Extraits

Un grave malentendu sur les anges : nous croyons qu'ils veillent sur nous pour soigner notre anxiété, alors qu'en réalité c'est nous qui devons les rassurer.

Au matin, je me réveille heureux. Quoique je ne détecte aucune raison spéciale de me réjouir, j'éprouve en moi ce calme repu qui succède aux crises de larmes. Je contemple le terrain vague. À une brise moins froide, je devine que le printemps frémit, que les plantes passeront bientôt du trépas à la vie, qu'une énergie s'obstine, grouille, enfle, en s'infiltrant dans les veines des vivants.

Des brins d'herbe jaunis se hérissent vers le soleil. Chaque seconde, des traits mélodieux, des trilles, des roulades fusent à travers le taillis. Le ciel a l'air bien disposé. Je cède à cette exaltation sans motif.

- On vit avec le Coran, on n'a pas besoin de le lire. C'est comme le dictionnaire : t'as lu le dictionnaire, toi ?

- Comment expliques-tu que tu voies les morts ?

- Comment expliquez-vous que vous êtes vivante ?

- Tu réponds à ma question par une question.

- Parfois, je ne trouve qu'une autre question en solution à une question. Nous avançons dans des mystères.

- Les morts ont-ils un pouvoir sur les vivants ?

- Les morts ont le pouvoir que les vivants leur laissent.

« Les morts ne reviennent pas d'eux-mêmes, ce sont les vivants qui les rappellent. »

« Si la mort consiste à ne pas compter aux yeux des autres, je la pratique déjà. De mon vivant, je suis un mort qu'on ne fleurit pas. »

« Au fond, je ne sais ni vivre ni mourir. Je me réduis à une impuissance exhaustive. « Bon à rien », ainsi que l'avait seriné mes éducateurs. »

« Voilà aussi ce qui me désole : ne pas détenir le pouvoir de disparaître. Quoi qu'il arrive, mon corps résiste, opiniâtre, mécanique, opaque à mon désir de périr. Il persiste sans motif. »

« Un grave malentendu court sur les anges : nous croyons qu'ils veillent sur nous pour soigner notre anxiété, alors qu'en réalité c'est nous qui devons les rassurer. »