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Les gens aiment pas qu'on sorte des cases, ça leur rappelle qu'ils sont dedans.
Afficher en entierC'est un boulot. Mal payé et crevant, mais tellement central qu'elle ne voit pas comment ils pourraient se passer de ses services. Evidemment qu'elle rêve d'autre chose, parfois. Mais elle ne sait pas de quoi.
Afficher en entierManuel lève la tête et tend son regard vers les murs. Endetté jusqu’au cou mais propriétaire de sa maison en carton-pâte, de sa maison au crépi rose dans le lotissement social construit par une mairie vaguement socialiste, dans les années 80. Seulement il doit encore tellement de fric à son beau-père que c’est pas vraiment comme si elle était à lui. C’est plutôt comme si elle était à sa femme, la maison. Quant il y pense un peu trop, il a l’impression qu’on lui a coupé les couilles à la faucille. Et maintenant sa fille [enceinte à 16 ans], comme s’il était incapable de la surveiller. Au grand jeu de la vie, lui non plus n’a pas écrit les règles. Le problème, c’est qu’il pensait le contraire.
Afficher en entierEt il se remémore les nuits d avant, quand tout avait du sens, que l avenir était à lui. Il y pense comme s il s agissait d un autre, se regarde avoir été.
Afficher en entierFaut pas changer les habitudes, surtout dans un bled. Les gens aiment pas qu'on sorte des cases, ça leur rappelle qu'ils sont dedans.
Afficher en entierSi elle en avait été soulagée sur le coup, s'en souvenir le lendemain l'avait mortifiée. Et s'en souvenir aujourd'hui est encore désagréable. Parce qu'à cause de ce soir-là, Valérie sait que malgré ses airs, Séverine est aussi fissurée que le reste du monde.
Afficher en entierElle étale ses guibolles sous la table, tire sur son débardeur. Elle ne porte pas de soutien-gorge tellement ses seins sont petits. Sa mère l'engueule à cause de ça, c'est indécent quand même quand ça pointe. En matière d'indécence, des choses bien pires lui écorchent la rétine, à Jo. Si les mecs veulent mater son 85A, élèves et profs confondus ça va pas lui filer mal au crâne, ni la faire frémir. Jo n'est pas Céline.
Afficher en entierManuel a des visions de visages écrasés sous son poing, il entend même le bruit des cartilages qui se brisent contre ses doigts. Mais les visages restent flous, nombreux et sans nom. Il a envie de se battre - tout le temps, avec tout le monde.
Afficher en entierMais Céline, forcément, il aurait dû savoir. Sauf que non, merde, c’est sa gosse. Sa première, son trésor, sa fierté. C’est même lui qui l’a amenée chez le bijoutier – elle devait avoir deux ans –, pour faire percer ses petites oreilles. De minuscules pendants dorés pour la rendre encore plus belle. Évidemment que c’était pas toujours facile, et y avait des claques qui résonnaient souvent dans la maison, mais finalement il avait pas dû en donner assez.
Afficher en entierElle aurait voulu vivre dans une cité tentaculaire où personne ne connaîtrait personne, une ville immense où aucune vendeuse ne se souviendrait de son prénom, où personne ne saurait qu'à trente-quatre ans, elle va devenir grand'mère. Une ville qui ne serait pas un village;
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