Extraits

La plus grande faiblesse des humains n’était pas leur corps, comme il l’avait pensé : non, c’était ce qu’ils appelaient «passions » ou « sentiments », et dont ils semblaient esclaves.

Estelle s'arrêta, à bout de souffle. Elle était aveuglée par la lumière et sans voix. Une seconde plus tôt, elle était à Nérida; Elle courait en portant Kaliko, aidée par Leya, et c'était la nuit. Et voilà qu'elle se retrouvait sur une île tropicale, inondée de soleil et battue par le vent! Elle et Leya tenaient toujours Kaliko dans leurs bras.

Pour une raison qu'elle ne parvenait pas à expliquer, Estelle Gray n'était jamais à l'heure. Et ce soir-là, elle était même méga en retard. Pour le dîner. Et pour son rendez-vous "chat" avec Kaliko.

"Si maman ne remarque rien, promis, je fais mon lit pendant un mois !", pensa-t-elle en sautant de sa bicyclette.

Manque de chance, dans sa hâte pour la garer, elle la fit tomber. Et, bien sûr, son guidon alla se coincer dans la roue de la bicyclette voisine.

"Tu parle d'une poisse !" jura Estelle, en essayant fébrilement de dégager son vélo.

.......

Immobile à son bureau, Kaliko regardait dehors par la fenêtre, bouche bée.Le spectacle était incroyable! Un changement sur l'écran attira son attention le message d'Estelle venait d'arriver.

ESTELLE: Une aurore boréale ici? Tu crois que c'est possible?

— Le sens-tu ?

— Quoi, Mère ?

— Un pouvoir énorme.

— Est-ce qu’il peut nous être utile ?

— Autant que la liberté

Là, il abandonna son évanescente forme de brume. Les éclairs s’éteignirent,et son corps se fit de chair et d’os. Il choisit une physionomie qu’il avait entrevue dans l’esprit de l’humaine. Lorsque la transformation fut accomplie, des milliards de sensations inconnues l’assaillirent, à commencer par les odeurs qui régnaient dans la baraque. Son nouveau corps y réagit par un dégoût que Nagan n’avait jamais éprouvé, et qui l’obligea à sortir. Dehors, il découvrit comment les humains percevaient le monde. Il vit tout comme jusque-là il n’avait vu que Kaliko : en couleurs. Il vit le bleu de la mer se perdre dans l’azur du ciel. Cela le bouleversa. L’instant d’après, il découvrit le sens du toucher. Les Haruda ne connaissaient rien de semblable ! Nagan observa ses mains et les frotta l’une contre l’autre, ce qui lui donna des frissons. Comment les humains pouvaientils supporter ces agressions permanentes du monde extérieur ?

— Et ton père, qu’est-ce qu’il fait ?

C’était déjà la dix-huitième question de Mme Serrano, qui était frustrée que

Kaliko ait éludé les dix-sept premières.

— Il travaille.

— Et plus précisément ? insista Mme Serrano, visiblement agacée.

— Il travaille beaucoup, précisa Kaliko en espérant que Leya et Estelle n’étaient pas en train de se crêper le chignon.

— Et au lycée, tu marches bien ?

— Pas mal, mais je préfère y aller à vélo, répondit Kaliko