Extraits

– Elle ne me pardonnera jamais… pas après tout ce que j’ai fait, soupira-t-il. Non seulement j’ai déserté en pleine bataille, mais en plus elle doit savoir que je lui ai volé un œuf pour la prophétie.

– Tu pourrais être surpris par sa réaction, affirma Crocodile. Elle est bien censée être la plus grande reine de tous les temps, non ? C’est ce que prétendent tous les parchemins des Ailes de Mer en tout cas. Peut-être te pardonnera-t-elle. Pourquoi ne pas tenter ta chance si ça te permet de retourner parmi les tiens ?

Palm ne répondit rien. Une des trois lunes s’élevait dans le ciel, faisant scintiller ses écailles bleu-vert. De là-haut, il apercevait l’océan au loin, mais il lui semblait aussi inaccessible que la lune elle-même.

– C’est à toi de voir, fit Crocodile en s’éloignant. Je te répète juste ce que j’ai entendu dire. Bonne chance, en tout cas.

– Bonne chance à toi aussi ! lui lança Palm.

Il la suivit du regard tandis qu’elle s’engouffrait dans la forêt, en se demandant où elle pouvait bien aller maintenant. La mer lui manquait, il le ressentait dans toutes les écailles de son corps. Les palais, les courants, le chant des baleines, les banquets, les jardins lui manquaient… et par-dessus tout la compagnie des autres Ailes de Mer.

« Puisque les Serres de la Paix ne veulent plus de moi… Si je lui promets d’être courageux, désormais… je pourrais peut-être rentrer à la maison. »

Mais tandis que la reine Corail sortait de l'eau, Tsunami remarqua qu'elle portait une sorte de harnais tressé, attaché à une longue corde, qui la reliait à un harnais plus petit... et à une créature voletant juste derrière elle !

Cette jeune dragonnette, qui ne devait pas avoir plus d'un an, battait frénétiquement des ailes pour suivre la reine. Tsunami se figea en reconnaissant le motif royal sur la face interne de ses ailes.

-Qui est-ce ? siffla-t-elle.

Naufrage, qui avait légèrement reculé pour s'éloigner du trône, eut l'air surpris.

-C'est Anémone, votre soeur.

-Vous devriez peut-être m'emmener dans un endroit où je pourrais attendre ma mère tranquillement, lui souffla-t-elle à voix basse ou du moins qu'elle croyait basse, mais qui réverbéra sur le lac.

Nouvelle vague de murmures. Tsunami regretta de ne pas avoir le pouvoir de lire dans les pensées comme les Ailes de Nuit.

Naufrage fit clignoter sa queue et fila vers le haut, en direction d'un trou dans le plafond du tunnel, no loin de l'entrée.

Tsunami fut surprise que sa tête émerge de l'eau aussi vite. Elle s'attendait à devoir nager davantage.

-Et vous, qui êtes-vous ? le questionna-t-elle.

naufrage serra les dents.

-Voici Requin, commandant de la garde, responsable de la défense du palais, et frère de la reine.

-Ah oui, vraiment ? fit Tsunami en adoptant délibérément un ton encore plus insolent et condescendant que celui de Requin.

Elle n'allait pas commencer a vie parmi les Ailes de Mer en se faisant malmener par le premier soldat venu. Même si c'était son oncle.

Les yeux de Requin s'enfoncèrent presque jusqu'à disparaître sous ses écailles.

-Et qu'est-ce qui te fais croire que ce brouillon de dragonne vient d'un oeuf dérobé dans la nursery royale ?

-Parce que vous vous faites voler beaucoup d'oeufs ? s'étonna Tsunami. Alors c'est sans doute la personne qui est chargée de la surveillance du palais qui ne fait pas bien son travail ? Oh, mais attendez... c'est vous, non ?

-Son récit est vraisemblable, insista Naufrage, au désespoir. Elle est au courant pour... pour Palm. C'est lui qui l'a élevée. Et regardez le motif lumineux sous ses ailes.

-Personne n'a pensé qu'il a volé l'oeuf pour accomplir la prophétie ? s'enquit Comète.

Naufrage hocha la tête.

-Si, certains d'entre nous. Mais, encore une fois, personne n'en parle. la reine Fièvre n'aime pas qu'on évoque la prophétie, c'est un sujet tabou.

Tsunami plissa le museau.

-Parce que c'est Fièvre qui décide de quoi les Ailes de Mer ont le droit de parler ?

Naufrage se balança d'une autre sur l'autre, mal à l'aise, et ramassa un gris coquillage qu'il fit tourner distraitement entre ses serres.

-Si un jour vous la croisez, je vous jure que vous préférerez l'appeler reine Fièvre, commenta-t-il.

-Si et seulement si nous la désignons comme reine, répliqua Tsunami. C'est à nous que revient la décision, je vous rappelle.

-Qui êtes-vous ? la questionna-t-il d'un ton sec.

-Une Aile de Mer, tout comme vous, alors pas la peine de s'énerver.

-Une Aile de Mer qui ne parle pas aquatic ? gronda-t-il. Impossible ! Qui êtes-vous vraiment ? Comment avez-vous réussi à prendre l'apparence d'une dragonne de mer ?

Le pouls de Tsunami s'emballa.

"L'aquatic ? Les Ailes de Mer possèdent donc leur propre langue ?"

Evidemment.

Tsunami commençait à fatiguer, elle étendit donc ses ailes à plat pour flotter à la surface, non loin du rivage.

Dans l'ombre du récif de corail, elle aperçut un mouvement, un éclat bleu-vert.

Un truc énorme.

Elle chassa vite de son esprit l'image des monstrueuses créatures pleines de dents qui vivaient dans l'océan. S'il s'agissait d'un requin, elle le tuerait et le rapporterais aux autres pour le petit déjeuner - histoire de voir la tête que ferais Comète.

Argil le suivit en courant. Tsunami hésita un instant. Ca ne lui plaisait pas de laisser l'Aile du Ciel, même s'il n'était pas encore pleinement conscient. Et ça ne lui plaisait pas trop no plus de recevoir des ordres de Comète.

Elle se tapit au sol en dépliant ses ailes, puis changea de couleur. Ses écailles adoptèrent le motif tacheté de la roche et du sable. Bientôt, il fut impossible de la distinguer du décor, surtout vue d'en haut. Cela s'était passé si vite que même Tsunami ne savait plus où elle se trouvait. Ses talents de camouflage s'amélioraient de jour en jour.