ne se couchent que pour mourir, et souffrent en silence. La mort ne les étonne guère, puisqu'elle est dans la nature des choses et qu'ils l'ont vue à l’œuvre, souvent, sur leurs bêtes ou sur leur proches. C'est pourquoi leur dernier soupir révèle rarement des regrets : ils ont fait ce qu'ils devaient faire.
Afficher en entier- Cet hiver-là, la récolte fut bonne. Il avait plu en août et il n'avait pas fait trop froid depuis la Saint-Martin. Assez, cependant, pour éviter l'invasion des chenilles qui avaient fait tant de mal aux truffières lors de la Grande Guerre. De mars à juillet, Jean Fontanel avait pu procéder à l'élagage des chênes et ne s'était pas trompé dans l'éclaircissement. C'est là une opération risquée pour les trufficulteurs : quel arbre couper pour éviter l'excès d'ombre où le chevauchement des cercles de brûlures ? Le chêne producteur, en effet, est rarement celui que l'on croit, d'autant que la truffe se trouve toujours à la lisière du brûlé, souvent plus près d'un arbre qui, lui, n'est pas forcément contaminé.
- Mélina ignorait tout cela, encore, à cette époque, en ramassant la Noire, tandis que son père tenait à distance la truie trop gourmande. Il lui en donnait une de temps en temps, mais sa récompense ordinaire, chaque fois que l'animal avait désigné le bon endroit, c'étaient des grains de maïs. Il suffisait alors de creuser. Quel plaisir c'était, pour Mélina, de sentir sous ses doigts la chair grumeleuse, l'extraire de la terre, la respirer, la donner à son père qui la nettoyait prestement et la faisait disparaître dans la musette de toile bise qu'il portait sur son dos !
- Le mois de décembre n'est pas le meilleur mois de récolte : c'est en janvier que la truffe est vraiment mûre, qu'elle a le meilleur parfum, à condition que les gelées ne la saisissent pas. Alors, elle se désagrège et finit par pourrir. Mélina savait surtout qu'avant début de la grande récolte viendrait la Noël, et même si elle n'en parlait guère, elle ne cessait d'y penser. Car ils allaient par habitude veiller à le Méthivie, avant de se rendre à la messe de minuit à Salvignac en compagnie de Sauvinie.
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