Ajouter un extrait
Liste des extraits
Jérem renverse la tête en arrière avec un faux râle extatique qu’il espère convaincant, tout en empêchant sa perruque de tomber, d’un bras jeté derrière la tête comme dans un spasme de jouissance. Entre ses paupières mi-closes, il voit la tête brune de Thémin qui bouge dans son entrejambe. Il lui aurait bien dit de faire semblant, comme lui, mais l’angle sous lequel les a disposés le client ne permet pas cette supercherie-là. Le client veut les voir clairement, le corps mince et anguleux de Thémin, sa bouche sur le membre dressé, et lui, à demi assis, à demi couché sur ce divan, vêtu comme elle d’une simple chemise, relevée jusqu’au torse. Et coiffé de cette absurde perruque noire et bouclée. C’est toujours la même mise en scène. Le client n’a même plus à les disposer à son goût, ils s’installent d’eux-mêmes.
Sur le lit, à leur gauche, l’homme a bien du mal à conclure, comme d’habitude. Il s’acharne sur Sèlna, qui subit tant bien que mal ses coups de boutoir, en appui sur bras et jambes. Elle se retient de gémir, la pauvre. Il lui a interdit d’émettre un son. Elle pourrait aussi bien, il ne l’entendrait sans doute pas, à travers ses propres grognements – plutôt des grondements, du fond de la gorge. Il ne la regarde pas. C’est Thémin et lui qu’il regarde, l’œil fixe, la bouche distordue par une grimace. Pas de plaisir ici. Colère, souffrance ? De fait, ce n’est pas Thémin qu’il regarde. Il l’a de toute évidence choisie pour son absence de courbes, son corps adolescent à peine nubile. C’est lui, Jérem, qu’il regarde. Ou plutôt l’homme auquel il est censé ressembler avec cette perruque. Un jour viendra-t-il où le Croisé osera, où il se passera de Thémin comme de Sèlna, où il ne demandera que lui ? Peut-être. Et alors, après, il le tuera, pour expier son péché dans un sang qui ne sera pas le sien. Peut-être même qu’il se confessera ensuite. C’est un Christien.
Jérem pose une main sur la tête de Thémin et, à ce signal convenu, elle se redresse, laissant sa main remplacer sa bouche sur le vit luisant, en appui sur un coude, pour laisser la vue libre au client. La première fois, elle était inquiète : il était resté ainsi pendant toute la séance, sans jamais jouir. La petite était une nouvelle, elle n’était pas au courant de ses talents particuliers.
Afficher en entier