Extraits

- L'empereur va sur ses six ans, déjà. Le temps est comme le vent sous ses ailes de dragon. Il le porte vers un règne sans partage. Et alors...

- On n'arrête pas le vent...

- Alors faisons en sorte qu'il nous soit favorable.

- Où reste l'impératrice Ci'an ?

- Elle ne viendra pas, Majesté. La vue du sang lui soulève le cœur. Dix exécutions en deux jours, c'est beaucoup pour son âme sensible...

- La pauvre chérie...

- Dis donc, tu as pris goût au pouvoir, on dirais.

- Je suis la Chine. Elle m'a faite... Elle ne peux me survivre.

- Le temps passe plus vite qu'on le croit… À ce sujet, rappelle-toi que tu as promis de me confier son éducation.

- Qu'as-tu derrière la tête ?

- Mais rien d'autre que le préparer au rôle important qui l'attend, ton altesse !

- C'est à dire ?

- Une marionnette entre nos mains, un pion sur notre échiquier, le paravent derrière lequel nous avançons…

- Il y a quelque chose de terrifiant dans ta capacité à rendre le mal acceptable.

- Le mal ne se justifie que si on sait pourquoi on l'emploie… Et toi et moi nous le savons depuis des années, non ?

- Des nouvelles de l'Empereur ?

- Non, Madame…

- Ne vous faites aucune illusion, l'Empereur ne remontera jamais sur le trône. Sa santé est de plus en plus chancelante.. Vous pouvez être fière de votre œuvre, Madame.

- Comment ?! C'est impossible…

- Le conseil de régence a considéré que votre influence pernicieuse sur cette âme faible a gravement contribué à la détérioration de sa santé mentale et physique.

En conséquence, vous êtes répudiée et assignée à résidence.

- Quel conseil de régence ?! J'exige de le rencontrer.

- Vous l'avez devant vous, satisfaite ?

- Quel enfant délicieux ! Et combien il t'aime !

- Je n'ai pas besoin de son affection. Qu'il me craigne me suffit amplement.

- L'Empereur ne va pas tarder ! Je suis certaine qu'il a été retenue !

- Bien sûr... Retenu nous savons par quel bout de son anatomie !

- Ma sœur !

- L’Empereur néglige les affaires du pays pour se vautrer dans la luxure ! Depuis combien de temps n'a-t-il plus assisté au Conseil des Ministres ?

- Ils viennent juste de se marier !

- Il y a plus de six mois !

- Quand je t'ai appris les milles usages de la plume de paon, je ne me doutais pas que tu en créerais de nouveaux. Tant de perversité dans un corps aussi gracile...

- Les hommes sont étranges... Vous nous demandez d'être inventives, mais vous vous offusquez quand nous dépassons vos attentes les plus folles...

- L'homme n'aime pas être le jouet de ses désirs.

- Les Mandchous sont une race décadente. Tout l'Empire est gangrené par la corruption et l'incompétence. Mon armée est ridiculisée par une jacquerie de paysans illuminés !

- Euh... Je te rappelle que tu es mandchoue, ta splendeur...

- Je n'en suis pas aveugle pour autant. Tu as beau être eunuque, tu n'en est pas moins homme...

- Tu es sibylline, illustrissime...

- Tu es un Han. Un rustaud de la campagne. Prêt à tout pour assouvir tes envies. Les Mandchous sont eunuques de naissance. Leurs œufs se sont desséchés dans leurs bourses... Même le souvenir des tiennes les surpasses en puissance et en volonté. L'Empire a besoin de sang frais et de sève bouillonnante.

- Je peux t'aider pour le sang frais, je ne garantis rien pour la sève bouillonnante...

- Qu'as-tu derrière la tête, mon beau chapon à l'esprit retors ?

- Le fils du ciel ne t'aime pas et le laisser fourré dans les jupes de ses nourrices aimantes et de la douce Ci'An n'amélioreront pas ta popularité auprès de lui...