Extraits

Un instant plus tard, la silhouette en robes noires bondissait dans la rue. Elle s'avança prudemment en direction du rire et traversa la rue pour jeter un oeil dans la ruelle.

Alek saisit sa chance et s'avança sans bruit et colla sa lame contre la gorge de son poursuivant.

- Rendez-vous, monsieur ! J'ai l'avantage.

L'homme était plus petit qu'il ne l'avait cru - et plus vif. Il pivota sous la main d'Alek, et tout deux se retrouvèrent face à face.

Alek plongea son regadr dans d'immenses yeux bruns encadrés par des bouclettes brunes. Il ne s'agissait pas d'un homme, ça alors !

- L'avantage, mon oeil ! dit la fille dans un allemand parfait. A moins que tu ne tiennes à mourir avec moi.

Alek sentit une pression, et baissa les yeux.

Elle appuyait la pointe de son propre couteau au creux de son ventre.

Un tourbillon de formes défila autour d'elle - elle fonçait droit vers le pilote de la jambe avant droite. L'imposteur ouvrit de grands yeux en la voyant arriver, les deux pieds tendus vers lui.

Mais il se baissa à la dernière seconde, et les bottes de Deryn le manquèrent d'un cheveu. Deryn sentit ses paumes glisser sur le métal luisant de la trompe : elle était en train de lâcher prise.

L'homme lui lança un regard mauvais et sortit un couteau.

Son visage lui parut étrange, il était plus pâle que la plupart des manifestants.

- Dummkopf ! lui cria-t-elle.

- Sie gleichen die ! répliqua-t-il.

Du clanker ! Deryn plissa les paupières, ce n'était pas du turc, du valaque, du kurde ni aucune autre de ces langues que l'on parlait à Istanbul. L'homme était allemand, ça ne faisait aucun doute.

Mais comment se débarrasser de lui ? Elle ne donnait pas cher de sa peau avec ses seules bottes contre son couteau.

- Klopp avait mis le moteur bâbord en marche arrière ; la bête n'a fait qu'accompagner le mouvement. Apparemment, le Léviathan a plus de bon sens que ses propres officiers.

- Vous dites qu'ils avaient un désaccord, releva le Dr Barlow. Faut-il comprendre que vous avez inversé la poussée du moteur sans en avoir reçu l'ordre ?

- Nous n'avions pas le temps d'attendre les ordres.

Deryn émit un grognement. Pas étonnant qu'Alek soit aux arrêts.

- C'est une foutue mutinerie, déclara-t-elle d'une voix contenue.

- Nous avons sauvé l'aéronef.

- Oui, mais vous ne pouvez pas désobéir aux ordres uniquement parce que vous les trouvez stupides. Surtout en pleine bataille - c'est un acte passible de la pendaison !

- Ma folle témérité aurait-elle donc abouti à la bonne stratégie, comte?

- Même une horloge cassée donne l'heure deux fois par jour.

- Au moment où j'allais partir, l'un des œufs du Dr Barlow a éclos. Un petit animal en est sorti. Plutôt bruyant. Quand j'ai fait mine de le quitter, il s'est mis à crier comme un bébé - enfin, je suppose. J'ai bien cru qu'il allait réveiller tout l'aéronef !

Volger hocha la tête.

- Vous avez donc été contraint de l'étrangler. Une expérience tout à fait déplaisante, j'en suis sûr. Mais on ne retrouvera pas le corps avant demain matin, et nous serons loin à ce moment-là.

"-Le petit déjeuner du condamné? demanda Volger en refermant la porte.

-Ça m'étonnerait qu'on vous pende, monsieur. Pas aujourd'hui, en tout cas.

L'homme sourit et se versa une tasse de thé.

-Vous autres darwinistes êtes tellement indulgents".