Extraits

La jeune victime tressauta, trop hébétée pour savoir qu’elle était morte. Après s’être tortillée vaguement vers la sortie, elle s’effondra, vaincue, dans une mare rouge vif.

Sans perdre un instant, Báthory s’empara de l’ordinateur et des deux téléphones portables posés à côté.

L’auvent remua.

Nate entra, embrassa la scène du regard et braqua aussitôt son pistolet vers elle.

— Putain, qu’est-ce que… ?

Elle se redressa, tout sourire.

Ce n’était pourtant pas le garçon qu’elle saluai

CHAPITRE PREMIER

26 octobre, 10 h 33, heure d’Israël

Césarée, Israël

Le Dr Erin Granger passa sa brosse la plus douce sur le crâne millénaire. À mesure qu’elle le dépoussiérait, elle observa les jointures infimes des os, la fontanelle ouverte. Grâce au degré de callosité, elle conclut qu’il s’agissait d’un nouveau-né et, d’après l’angle du pelvis, il devait être de sexe masculin.

Mort à l’âge de quelques jours à peine.

Tandis qu’elle extrayait l’enfant du sol, elle posa aussi sur lui un regard de femme, imaginant le bébé couché en position fœtale, ses petits poings serrés. Les parents avaient-ils compté ses battements de cœur, embrassé sa peau d’une délicatesse incroyable, regardé la vie quitter son corps minuscule ?

Comme elle l’avait fait jadis avec sa jeune sœur.

La brosse à la main, Erin baissa les paupières.

Arrête.

Elle rouvrit les yeux, replaça une mèche blonde échappée de sa solide queue-de-cheval et se reconcentra sur les ossements. Elle se promit de découvrir ce qui s’était passé des dizaines de siècles auparavant. Parce que, comme sa sœur, l’enfant n’était pas décédé de manière naturelle. Seule différence : il avait été victime d’un acte de violence et non de négligence.

Au cours de l’examen, elle remarqua la position méticuleuse des membres. Quelqu’un avait pris la peine de replacer correctement le corps avant de l’enterrer. Hélas, ses efforts ne masquaient pas les os fracturés et manquants, preuve du calvaire subi par le nourrisson. Même deux mille ans d’histoire n’effaçaient pas la brutalité du crime.

PROLOGUE

Printemps 73 après J.-C.

Massada, Israël

Les morts continuaient de chanter.

Cent mètres au-dessus d’Éléazar, le chœur des neuf cents rebelles juifs résonnait au mépris des légionnaires romains postés à leurs portes. Les retranchés avaient juré de se suicider plutôt que d’être capturés. Leurs dernières prières, adressées au Très-Haut, retentissaient dans les galeries creusées au cœur de la montagne de Massada.

Abandonnant les condamnés à la lumière amère du soleil, Éléazar détacha son regard de la voûte calcaire. Il aurait voulu psalmodier avec eux, offrir sa vie au cours d’une ultime bataille. Or, son destin à lui se trouvait ailleurs.

Sur un autre chemin.

Il prit le précieux bloc entre ses bras. La pierre réchauffée par le soleil mesurait à peu près la taille d’un nouveau-né. Le pavé serré contre sa poitrine, il se fit violence pour emprunter un couloir grossièrement taillé dans la montagne. Derrière lui, des maçons scellèrent l’entrée. Aucun homme vivant ne devait lui emboîter le pas.

Les sept soldats qui l’accompagnaient ouvrirent la marche à la lueur de flambeaux. Leurs pensées étaient certainement restées avec leurs frères, les neuf cents insoumis du plateau écrasé de chaleur. La forteresse était assiégée depuis des mois. Dix mille légionnaires répartis sur d’immenses camps autour de la mesa veillaient à ce que personne n’entre ni ne sorte. Les rebelles avaient fait le serment, une fois leurs chants terminés, de tuer chacun toute leur famille, puis de se donner la mort avant que les Romains ne franchissent les remparts. Ils priaient et s’apprêtaient à trucider des innocents.

Moi aussi, j’y suis contraint.

Identique ? Autrement dit, la strate aurait aussi deux mille ans. Erin se pencha de nouveau sur les images fascinantes. Si les données étaient exactes – et elle aurait, bien entendu, à le revérifier –, chaque parabole marquait l’emplacement d’un crâne humain.

Nate la tira de sa réflexion.

— J’ai effectué un calcul rapide. Il y en aurait plus de cinq cents, dont aucun ne dépasse dix centimètres de diamètre.

Dix centimètres…

Des crânes, certes, mais surtout des crânes de bébés.

Des centaines de bébés.

Elle récita en silence le passage de la Bible concerné : Matthieu, II, 16. « Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, selon la date dont il s’était soigneusement enquis auprès des mages. »

Le massacre des Innocents. Selon la légende, Hérode l’avait ordonné pour être sûr et certain de tuer l’enfant qui, conformément à ses craintes, le remplacerait un jour en tant que Roi des Juifs. Au bout du compte, il avait échoué. Le bébé qu’il recherchait s’était sauvé en Égypte, où il avait grandi et était devenu l’homme connu sous le nom de Jésus-Christ.

L’équipe d’Erin venait-elle de découvrir la preuve tragique du crime d’Hérode ?