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Chapitre 43

Assise dans la neige, Kadija devait se résigner à l’évidence : sa sœur n’était plus.

Benjamin avait perdu sa trace un demi-siècle TT (temps terrestre) plus tôt, soit vingt années TT après son départ. Elle était restée en fréquence tribale au début, puis ses communications s’étaient brouillées, comme perturbées par l’atmosphère de la terre, et, après un dernier échange où elle avait tenté d’exprimer cette notion inconnue qu’était la souffrance, elle s’était définitivement tue.

La mort, pourtant, n’était pas inscrite dans le futur des Saints.

Kadija recevrait bientôt son nom d’Éternelle, mais elle s’était habituée à celui que lui avaient donné Ismahil et ses amis. Elle commençait de même à s’accoutumer à la souffrance – un concept absent de sa mémoire mentale et organique – qui la cernait à la façon d’une prédatrice omniprésente et tenace.

Souffrance physique d’abord, la gravité qui plaque au sol, qui sollicite sans cesse muscles, organes et nerfs ; souffrance morale ensuite, le frottement blessant avec les émotions, les sentiments, le passé des hommes. Bien que reliée en permanence à la fréquence de Benjamin, qui pouvait ainsi analyser ses réactions et lui proposer les réponses appropriées, elle se sentait coupée des siens, fragmentée, abandonnée. Elle se demandait si les onze tribus installées sur terre ou dans les profondeurs océanes éprouvaient les mêmes sensations qu’elle. Bien que le temps approchât du rassemblement des Saints dans leur nouvelle demeure, elle ne savait rien des autres tribus. Conformément aux préceptes de l’Eskato, elles avaient cessé de communiquer entre elles pour « poursuivre dans le silence l’œuvre de purification qui engendrerait des êtres irréprochables, dignes de l’arbre de vie ».

Pouvait-on réellement s’affranchir des lois de la Terre ? De cette course incessante contre le temps qui avait entraîné les hommes à leur perte ? Benjamin avait estimé que la sœur envoyée en reconnaissance soixante-dix ans TT plus tôt avait été victime de son manque de préparation, mais, même en jouissant d’une immunité renforcée, Kadija avait elle-même conscience de perdre un peu de son intégrité à chaque seconde qui s’écoulait. Elle ne s’était pas portée volontaire, car le concept de volonté, ou d’affirmation du moi, ne revêtait aucune signification au sein de la tribu, mais l’analyse avait montré que ses aptitudes génétiques en faisaient l’élément le plus qualifié pour partir à la recherche de la sœur disparue. Elle avait été installée, après une préparation méticuleuse, dans l’un de ces tubes à énergie solaire qui serviraient bientôt à conduire les Saints dans leur nouvelle et dernière demeure. Benjamin avait profité de l’occasion pour vérifier la fiabilité du système de transport qu’il avait mis au point en se servant à la fois de la science des hommes et de ses propres connaissances. En état cataleptique, elle n’avait gardé aucun souvenir d’un voyage qui avait duré trois jours TT selon sa chronologie interne. Lorsqu’elle s’était réveillée dans la demeure d’Ismahil et de ses amis, elle avait reçu un tel choc qu’elle s’était révélée incapable de réagir, de synchroniser ses ressources mentales et physiques. Allongée sur un matelas d’où montait une odeur oppressante, offerte à leurs regards comme les femmes de l’ancien temps soumises à la concupiscence des hommes, elle avait mis deux jours à s’adapter, à modifier son métabolisme, à se familiariser avec la gravité, l’épaisseur de l’air, la grossièreté vibratoire de ses hôtes humains, puis une semaine supplémentaire pour découvrir et maîtriser les fonctions principales de son corps écrasé par la pesanteur.

Une fois habituée à son nouvel environnement, elle avait capté la présence de sa sœur : une sourdine lointaine, un frémissement ondulatoire, un écho étouffé du chœur de Benjamin. Elles étaient marquées du même sceau et, bien qu’agressées par la densité de l’atmosphère, bien que séparées par l’espace et le temps, elles s’étaient aimantées comme deux particules de charge opposée assez puissantes pour s’attirer à des centaines de kilomètres de distance. Elle s’était mise en route, pressée de quitter la demeure souterraine d’Ismahil et de ses amis. Elle avait d’abord piqué tout droit vers la mer Méditerranée puis traversé le marais du littoral en direction de l’ouest.

Curieusement, elle avait pris goût à la marche, aux caresses de l’air froid sur sa peau, au spectacle envoûtant de l’eau calme et lisse qui reflétait nuages, soleil, sentiers et végétation. À cela non plus, elle n’avait pas été préparée. La beauté paisible du marais ne correspondait en rien aux images de destruction, de barbarie, de désolation, que sa mémoire gardait de la Terre.

L’empreinte ondulatoire de sa sœur s’était subitement effacée.

Alarmée, Kadija s’était immobilisée au milieu d’un sentier envahi d’herbes noires et était restée un long moment en symbiose avec Benjamin. L’analyse globale n’avait pas apporté d’élément nouveau, sans doute parce que la tribu était aussi perturbée qu’elle. Et puis, c’était à elle, l’envoyée, de prendre des initiatives, de surmonter les difficultés dont la fraternité, là-haut, ne saisissait pas toutes les données.

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Le camion s’immobilisa enfin dans un hurlement de freins torturés. Moram coupa le moteur, resta prostré un petit moment sur le volant, se redressa et constata que l’ensemble du convoi s’était arrêté sans autres dommages qu’un peu de tôle cabossée et de courts dérapages qui avaient imprimé un mouvement circulaire à certains véhicules et à leurs attelages.

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Moram avait inconsciemment relâché l’accélérateur, et les autres chauffeurs également, puisque aucun camion n’avait dépassé le sien. Solman repoussa Glenn, s’empara des jumelles et les braqua dans la direction du regard de l’ange. Les cercles grossissants errèrent un petit moment sur la neige avant de capturer une silhouette qui dévalait la pente de l’un des monts bordant le plateau.

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Solman se demanda où était passé Wolf. L’occasion ne se présenterait peut-être plus jamais de mettre un terme à leur discussion, de dissiper les dernières zones d’ombre, et il en concevait des regrets. Le chauffeur desserra le frein à main en secouant la tête d’un air abattu. « La vie est mal faite, bordel. J’ai eu toutes les autres femmes sans les vouloir, je veux Hora et je ne pourrai sans doute jamais l’avoir.

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Un ange identique à celui qu’il avait aperçu dans le cimetière d’épaves du bas de la ville fortifiée : même aspect androgyne, même vêtement informe et drapé qui tenait lieu à la fois de veste, de robe et de pantalon. N’était-ce la couleur de l’étoffe, d’un brun sombre qui tirait sur le noir, on aurait pu penser qu’il avait suivi une autre piste avec ses centaines de chiens pour attendre les Aquariotes à la sortie du labyrinthe souterrain, comme un chasseur dix fois plus perspicace et rapide que son gibier. Les animaux ne se pressaient pas, contrairement aux hordes sauvages ordinaires qui, stimulées par leurs instincts, perdaient tout contrôle à l’entame de la curée. Solman baissa les jumelles.

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Tu proposes une autre solution ? » Le chauffeur retira son bonnet et, du plat de la main, frotta un crâne qu’il n’avait pas rasé depuis plusieurs jours et qui, comme ses joues, se couvrait d’un gazon ras et rêche. « Il ne nous reste plus beaucoup de munitions, et, quand bien même, je ne suis pas persuadé que les balles arrêteraient ces putains de clébards… » Il fallait prendre une décision pourtant. Déployée sur toute la largeur du plateau, la meute avançait avec la force implacable d’une vague sombre. « Et puis, les idées, c’est ton rayon », ajouta Moram en lançant un regard de biais au donneur.

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Une bourrasque cinglante souffla l’espoir de Solman comme la flamme d’une bougie. Glenn, qui avait déniché des jumelles dans la boîte à gants de la cabine du camion, les lui avait aussitôt apportées, rechignant à les pointer lui-même sur la silhouette sombre qui avançait au milieu de la horde de chiens. Ce troupeau et son mystérieux berger effrayaient le garçon bien davantage que les rats du labyrinthe souterrain. D’eux se dégageait quelque chose de démoniaque, une détermination froide, calculée qui se lisait dans leur allure tranquille, dans la cohérence de leurs mouvements, dans le flamboiement de leurs yeux.

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Elle avait jugé qu’elle devait s’éloigner au plus vite de la caravane aquariote. Elle avait parcouru en courant la succession de grottes et la galerie qui donnait sur l’extérieur. Elle devait maintenant trouver un moyen de mettre le peuple de Solman à l’abri des anges de l’Apocalypse. Utiliser la parole au besoin, même si l’Eskato considérait la communication orale comme une erreur, comme une offense au silence majestueux de la Création. Car, telle était l’idée de Benjamin, telle était la raison de sa présence sur Terre, il ne fallait à aucun prix que les derniers hommes disparaissent avant le rassemblement des Saints. Or ces aboiements retentissaient comme autant d’appels à l’extermination.

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Les autres tribus n’ont pas suivi le même cheminement, sans doute parce qu’elles n’ont jamais quitté l’atmosphère terrestre. Elles ont capté la fréquence de notre sœur disparue et se sont servies d’elle pour accélérer l’Apocalypse, l’œuvre de purification. Est-ce qu’elles se servent aussi de… ma fréquence ?

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Solman l’entraînait irrésistiblement sur la pente humaine, dans la spirale fatale du temps. Au bout, il y avait le néant, la mort, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Or elle avait parcouru le chemin de l’immortalité, comme tous les Saints, comme tous les Justes de l’Eskato, elle vibrerait bientôt avec le chœur secret de l’univers, elle brûlerait du feu infini qui sous-tendait la Création. Pourquoi Benjamin lui avait-il imposé cette épreuve ?

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