Commentaire de soizig

L’intrigue se passe dans un petit village reculé de Provence au fin fond d’une vallée. Un village où tout le monde se connait depuis toujours. Un monde rural où les gens vivent entre eux, où les nouvelles mais aussi les rumeurs circulent vite et enflent rapidement, faisant fi des liens tissés par le passé.

C’est un roman choral qui s’attache principalement à trois personnages : Paul-Marie, Claude et Enzo. Tous vont voir leurs vies bouleversées par un même drame. Le livre répond à la question suivante : « que s’est-il réellement passé cette nuit où Paul-Marie, employé de mairie modèle, a hébergé chez lui Enzo, son jeune stagiaire « aux neurones atrophiés de naissance « ? Ce qui devient important hélas ce n’est plus la quête de la vérité mais ce qui va se dire, les interprétations des uns et des autres. Très vite la suspicion s’installe dans le village, la haine et pour terminer le rejet. Les amitiés n’y résistent pas, car quelque part il y a peut-être aussi de la rancœur enfouie qui resurgit. Les habitants de ce village isolé sont de petites gens, aux vies souvent misérables, aux jugements hâtifs, pas toujours bien intelligents. Ils parlent entre eux sans vraiment connaître les faits et malheureusement « on ne peut pas contrôler ce que les gens pensent » et dans ce livre tout va vite dégénérer.

Paul-Marie est un quadragénaire sensible, soufre douleur de son père, désespéré après la mort accidentelle de son grand frère protecteur, à la recherche d’un peu d’amour. Ce n’est pas auprès de sa mère Claude qu’il trouve la tendresse car cette femme rugueuse que la vie n’a pas épargnée « n’a pourtant jamais eu un cœur de pierre. Elle ne le montrait pas, c’est tout ». Enzo lui est un jeune homme avec une déficience intellectuelle, à la sensibilité à fleur de peau, étouffé par une mère castratrice et dont le père est absent.

Le livre alterne les points de vues et les époques ce qui peut dérouter le lecteur. Il évoque la noirceur de la société et celle de l’âme humaine en général. Il est question de souffrances, de délation, d’homosexualité, d’intolérance.

Le lecteur a un peu l’impression de devenir voyeur car il a envie de comprendre le fin mot de l’histoire, pourquoi Paul-Marie se retrouve obligé de se cacher.

L’écriture est âpre, abrupte. L’ambiance est pesante. L’espoir n’est pas de mise. L’auteur a su se mettre dans la peau de ses personnages et les faire parler avec leurs tripes. Il a su bien retranscrire leurs émotions. Les scènes décrites sont souvent crues, violentes aussi parfois mais tellement réalistes.

Petit clin d’œil de l’auteur dans le choix du nom de famille de Paul-Marie : Paul-Marie Bonnefoy, un homme qui n’aura jamais pu prouver sa bonne foi.

Un livre noir, désespérément noir mais que je ne regrette pas d’avoir lu.