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De la sueur lui coula dans les yeux quand il leva le sabre, si haut que son bras lui fit mal. La fumée lui brûla les poumons. Puis la soif de sang le submergea quand, de sa main libre, il empoigna les cheveux de sa victime. Il contempla ce cou parfait, enserré par le collier étrangleur.
Il bandait, c’était dur à en avoir mal. Il aurait tant aimé
plonger en elle, goûter à son corps avant de l’absoudre pour ses péchés. Mais ce n’était pas sa mission. Se priver de tels plaisirs était son propre martyre.
— Pour tes péchés, Cécile, et au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je remets ton âme à Dieu.
Afficher en entier— Pardonnez-moi, mon père, parce que j’ai péché, chuchota la femme nue.
Avec le collier qui lui enserrait le cou, elle ne pouvait pas parler fort. Elle était à genoux, enchaînée à la colonne du lavabo, et visiblement elle n’avait toujours pas commencé à
mesurer l’ampleur de ses péchés ni la raison pour laquelle elle était punie, ni le fait qu’il était en train de la sauver.
— Dis-moi, chuchota l’Elu. Quels péchés?
— Tous… tous…
Les yeux exorbités, elle tentait de réfléchir, mais elle n’était pas dans la repentance. Elle avait juste peur. Elle espérait pouvoir le convaincre de la libérer. Les larmes ruisselaient sur ses joues.
— … tous mes péchés, balbutia-elle, au désespoir.
Elle essayait de lui faire plaisir, sans savoir que c’était impossible. Que son destin était déjà scellé.
Elle tremblait de peur et de froid, mais cette situation allait bientôt changer. De la fumée avait commencé à s’infiltrer dans la minuscule salle de bains, par le conduit d’aération.
Les flammes allaient suivre très vite. Le temps pressait.
— Je vous en supplie! implora-t-elle. Laissez-moi, pour l’amour de Dieu!
— Que sais-tu de l’amour de Dieu? répliqua-t-il d’un ton brusque.
Puis, maîtrisant sa colère, il posa une main gantée sur la tête de la femme, comme pour l’apaiser. A travers la vitre brisée de la fenêtre, il entendit la pétarade d’un pot d’échappement dans la rue glaciale. Il devait en finir. Maintenant.
Avant que le feu n’attire l’attention.
Afficher en entierOlivia n’aimait pas cet avocat. Elle ne l’avait jamais aimé. Elle n’arrivait pas à comprendre comment sa grand-16 mère, Grannie Gin, avait pu faire confiance à un type aussi véreux. Ramsey John Dood, qui aimait à se faire appeler
RJ, était un petit homme dodu aux manières doucereuses insupportables.
— … la succession est donc réglée, les honoraires et les taxes perçus, et tous les héritiers ont reçu leur part. Si vous voulez vendre la maison, c’est le moment.
Ramsey John rapprocha ses mains potelées l’une de l’autre et tapota le bout de ses doigts. Dans son dos, prisonnière derrière les stores de l’unique fenêtre du bureau à l’atmosphère confinée, une mouche bourdonnait de frustration en se cognant contre la vitre.
— Je ne suis toujours pas certaine de vouloir déménager.
— Eh bien, si vous vous décidez, je peux vous mettre en relation avec un excellent agent immobilier.
« Ça, je m’en serais douté! » pensa Olivia.
— Wally est un fonceur.
— Je vous préviendrai, promit-elle en se levant soudain.
Il s’agissait pour elle de mettre fin à cette conversation, mais aussi de dissimuler le fait qu’elle mentait. Jamais de la vie elle ne confierait le moindre travail à un associé de
RJ Dood.
Il haussa les épaules, comme si ça n’avait pas d’importance, mais Olivia perçut sa déception. Il devait toucher une commission à chaque nouveau client pris au piège.
— Merci pour votre aide, lui dit-elle.
— Mais je vous en prie.
Elle lui serra la main, une main molle et moite.
Sa grand-mère avait le don pour repérer un escroc à des kilomètres. Comment avait-elle pu se laisser embobiner par ce serpent? La réponse était évidente : parce que ses honoraires étaient faibles. RJ était aussi le neveu d’une des amies de Grannie.
— Un détail me trouble, si je puis me permettre, déclarat-il en se levant avec effort.
— Quoi donc?17
— Comment se fait-il que vous ayez hérité de la maison, alors que votre mère n’a eu que l’argent de l’assurance?
— Vous êtes l’avocat. C’est à vous de me le dire.
— Virginia ne m’aurait jamais confié une chose pareille.
Olivia lui sourit avec lassitude. Il cherchait à lui faire dire quelque chose, mais elle ne voyait pas ce dont il s’agissait.
— Peut-être que j’étais la préférée de Grannie?
L’avocat fronça les sourcils.
— C’est peut-être ça, oui. Je ne la connaissais pas très bien — juste assez pour me rendre compte qu’elle était un peu… étrange. Certaines personnes, par ici, racontent que c’était une prêtresse vaudoue. Qu’elle lisait l’avenir dans les cartes de tarot, les feuilles de thé et autres. Qu’elle avait des dons extrasensoriels, en somme.
— Mais il ne faut pas croire tout ce que l’on entend, n’est-ce pas? répliqua Olivia, impatiente de changer de sujet.
— On dit qu’elle vous a également légué ses dons.
— Que voulez-vous savoir, au juste, monsieur Dood?
Si je suis médium?
— Appelez-moi RJ, lui dit-il avec un grand sourire. Il ne faut pas vous mettre en colère. C’était juste histoire de bavarder.
— Pourquoi ne posez-vous pas toutes ces questions à
ma mère?
— Bernadette affirme qu’elle n’a hérité d’aucun don.
— Oh! Je vois… Ça saute une génération, bien sûr.
Olivia sourit, comme pour signifier que seul un idiot pourrait croire de telles âneries. Et, pourtant, elle était mieux placée que quiconque pour savoir combien elles étaient fondées. Mais cela ne regardait pas Ramsey Dood, voilà tout.
Il contourna son bureau avec une rapidité et une agilité
surprenantes pour un homme de sa corpulence.
— Ecoutez, j’aimerais juste vous donner un conseil.
Gratuit.
Il avait perdu de son assurance, tout à coup.
— Je sais tout le bien que votre grand-mère pensait 18 de vous. Je sais aussi que… qu’elle n’était pas une femme comme les autres et qu’à cause de ses visions beaucoup de gens la trouvaient bizarre. Certaines personnes, néanmoins, lui faisaient une confiance aveugle. Ma tante, par exemple.
Mais d’autres étaient persuadées qu’elle pratiquait la magie noire ou bien qu’elle était folle — voire les deux. Ça ne lui a pas facilité la vie. Alors, si j’étais vous, je ne dirais pas un mot de ces histoires de visions.
— Je m’en souviendrai.
— S’il vous plaît, oui.
— Autre chose? demanda Olivia.
— Non. C’est tout. Soyez prudente.
— Entendu. Et merci encore pour votre aide.
Elle glissa dans son sac à dos le dossier qu’il lui avait remis.
— C’était un plaisir, assura-t-il. Et si jamais vous décidez de vendre la maison, passez-moi un coup de fil. Je demanderai à Wally de vous appeler…
Sans attendre qu’il l’accompagne jusqu’à la porte, elle rejoignit la réception, où une secrétaire semblait s’ennuyer ferme. Sur les trois bureaux de l’étage, seul celui de Dodd
était utilisé. Les deux autres étaient vides. Les plaques, sur les portes, avaient été retirées.
Olivia traversa le parking et grimpa à bord de sa camionnette. RJ savait donc qu’elle était allée voir les policiers à
cause de ses visions. Super! Dans peu de temps, toute la ville serait au courant, à commencer par sa patronne du
Troisième Œil, et les gens de l’université où elle suivait des cours.
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