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Elle demeurait prudente mais Januel avait perçu l’accent d’un encouragement comme si, de peur d’être obligée de refuser, elle l’invitait à poursuivre pour la convaincre du contraire.

— Je ne sais pas, j’ai peur, confessa-t-il. Me résoudre à vivre en toi… Savoir que mon corps va disparaître…

À son tour, il tentait de reculer mais sa décision était déjà prise au tréfonds de son âme. Son corps avait cessé depuis bien trop longtemps de lui appartenir. Son cœur ne battait plus, sa chair avait couvé le drame d’une bataille invisible entre sa mère et les Ondes.

Le précepte de l’Asbeste qui l’avait si souvent ému lui revint en mémoire.

Aucune braise ne mérite de s’éteindre.

Cette phrase n’avait jamais été aussi vraie. Les braises de son âme valaient bien qu’il renonce à son corps, à cette défroque qui lui inspirait depuis peu un véritable dégoût. Il songea à Scende. La peur qu’il éprouvait tenait dans le souvenir de leurs étreintes. Peur de ne plus pouvoir la prendre dans ses bras, de respirer le parfum de sa peau, de laisser ses doigts courir sur son ventre, sur sa nuque. Peur d’admettre qu’il acceptait déjà de s’y résoudre et que la perspective de revoir la Draguéenne dans le monde des rêves lui suffisait.

— Prends-moi avec toi, ordonna-t-il. Loge-moi dans ton cœur.

— Je… J’ignore si j’y parviendrai.

— Je prends le risque.

Il saisit sa main pour l’attirer contre lui. Ils se turent et demeurèrent ainsi, serrés l’un contre l’autre, jusqu’à ce que Symentz apparaisse soudain à la lisière de la clairière.

L’ombre du Basilic portait jusqu’aux pieds de la mère et du fils. Il s’immobilisa, un sourire pâle figé sur son visage de porcelaine.

— Nous approchons de la Charogne.

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Prologue

Le silence régnait sur la frontière qui séparait les Provinces-Licornes de l’Empire de Grif’. La rumeur sourde des caravanes marchandes s’était tue. Des routes qui se faufilaient entre les deux pays, il ne restait que des rubans noircis, des sentiers au parfum de cendre. L’empreinte de la Charogne avait marqué les dunes sacrées de longues balafres. Elles couraient comme des plaies à la surface du sable dont la teinte, louée jadis pour son éclat, était devenue terne et grisâtre. Aucune tribu n’avait pu empêcher l’hydre des Sombres Sentes de s’étendre au cœur des dunes antiques. Les digues invisibles que la magie licornéenne élevait à la faveur de la nuit tombaient les unes après les autres.

Deux Licornéens acceptaient encore de voir le soleil se coucher sur cette frontière funeste. Le plus âgé s’appelait Ezrah. Des rides profondes sculptaient son visage noir comme la suie. Ses cheveux blancs étaient rasés de près et ses yeux d’onyx fixés sur l’horizon turquoise du crépuscule. Sur son corps osseux, il portait un burnous de laine blanche au capuchon brodé de fils rouges. Ezrah était un Muezzin, un titre qui lui donnait le droit de chevaucher une Licorne, d’être l’âme de la tribu en partageant les joies et les peines du Féal.

Entre ses longs doigts parcheminés, il caressa les poils soyeux de sa crinière. En retour, la Licorne frémit dans l’obscurité naissante. Elle le toisait depuis ses quatre coudées et se distinguait, comme toutes ses congénères, par des pattes larges et poilues. Sa robe était couleur de cuivre, ses poils cramoisis et aussi doux que de la soie. Ses sabots, semblables à des diamants, racontaient une histoire, celle d’une harmonie entre le Féal et le sable licornéen qui lui permettait de galoper sans gêne à travers les dunes. Sur son front saillait une corne annelée et transparente comme du verre. À l’intérieur, plongées dans un liquide ambré, des veinules aux reflets violets oscillaient comme les branches d’un arbre. Son cavalier avait appris à comprendre les infimes nuances de ce tracé luminescent, à apprécier son éclat pour comprendre les émotions de sa monture.

La main d’Ezrah se posa avec délicatesse sur la corne pour goûter à sa fraîcheur. Il avait lié sa vie à celle du Féal. Il avait grandi à ses côtés, il avait attendu que les années tissent entre eux deux des liens sacrés comparables à l’amour. Il l’aimait de toutes ses forces, il vivait au même rythme que son cœur, il souffrait lorsqu’elle souffrait, il pleurait lorsqu’elle pleurait. Et les larmes, en ces temps funestes, coulaient en abondance.

Son regard s’abaissa et croisa celui de son fils : Souma, les bras croisés, regardait droit devant lui. L’adolescent défiait la nuit et, avec elle, l’avancée silencieuse des Charognards. Ezrah l’adorait mais il devait se refuser à l’aimer. En devenant Muezzin, il avait accepté de placer au-dessus de toute vie celle du Féal auquel il vouait son existence. Un verset des Basses Sourates effleura son esprit comme la brise : « La corne s’élève sous le soleil, tes proches n’en sont que l’ombre. »

Souma leva les yeux vers son père :

— Je veux me battre. Comme lui, là-bas.

— Je sais, fils.

Ezrah soupira. Son fils parlait du phénicier, un homme seul inspiré par les Ondes qu’on prétendait en mesure de défier et peut-être même de détruire le royaume des morts. Un temps, il avait refusé d’y croire mais le murmure des dunes ne trompait pas. L’espoir viendrait du nord, au-delà des mers taraséennes. Tandis que les tribus licornéennes refluaient devant la Charogne, un adolescent forgeait sa propre légende.

Ezrah ferma les yeux et adressa une prière silencieuse aux Prophètes pour qu’ils joignent leurs forces à celles des Ondes. Depuis plus de vingt lunes, le chant des Muezzins vibrait sur ce même credo afin que l’esprit des Premières Licornes consente à souffler sur l’Élu. Ezrah s’éclaircit la gorge. Il lui tardait de libérer sa voix pour qu’elle résonne dans la nuit.

La nuit.

Un souvenir glissa sur ses yeux noirs. Le souvenir encore cuisant de ces nuits glacées où ses frères mouraient debout pour endiguer le flot putride des Charognards. Il plissa les lèvres. Personne n’oublierait la beauté de leur sacrifice, la manière dont ils s’étaient battus pour permettre aux dunes les plus anciennes et les plus précieuses de fuir à l’arrière.

Des quatre coins du pays, des Cavaliers des Sables étaient venus en renfort pour les conduire à l’abri. On avait laissé mourir les plus jeunes et Ezrah maudissait cette loi implacable de la guerre qui l’obligeait à offrir à l’ennemi de jeunes dunes prometteuses pour protéger la retraite des plus vieilles.

Derrière lui, dans le sud, les Licornéens s’apprêtaient à livrer le combat d’une vie. Contre les murs écarlates de la capitale, les Cavaliers des Sables venaient échouer des dunes dont le savoir se confondait avec le Temps des Origines. Des vagues de sable qui traversaient le pays comme des torrents antiques.

Ezrah songea à la cruauté du destin. Un an plus tôt, la tribu et ses dunes s’étaient installées à la frontière de l’Empire de Grif ’ en vertu du code immuable des Provinces. D’ordinaire, cette époque-là était synonyme de fête. Les caravanes marchandes qui affluaient en masse sur les routes grifféennes payaient volontiers leurs taxes pour s’enfoncer dans le pays et rejoindre El-Zadin. Il y avait l’odeur des épices, de la sueur et des encens, les affaires scellées dans les vapeurs brûlantes du thé rouge, le ballet des chevaux qu’on vendait à prix d’or.

La Licorne s’agita, gênée par les relents de la Charogne. À quelques dizaines de coudées, dans le repli d’une dune, une oasis se mourait. Ezrah avait pourtant lutté deux nuits durant pour tenter de sauver les palmiers gangrenés. Veillé par la Licorne et son fils, il s’était ouvert les veines du poignet pour laisser son sang couler sur les troncs. Un sang violacé, aux couleurs de la mutation qui œuvrait à l’intérieur de son corps. Ce même sang que des Muezzins renégats déshonoraient en le vendant, comme un élixir, aux célèbres jardiniers de la noblesse grifféenne. Il savait ses jours comptés et n’avait aucun regret à abandonner ainsi le mince ruisseau de sa vie à la nature. Il avait failli mourir là-bas, trop faible pour mettre fin à son sacrifice. Il en gardait un souvenir confus. Le visage déformé de son fils penché sur le sien, le contact râpeux de la langue du Féal qui léchait ses plaies pour qu’elles cicatrisent… À la pointe du jour, Souma l’avait hissé sur ses épaules et emmené jusqu’à leur tente où il avait dormi jusqu’au crépuscule.

Il était revenu sur les lieux pour prier.

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Que je baisais ? Ne répète jamais ce mot-là en parlant de moi. N’essaye même pas de savoir ce que j’ai enduré. N’essaye surtout pas de comprendre comment j’ai souffert, à chaque étreinte. Tu crois peut-être que, sous prétexte d’être une Onde, je ne ressentais rien lorsque ces porcs me pénétraient et s’amusaient avec mon corps ? Tu crois que je me suis offerte avec plaisir, c’est ça ? Dans ses yeux, l’Onde rugissait en flots tumultueux. Elle attrapa sa main pour le forcer à se rasseoir 

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Ce souvenir jouait aussi dans ses cheveux. Elle le portait jusqu’au bas du dos, en boucles d’onyx où glissaient, comme des vagues, des reflets turquoise. Un bandeau de velours rouge les nouait au front et dégageait son visage que Januel redécouvrait. Il avait oublié ses rondeurs, ce nez fin et très légèrement retroussé, ces pommettes de porcelaine et cette bouche fine qu’il comparait, enfant, au croissant d’une lune. Elle riait toujours lorsqu’il s’inquiétait de la pleine lune à venir et qu’il la suppliait de ne pas regarder vers le ciel de peur que sa bouche ne s’agrandisse pour lui ressembler

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Januel reposa les yeux sur elle. Malgré ses réticences et la conviction qu’il s’agissait d’un reflet trompeur, il était incapable de nier son émotion. Désarmé par les aveux de son cœur, il ébaucha un sourire qui passait pour un premier pas. Sa mère le lui rendit et, pour la première fois, il accepta sa présence

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Ses souvenirs étaient confus. La foudre ne l’avait pas frappé avec violence, elle l’avait enveloppé, elle l’avait cueilli comme la main tiède d’un géant. Sa mémoire s’était figée à l’instant même où un torrent d’étincelles s’engouffrait dans son âme. Il avait entendu un cri, probablement celui du Phénix des Origines qui logeait dans son cœur. Puis le silence était revenu et il s’était évanoui

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Il parlait sans colère et Souma le savait. Mais c’était trop dur, trop humiliant de ne pas pouvoir contrôler ses émotions. Il ne voulait pas être un Muezzin mais un guerrier du désert. Il voulait s’asseoir auprès des Cavaliers des Sables, chevaucher avec eux les dunes de guerre qui engloutissaient leurs ennemis, sentir dans sa main le pommeau tiède des lames-licorne, apprendre à survivre dans les tempêtes de sable commandées par le souvenir des Origines. Se battre, préférer l’action aux lamentations, même sacrées. Sa voix pouvait trembler mais sa main, elle, devait rester ferme. Il accepta celle que lui tendait son père et se releva. Il ne pleurait plus

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Le Muezzin accorda sa prière aux tintements répétés qui s’élevaient à l’intérieur de la corne. Peu à peu, le sable déposé au fond se transformait en un liquide ambré. Une eau glacée, apaisante, semblable à un élixir. Un sourire pâle effleura ses lèvres lorsque, enfin, le sable disparut totalement. Il ne restait plus qu’une eau sacrée, une eau qui étanchait, depuis des siècles, la soif des Licornéens. — Bois, dit Ezrah en retirant la corne vissée dans le sable

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Il prit une profonde inspiration et modula, les yeux fermés, les premières notes de la prière de l’eau. Son chant s’éleva dans la nuit comme une lamentation. Il chantait sa colère, il chantait la beauté d’un M’Onde disparu, il chantait la mort de ses frères. Autour de lui, les dunes silencieuses écoutaient et frémissaient. Jamais auparavant, sa voix n’avait eu autant de conviction et son fils, d’ordinaire si détaché, crispa les poings, la gorge serrée par l’émotion

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Il n’avait pas pleuré à ce moment-là. Ni même lorsque son père, vaincu par la souffrance et arrivé au terme de sa mutation, avait tendu la main pour attraper celle de son fils et mourir au soupir suivant. Non, il avait pleuré en sortant de la tente, les bras jetés autour de la taille de sa mère lorsqu’elle lui avait caressé les cheveux et lui avait expliqué comment le sang de son père mêlé au sable accoucherait bientôt d’une nouvelle oasis, de quelques palmiers et d’une source d’eau pure où les membres de la tribu viendraient prier pour rendre hommage à leur Muezzin défunt. Ainsi s’exprimait la vie dans le désert des larmes

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