Extraits

Le Lion prétentieux

Un Lion vantait sa force et son courage

Devant une assemblée d'animaux :

« J'ai subi tous les maux,

Mais j'ai toujours combattu avec rage,

Et nulle blessure n'a pu me faire succomber :

Il n'est pas né celui qui me fera tomber !

Il y a peu encor, d'un seul rugissement,

Je fis s'enfuir un jeune adversaire ;

Qu'on se le dise : du bon sentiment,

Je ne suis l'émissaire. »

Un Corbeau, qui était en fort contentieux

Avec ce vil prétentieux,

Dit à tous : « Que voici un bel héros !

Il ne montre ses crocs

Que fasse aux faibles, aux petits et aux peureux,

Et il en est heureux !

Dites-moi, Ô Roi, fit-il encor au Lion,

Le bec armé pour la rébellion,

Qu'y a-t-il donc de courageux

À occire des lionceaux,

À attendre dans un coin ombrageux

Que vos femelles vous déposent des morceaux

De gnous ou de pourceaux ?

Le brave ne sait subsister

Que si quelqu'un peut l'assister ! »

Le Lion baissa son visage tomenteux

Et quitta l'assemblée sous les huées, honteux.

Les actes blessent souvent moins que certains mots,

Qu'ils viennent des hommes instruits ou des sots !

Le Curé et la Mort

Un Curé, en plusieurs décennies,

Avait enterré de nombreuses vies.

Il était un jour

Où ce fut son tour :

La Mort vint en personne.

« Que Dieu me pardonne,

Fit le Ministre

À l’apparition sinistre,

Cela me semble fort prématuré,

À votre article je ne suis pas encore.

Tout au long de ma vie, j’ai été mesuré

Et nulle maladie ne me dévore ;

Envers mon dieu, j’ai été respectueux,

Je n’ai pas manqué de vertu

Et comme je ne suis pas si vieux,

Pourquoi m’apparais-tu ? »

La Mort de lui répondre d’un ton noir

Qui ne laissait aucun espoir :

« Car c’est ton heure !

– N’as-tu point à visiter une autre demeure ?

Dit le Curé avant de réfléchir ;

Sans réponse, il prêcha pour la faire fléchir.

– Il suffit ! on ne négocie pas avec moi !

C’est ainsi, de ton Seigneur j’applique la loi.

Que vous êtes une race ingrate !

Pourquoi repousser le moment, homme de foi,

En me poussant à tort vers un autre que toi ?

– Eh, scélérate !

Car on préfère te voir chez l’autre que chez soi ! »

Écoutez cette fable en version audio https://youtu.be/bIMoQaD33Ro