Les Libertines, plaisir et liberté au temps des Lumières

Pour déterminer avec le plus de précision possible ce que recouvrait, en réalité, le libertinage au féminin, nous avons donc procédé à quelques reconstitutions biographiques permettant de profiler dans leur spécificité amoureuse mais aussi économique, politique, et mondaine, les femmes qui, à la veille de la Révolution, passaient pour libertines.

Première constatation, le mot ne se superpose pas à sa version masculine. Les enjeux des libertines ne sont pas ceux des libertins mâles, et leur état d’esprit n’était pas le même. Leur projet ne se limitait pas au contrôle de leur propre sexualité car le champ de leur conquête était infiniment plus vaste. Elles cherchaient à se donner les moyens de leur indépendance et, en dépit des pesanteurs et des obstacles de toutes sortes, aboutissaient à former une nouvelle espèce de femmes, autonomes, maîtresses de leurs choix et ne laissant personne décider en leur nom et place. L’amour pour elles ne se réduisait donc apparemment pas au mariage, à la procréation et à la vie domestique perçus comme un enfermement. Dégagées des tutelles traditionnelles — paternelle, conjugale ou religieuse — , les libertines entendaient au contraire profiter d’une liberté parfois chèrement acquise et que 1789 semblait devoir consacrer.