Extraits

Elle but son café très lentement, comme si elle tentait d’ingurgiter à petites doses la réalité de sa nouvelle existence. La pièce sentit le tabac froid et le feu de bois. Accrochée au mur, une pendule aux aiguilles immobiles avait perdu le fil du temps. Elle réalisa soudain qu’elle n’avait pas du tout envie de mourir. Elle avait lu quelque part que pour soigner les dépressifs, on les faisait sauter à l’élastique parce que voir la mort de près permet de redonner le goût à la vie.

Morts ou vivants, les hommes de la mafia étaient d’éternels absents, des sortes de fantômes qui planaient sur les maisons luxueuses.

Passant la cinquième, elle se dit qu’elle méritait de se faire descendre. Elle avait aimé un homme sans éthique, profité de son argent sale et mené une existence oisive, toujours fourrée dans les salons de coiffure, les musées, les hippodromes et les restaurants

Quand on se sépare, on s’aperçoit qu’il y a une foule de choses banales qu’on ne sait plus faire car la vie en couple nous a amputés d’une partie de nos compétences.

– On pourrait demander à ses hommes de se relayer à son chevet, proposa Alessia.

– Tu parles d’un soutien, objecta Michèle. Ils n’ont aucune conversation et ils seraient capables de jouer aux cartes en se servant de son ventre comme d’une table de tripot

On peut lutter contre tout, sauf l’instinct maternel.

Bien sûr, il y a des gens dans des situations plus dramatiques. Il y a toujours pire que soi, et le savoir est un moyen typiquement humain de se réconforter.

Elle s’aperçut qu’elle continuait d’entretenir leurs anciennes querelles. Peut-être que les vieux couples ne changent jamais de disque et que, sur les tombes, les veuves font éternellement les mêmes reproches à leurs maris

– C’est la première fois qu’on me drague avec un poulet. Contre toute attente, ça marche assez bien.

– Une technique vieille comme le monde. Les hommes préhistoriques faisaient comme ça.

– Sans blague ! Ils draguaient avec des poulets ?

– Ils offraient de la viande aux femmes. Aujourd’hui, elles préfèrent les bouquets de fleurs et les sacs à main. S’il suffisait de passer chez le boucher avant un rancard, ça nous faciliterait pourtant la vie.