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Lentement, Troïn baissa la tête et regarda ses mains. Le sang noir et visqueux qui maculait le fer de sa hache avait coulé le long du manche jusque sur ses doigts, en de sombres rigoles. Ce sang-là, au moins, était réel. Et ce n’était pas le sien. Du sang d’orc, écœurant. Chaque nuit, il en venait des milliers, comme si les Terres Noires pouvaient en vomir indéfiniment, et tandis que cette piétaille monstrueuse se répandait en hurlant jusqu’au pied des murailles, les gobelins avançaient leurs machines de guerre, toujours plus près.

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C’était très exagéré, sans doute, mais l’emphase était la base même de la courtoisie naine. — Je vous remercie, maître Baldwin… Je n’ai pas fait grand-chose, en vérité. Venez… Allons nous asseoir et vider une cruche. J’ai à vous parler

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Des cris d’alerte résonnèrent au même instant, d’un bout à l’autre du mur. Troïn ne prit pas le temps de réfléchir. C’était l’heure où les monstres se retiraient, et leur repli était immanquablement accompagné de volées de flèches, assez bien ajustées pour transpercer quiconque se montrait aux créneaux.

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Avec un hurlement guttural qui fit sursauter les guerriers de son escorte, le nain empoigna sa cognée, sauta à bas de son lit et quitta la courtine. Parvenu sur les fortifications, il s’immobilisa un bref instant, le temps de parcourir du regard la ligne de bataille, ou ce qu’on pouvait en voir dans la lueur indécise du petit matin. Confusion, désordre, où que portent les yeux…

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Troïn leva les yeux vers le ciel. Les fumées du combat s’amassaient au-dessus de la forteresse en une brume épaisse, où rougeoyait la lueur des flammes. Une brume de pierre incandescente, de métal en fusion, qui roulait contre les sombres parois du défilé et qui, sur une saute de vent, laissait parfois entrevoir un coin de ciel au-dessus de leurs têtes. Il ferait jour, bientôt. Les combats s’arrêteraient.

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« Que tous gardent la surface de cette terre à jamais »… Un dernier coup de bâton et Gwydion fit volte-face pour repartir aussi vite qu’il lui était possible vers Cill Dara, en remerciant les Mères que personne n’ait pu voir une telle horreur.

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Dìnris ouvrit la bouche pour protester, mais un simple regard de Gwydion le musela. Quelques ordres lui suffirent pour organiser le convoi du retour. Aucune parole n’avait été échangée, tout juste des regards qui disaient assez à quel point chacun des archers d’Eliande avait hâte de quitter cet endroit détestable. Bientôt, Gwydion resta seul, ainsi qu’il l’avait souhaité

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Sitôt que le forgeron l’eût débarrassé de son fardeau, Gwydion perdit pied, comme s’il avait usé ses dernières forces pour parvenir jusqu’en cet endroit et que ses jambes, subitement, ne le soutenaient plus. Durant un instant ses bras cherchèrent un appui et trouvèrent un tronc d’arbre auquel il s’agrippa pour ne pas s’effondrer

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L’herbe était devenue grise tout autour d’eux, les fourrés desséchés, les arbustes racornis, leurs branches nues et noires. Une odeur de plomb prenait à la gorge. Et de leur cercle cette abomination s’étendait comme une brume mauvaise, avec une lenteur inexorable. Dìnris gémit de douleur et chancela. Cette seule vision lui avait cinglé la peau comme une giboulée de grêle, crevassé ses lèvres et brûlait ses yeux

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Tout d’abord, les chants d’oiseaux s’arrêtèrent et un silence pesant s’installa, dans lequel chacun perçut les battements d’ailes des pies et des grives qui s’échappaient, les chardonnerets, les éperviers. Et le bourdonnement des abeilles et des mouches. La fuite silencieuse des fourmis, des vers et des araignées. Puis les broussailles s’agitèrent au passage des hérissons, lapins et mulots. La terre détrempée s’était asséchée, l’herbe commença à racornir. Dìnris s’était abrité derrière un charme à l’écorce rugueuse. Sous ses doigts, il la sentit se fissurer, et son oreille perçut les craquements de l’arbre dont la sève se tarissait.

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